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Tribune

L’industrie africaine de l’assurance : faire face aux conflits et à l’évolution politique

Par Martin Ziguele, Ancien premier ministre de la Centrafrique, directeur d'EXACT Conseil, cabinet conseil en finance et assurances. Par Martin Ziguele, Ancien premier ministre de la Centrafrique, directeur d'EXACT Conseil, cabinet conseil en finance et assurances.
  • lundi, 08 octobre 2012 04:53

 

Dans le cadre du 40ème anniversaire de l'Organisation Africaine des Assurances qui a vu la participation de plus de 500 dirigeants de l’industrie des assurances à Maurice, Martin Ziguele est intervenu sur la thématique de l’assurance africaine face aux conflits et à l’évolution politique :

Le thème que je suis invité à développer, à savoir « L’industrie africaine de l’assurance : faire face aux conflits et à l’évolution politique » est aussi pertinent qu’actuel pour notre continent.

C’est vrai, pour une large part de l'opinion mondiale et notamment occidentale, l'Afrique est la terre par excellence des conflits de tous ordres, c'est la terre de prédilection des catastrophes naturelles et humaines, c’est la terre des illusions perdues. L'image de l'Afrique est si mitigée qu’il y a quelques années encore, un diplomate occidental de haut rang a cru devoir écrire un éditorial dans un grand quotidien de son pays pour affirmer et tenter de démontrer que si toute l'Afrique disparaissait dans les flots, le monde ne s'en apercevrait même pas... Et pourtant, si la réalité est effectivement difficile et contrastée, elle est un peu différente, heureusement pour l'Afrique, puisque nous célébrons aujourd'hui le 40ème anniversaire de l’Organisation des Assurances Africaines qui, depuis sa création en 1972, regroupe des assureurs africains qui ont foi en l'Afrique. Comme l'a affirmé le célèbre physicien anglais Newton, le mouvement se prouve en marchant, et en passant d'une production de 50 milliards de dollars US en 2006 (sur un total mondial de 3675milliards USD) à 67 milliards en 2010 (sur un total mondial de 4339 milliards USD), soit une augmentation de 34 % en cinq ans (contre une évolution de 18 % en cinq ans à l’échelle mondiale, source Sigma) l'assurance africaine avance à petits pas, malgré les difficultés dont notre continent n’a pas l’exclusivité historique. Le temps est peut-être venu de reconsidérer le modèle d’assurance « mondialisée » pour l’adapter aux spécificités africaines.

Nul ne peut nier qu'avant même la création de l'Organisation de l'Unité Africaine en 1963 devenue plus tard l'Union Africaine, et qui a servi de modèle politique à l’Organisation des Assurances Africaines, l'industrie africaine des assurances a vécu, et vit toujours, dans un tableau et un environnement polémologique assez singulier : en effet, depuis l'indépendance aux environs des années soixante jusqu'à nos jours notre continent a été le théâtre de nombreux conflits politico-militaires, dont certains persistent malheureusement encore, comme en Somalie, dans les deux Soudans, au Mali, en RD Congo, etc. D'autres conflits, en revanche, ont été résorbés comme l'apartheid en Afrique du Sud, les guerres civiles en Angola, au Libéria, au Rwanda, au Nigeria, au Tchad, etc.

Dans le même temps, il faut souligner que l'Afrique a vécu de très fortes évolutions politiques, globalement positives en matière d’amélioration de la gouvernance, du renforcement de l’Etat de droit et de la qualité du leadership, accompagnés d'une réduction sensible de la pauvreté, de la maladie et de la faim. Pour développer la thématique proposée, je procèderai par des réponses aux questions suivantes :

  1. Dans les autres régions du monde et notamment dans le monde occidental, comment l'industrie des assurances a t'elle fait face aux conflits et à l'évolution politique ?
  2. Comment l'industrie africaine des assurances a-t-elle fait face aux conflits et à l'évolution politique ?
  3. Comment l'industrie des assurances en Afrique pourra-t-elle contribuer à limiter les conflits?
  4. Comment l'industrie des assurances en Afrique pourra-t-elle influer sur l'évolution politique?

Comment l'industrie des assurances occidentale a-t-elle fait face aux conflits et à l'évolution politique ? L'expérience des pays aujourd'hui développés

Nous savons tous qu’après sa naissance dans l’Egypte antique, sous la forme de la solidarité organisée par les constructeurs de pyramides, des temples et autres ouvrages, l'assurance a véritablement pris son essor dans le bassin méditerranéen, grâce au développement du commerce maritime dans le « Mare Nostrum ». À cette époque, les pirates infestaient tout le bassin méditerranéen et au-delà, et leurs fréquentes attaques rendaient tellement périlleuses les expéditions maritimes que la très sommaire opération d'assurance maritime était baptisée « Nauticum foenus » ou le prêt à la grosse aventure. Il a fallu attendre la révolution industrielle et l'établissement progressif de l'État de droit, pour assister à la naissance de vraies entreprises d'assurances qui, pour se développer, avaient à la fois besoin d'un Etat fort, d'une justice indépendante et de l'éclosion de classes moyennes pouvant constituer une demande solvable et consistante.

Après les multiples guerres intestines, et les révolutions industrielles, le monde occidental vivra deux grandes guerres mondiales qui ont littéralement détruit plusieurs de ces pays. L'industrie des assurances s'y est patiemment reconstruite. En effet, dans le cadre du Plan Marshall et à la faveur du grand projet politique de construction de l'Union européenne, les pays membres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, puis de la Commission économique européenne devenue ensuite l'Union européenne ont progressivement adopté des mesures politiques, juridiques, juridictionnelles, économiques, financières et sociales qui ont radicalement transformé ses pays membres.

L'Etat de droit s’y est partout renforcé, la démocratie est devenue la règle impérative de fonctionnement des institutions, presque tous les secteurs de l'économie ont été progressivement soumis aux règles du libre-établissement, de la libre-concurrence et de la gestion privée, et l'industrie des assurances a littéralement explosé. De grands groupes transnationaux et multinationaux d'assurances et de réassurances ont été créés et se développent aujourd’hui, tandis que la réglementation est soumise à un processus permanent d'uniformisation, de transparence et de solidité.

2- Comment l'industrie africaine des assurances a-t-elle fait et fait-elle face aux conflits et à l'évolution politique ?

Il se dégage de l’exemple historique occidental une constante : les conflits politico-militaires correspondent toujours à des manifestations temporaires et violentes d’un processus d’évolution politique plus profonde. L’existence de conflits ne peut donc pas être dissociée de l’existence d’un processus d’évolution politique en cours ou à venir. Une des spécificités, et donc l’un des défis, de l’industrie de l’assurance en Afrique a toujours été de devoir faire face à un contexte particulier pour en faire des opportunités nouvelles, notamment au regard de l’environnement sociopolitique. Nous évoquons ci-après quelques catégories significatives d’évolution :

  • Une première catégorie de pays africains ont dû mener des véritables guerres de libération nationale comme en Algérie, au Mozambique, en Angola, en Guinée-Bissau et au Cap Vert, entre autres, dans le cadre de leur accession à l'indépendance. Les infrastructures économiques y ont été largement détruites et, dans le cadre de politiques nationalistes dirigistes, le secteur de l'assurance a généralement été d'abord nationalisée, puis beaucoup plus tard, libéralisé, consécutivement à une reconversion progressive à l'économie de marché.
  • La seconde catégorie englobe la grande majorité des pays africains qui ont accédé pacifiquement à l’indépendance. Leurs marchés nationaux ont d’abord évolué dans un contexte plutôt apaisé, avant de vivre , à partir de 1963-1965, les soubresauts liés aux conséquences multiformes des coups d’Etat ou tentatives de coups d’État militaires, des insurrections politico-militaires et des guerres civiles. Plus récemment, aux alentours des années 1990, les poussées en faveur d’une démocratisation rapide ont aussi apporté leurs lots de troubles civils et militaires. Si ces différentes formes de violences ont bien sûr rendu la pratique du métier assez difficile, notamment à cause des difficultés de plus en plus grandes à trouver de bonnes conditions de réassurance à des coûts acceptables, il ne faut pas occulter le fait que de notables évolutions structurelles de fond se sont confirmées. En effet, dans l’esprit de la résolution de la Conférence de la CNUCED de Santiago du Chili de 1972 qui avait appelé les pays en développement à la maîtrise de leurs marchés nationaux d’assurances, les multiples petits acteurs nationaux ont connu deux types de transformation : d’un côté dans les pays d’option libérale, les entrepreneurs privés se sont développés et renforcés sous forme de sociétés privées de droit national, tandis que dans les pays d’option dirigistes, les entreprises existantes ont été nationalisées. Ces deux évolutions ont toutefois abouti aujourd’hui à une reconnaissance de la primauté de l’initiative privée, et la constitution de groupes d’assurances autochtones multinationaux africains, compte non tenu des cheminements politico-militaires des pays.

En parallèle il faut noter qu’en Afrique subsaharienne francophone, les efforts d’intégration de la CIMA, se sont renforcés, avec une législation commune à quatorze États, un corps de contrôle commun et une école commune de formation de professionnels pour le secteur d’assurances.

  • Puis nous avons le cas spécifique de l’Afrique du Sud, qui après vaincu l’apartheid à l’issue d’une très longue et difficile lutte, a su préserver une ligne politique globale qui pérennise sa position de nation pilote des assurances en Afrique pour trois raisons majeures : sa très grande base économique diversifiée, la qualité de ses professionnels issus du système anglais (et appliquant les mêmes principes de gestion d’assurances qu’en Angleterre) et le faible poids de ses organismes publics d’assurance (qui en pratique sont substitués par les assureurs privés).

3- Comment l'industrie des assurances en Afrique pourra t'elle contribuer à limiter les conflits?

La singularité de l’environnement sociopolitique pour l’industrie de l’assurance en Afrique s’illustre d’abord par le type et la fréquence, pour ne pas dire la récurrence, des conflits locaux souvent considérés comme de faible intensité sur le plan géostratégique mondial, mais aux conséquences sévères pour des pays en construction. Cette spécificité conduit à poser les questions suivantes : quel est l’impact des conflits sur le marché de l’assurance ? Et comment y faire face ?

3-1 Quel est l’impact des conflits sur le marché de l’assurance africaine ?

L’impact des conflits sur le marché de l’assurance africaine s’illustre à plusieurs niveaux.

D’une part, les conflits signifient concrètement la destruction massive et délibérée de vies humaines et de biens publics et privés, et par conséquent ils ne profitent ni aux assurés, ni aux assureurs. Les conflits ont de manière générale un impact très négatif sur le marché de l’assurance, car bien qu’en ces périodes les besoins objectifs de couvertures d’assurance augmentent (en raison de la hausse de l’insécurité morale, matérielle et financière), dans les faits et pour des raisons techniques évidentes les assureurs durcissent l’accessibilité à leurs couvertures. En outre, il est observé en ces moments de crise une baisse du degré de confiance accordé aux institutions et/ou à l’État, ainsi qu’aux compagnies locales d’assurance, et par conséquent une forte propension à la demande d’une couverture d’assurance hors du pays ou même du continent.

Par ailleurs, nombre d’économistes célèbres soulignent que l’économie de la guerre est essentiellement consommatrice, et non productrice, de richesses et par conséquent de matière assurable. Cette situation s’observe dans le pays au sein duquel se déroule le conflit, mais également dans les pays voisins. C’est ainsi que Paul Collier, ancien Chef Économiste à la Banque Mondiale et actuellement Professeur d’Économie à l’Université d’Oxford (UK), évalue le coût d’une guerre civile typique à quatre fois le Produit National Brut (PNB) annuel du pays concerné, et jusqu’à la moitié du PNB des pays voisins (cf. l’ouvrage de la célèbre économiste zambienne Dambisa Moyo intitulé « L’aide fatale – Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique », JC Lattès [2009]). En pratique, en raison de conflits politiques et militaires, nombre de pays à fort potentiel économique se retrouvent ainsi parmi les pays avec les plus faibles niveaux de production de richesse, et par conséquent de matière assurable.

Enfin, les risques de conflits sont difficilement assurables, en raison des difficultés à quantifier les risques, des forts potentiels de sinistralité, de la forte corrélation des risques, de la forte asymétrie d’information, etc. C’est dans ce contexte que le Code des Assurances des États membres de la CIMA limite l’engagement des assureurs en cas de conflits. Ainsi, en assurance dommage, l’article 38 du Code[1] précise que les assureurs ne sont pas tenus de verser des prestations en cas de guerre (qu’il s’agisse de guerre étrangère, de guerre civile, d’émeute ou de mouvement populaire). En assurance vie, les exclusions en cas de guerre semblent toutefois moins fortes, puisque l’article 94 indique qu’il existe un risque d’exclusion en cas de guerre étrangère uniquement, et que cette exclusion potentielle n’est pas réglementaire, mais relève de l’autorité de chaque État membre après cessation des hostilités.

Au final, on comprend que les conflits sont défavorables pour tous les acteurs de l’industrie de l’assurance (les potentiels assurés, les assureurs, l’État, etc.). Il s’agit donc d’une situation « perdante / perdante », dont il convient de réduire les effets.

3-2 Comment l’industrie africaine des assurances peut elle contribuer à réduire les conflits et leurs impacts ?

Pour limiter les conflits, l’industrie de l’assurance à un rôle à jouer. En effet, force est de constater que les conflits sont largement corrélés au sous-développement : l’économiste et chercheur français Philippe Hugon dans son livre « L’économie de l’Afrique », Editions La découverte [2009], constate ainsi que 80 % des pays les moins avancés ont connu des conflits depuis le milieu des années 1990. C’est effectivement dans la pauvreté que germent les mouvements de contestation de l’ordre établi, de protestation populaire et populiste, et c’est la pauvreté qui est le terreau sur lequel prospèrent les groupes fanatiques religieux et autres. Ces mouvements contribuent à l’instabilité politique et augmentent le risque politique. Un développement des économies pourrait donc conduire à une réduction du nombre de conflits.

Il est bien connu que l’industrie de l’assurance a vocation à jouer un rôle prépondérant dans le financement de l’économie, en investissant les cotisations qu’elle collecte. Par ailleurs, l’industrie de l’assurance pourrait procurer suffisamment de sécurité financière aux agents économiques (entreprises, populations, etc.) pour leur permettre de nuancer leur forte préférence pour la liquidité et d’entreprendre des investissements productifs, qui s’inscrivent par nature dans la durée. Une industrie de l’assurance en bonne santé, c’est-à-dire qui investit directement dans l’économie et qui permet aux autres agents économiques d’y investir également, contribuerait à la sortie de certains pays du sous-développement. De ce fait, elle permettrait de limiter le nombre de conflits qu’on y observe.

En reproduisant sans grands changements le modèle occidental du secteur d’assurances en Afrique, l’assurance africaine ne s’adresse en réalité qu’à une petite part de la population africaine, celle qui a des revenus confortables, stables et croissants (ou en tout cas suffisants pour pouvoir payer une prime d’assurance pour les produits classiques actuels). Or la majorité de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté, n’ayant ni revenus stables ni revenus croissants.

Le modèle d’assurance actuel doit donc évoluer et s’adresser à toutes les couches de la population, surtout aux plus vulnérables. Le développement de la micro-assurance, ou l’assurance pour les démunis ou pour les pauvres, appartenant au secteur informel, agricole ou ayant des salaires bas, contribue, à mon avis, à diminuer la vulnérabilité de la majorité de la population et à augmenter à terme, la sécurité financière d’une population « moins pauvre ». Le gain en matière de stabilité politique sera alors évident.

Les bailleurs de fonds et les agences de développement, en contribuant aux Objectifs de Développement du Millénaire des Nations Unies, aident plusieurs pays dans la mise en place de réglementations pour la micro-assurance, dans l’accompagnement des autorités de contrôle et des différents acteurs offrant déjà la micro-assurance. Ceci est le véritable chemin du développement durable et donc la stabilité du continent africain. Nous encourageons ces initiatives ainsi que toutes les sociétés anonymes et les mutuelles d’assurances voulant s’investir dans ce domaine pour un meilleur lendemain pour l’Afrique.

Au final, on retient donc que grâce à son rôle économique, l’industrie de l’assurance est en mesure de prévenir les conflits, et donc d’intervenir en amont pour en réduire le nombre.

En pratique, il apparaît également que l’industrie de l’assurance peut aussi intervenir en aval, en réduisant les impacts de conflits existants. En effet, lorsqu’il y a une autorité de contrôle par pays, dès qu’un pays entre dans une période de conflits, il existe de bonnes raisons de penser que l’autorité de contrôle ne pourrait plus exercer son rôle de manière satisfaisante, ce qui pourrait déstabiliser le secteur de l’assurance puis alimenter les conflits existants. À l’inverse, dans un schéma d’organisation régionale, c’est-à-dire en considérant une autorité pour plusieurs pays, à l’image de la CIMA, l’autorité de contrôle n’est pas systématiquement exposée aux conflits au sein d’un des pays et peut ainsi continuer à veiller au bon fonctionnement de l’industrie de l’assurance. En d’autres termes, l’existence d’une autorité de contrôle régionale, et non nationale, permet de limiter les conséquences d’un conflit au sein d’un des États membres. Ce serait par exemple une bonne chose pour l’Afrique si les pays anglophones, lusophones et francophones se retrouvaient au sein d’une même autorité de contrôle régionale et autour d’une même législation, afin de créer un vrai marché commun des assurances africaines.

4- Comment l'industrie des assurances en Afrique pourra t'elle influer sur l'évolution politique?

Nous avons dit tantôt que les conflits politico-militaires s’inscrivent dans un processus global d’évolution politique, à laquelle les assureurs doivent attacher une attention particulière.

4-1 Quels sont le rôle et l’importance de la politique pour l’industrie de l’assurance ?

Sans tomber dans l’angélisme, on peut raisonnablement penser que les évolutions politiques en Afrique seront positives, du moins à moyen ou long terme, sachant que généralement elles traduisent un changement d’ère politique et s’accompagnent d’un rajeunissement de la classe dirigeante.

Ces évolutions positives sur l’environnement politique devraient conduire à des évolutions positives sur le marché de l’assurance, compte tenu notamment du rôle significatif que peut avoir l’État dans le développement de l’industrie de l’assurance et de la micro-assurance, au titre par exemple du climat de confiance qu’il peut instaurer (la confiance étant un préalable de base pour toute activité d’assurance) et d’éventuelles incitations (fiscales et autres, etc.) qu’il peut mettre en place.

Un environnement politique bienveillant facilite donc le développement de l’industrie de l’assurance. En pratique, il apparaît que la réciproque est également vraie : une industrie de l’assurance en bonne santé est susceptible de contribuer à la constitution d’un environnement politique bienveillant. Plusieurs mécanismes permettent d’illustrer ce phénomène.

4-2 Comment l’industrie des assurances peut-elle favoriser un processus d’évolution politique positive ?

L’industrie de l’assurance est susceptible et a d’ailleurs vocation à développer une classe moyenne, c’est-à-dire une société civile, elle-même susceptible d’accélérer l’évolution positive des politiques africaines. Cette position rejoint celle de la célèbre économiste zambienne Dambisa Moyo qui, dans son livre déjà cité, indique de manière plus générale que la croissance économique favorise la démocratie, et non nécessairement l’inverse. L’industrie de l’assurance a donc bien un rôle à jouer pour contribuer à une évolution politique positive.

Cette accélération des évolutions politiques positives par les populations peut également être dynamisée par le rôle que joue l’assurance dans la société. En effet, comme l’ont rappelé les actuaires Aymric Kamega et Frédéric Planchet dans leur ouvrage « Actuariat et assurance vie en Afrique subsaharienne francophone – Outils d’analyse de la mortalité », Seddita [2012], l’industrie de l’assurance œuvre pour l’intérêt général, l’assurance étant reconnue comme une obligation sociale et morale, au service de l’intérêt collectif de l’homme en société. En parallèle, comme le précise Philippe Hugon dans son livre « Géopolitique de l’Afrique », Armand Colin [2006], bien souvent en Afrique, l’État ne semble ni bienveillant, ni efficacement au service de l’intérêt général. Une expansion de l’industrie de l’assurance permettrait ainsi de redévelopper à l’échelle nationale une culture de l’intérêt général, qui ne semble exister aujourd’hui qu’au niveau communautaire, et encore de manière informelle. Une nouvelle industrie de l’assurance, couvrant une population large par exemple grâce à la micro-assurance, accompagnerait ainsi largement l’État dans son rôle de bienveillance au service de l’intérêt général au niveau national.

Comme je l’ai affirmé plus haut, la micro-assurance peut jouer un rôle important dans le développement durable du continent ; ce développement durable diminuera le risque politique. En effet, en rendant l’assurance plus « inclusive » qu’« exclusive », l’assurance aidera à réduire la pauvreté, donc contribuera à un environnement socio-économique plus stable.

En conclusion, nous pouvons affirmer que l’industrie africaine de l’assurance doit être proactive, et non passive, face aux conflits et à l’évolution politique. S’il apparaît que les conflits ont un impact négatif sur l’industrie de l’assurance, il n’en demeure pas moins que l’industrie de l’assurance peut être en mesure de prévenir et de limiter les conflits. L’habitude a été prise par notre industrie d’être discrète et d’attendre tout des politiques quant à leur rôle sur l’industrie de l’assurance, mais il est temps de rappeler fort et haut que l’industrie de l’assurance doit prendre toute sa part dans l’accélération des évolutions politiques. En d’autres termes, que ce soit pour les conflits ou pour les évolutions politiques, l’industrie de l’assurance peut être proactive, et ne pas se contenter de subir les conséquences d’éventuelles situations ou évolutions défavorables. En outre, les conflits n’étant souvent comme je l’avais affirmé que des manifestations malheureuses des cycles d’évolutions politiques, l’industrie de l’assurance dispose de leviers importants pour favoriser des évolutions de structures à même de garantir et de renforcer la gouvernance des États, le renforcement de l’État de droit et l’éclosion de classes moyennes créatrices de richesses et demandeuses de protection.

Je vous remercie

[1] Version 2009

Bibliographie

Hugon P. [2006], « Géopolitique de l’Afrique », Armand Colin.

Hugon P. [2009], « L’économie de l’Afrique », La découverte.

Kamega A., Planchet F. [2012], « Actuariat et assurance vie en Afrique subsaharienne francophone – Outils d’analyse de la mortalité », Seddita.

Moyo D. [2009], « L’aide fatale – Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique », JC Lattès.



 

 

Par Martin Ziguele, Ancien premier ministre de la Centrafrique, directeur d'EXACT Conseil, cabinet conseil en finance et assurances.

 
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