Les taux interbancaires se sont envolé dès le 5 février 2014 sur le marché nigérian des capitaux, en réaction à la décision de la banque centrale (Central Bank of Nigeria – CBN) de faire passer à la hausse le ratio de réserve de trésorerie des fonds publics de 50 à 75%, une situation qui avait été envisagée par la plupart des analystes économiques dans ce pays.
Dans la plupart des mécanismes de prêts entre les banques nigérianes, les taux ont progressé sur une moyenne de 3%. Faisant craindre des répercussions encore plus sérieuses sur le financement de l’économie par l’épargne locale, en raison de la hausse des taux, et par conséquent du risque de voir les banques sous l’emprise d’un emprunteur unique, du fait qu’elle se tourneront vers les bons du trésor pour assurer leurs revenus et la profitabilité.
Lamido Sanusi qui devrait quitter ses fonctions de gouverneur de la CBN au mois de juin 2014 ne semble pourtant pas prêt d’être convaincu. La décision d’accroitre le ratio des réserves de cash de l’administration publique a été prise pour deux raisons qui sont les missions principales de la banque centrale au Nigéria. Limiter l’inflation, et protéger le naira des risques de change. Pour comprendre l’ampleur du problème, une récente analyse de la firme Cordros Capital Ltd en donne un aperçu. Selon le document, il ressort que l’essentiel des liquidités des banques au Nigéria provient des énormes de dépôts qu’effectue l’Etat et ses démembrement soit en terme de recettes pétrolières converties en nairas soit en revenus fiscaux.
Pays producteur de pétrole, et ayant bénéficié d’une hausse des cours ces dernières années, cette manne a fortement augmenté, accroissant ainsi le volume de liquidités au sein des banques, ce qui a permis à celle-ci de prendre un certain nombre de risques en prêtant un maximum à l’économie nationale, assurant aussi du même coup leurs profitabilités. Or, dans le contexte actuel d’un dollar US en hausse et à la veille d’un processus électoral au Nigéria, la banque centrale craint des sorties massives de liquidités vers des secteurs non productifs, ce qui entrainera en conséquence une dépréciation du naira encore plus forte face à la monnaie américaine.
Les réactions en chaines ne manqueront pas de suivre et déjà à court terme, les analystes anticipent déjà le rétrécissement du marché du crédit. Les coûts du crédit plus élevés sortent généralement de la compétition les petites et moyennes entreprises et tout le monde se rue sur les actifs à revenu fixe, comme les avances de trésorerie de court terme aux entreprises ou encore les bons du trésor des gouvernements, fédéral et fédérés.
Morgan Capital Research, pour sa part, ajoute à ce tableau la crainte de voir le système financier impacté doublement par les élections à venir, les personnes préférant capitaliser dans les campagnes politiques. Le coût du crédit étant élevé et les investisseurs du marché se tournant vers la politique, les entreprises en général et celle qui sont cotées en particulier devront batailler pour réduire les coûts et maintenir les marges de profit.
Sur le marché financier nigérian (Nigerian Stock Exchange), la panique se fait déjà ressentir et l’indice du sous-secteur banque n’en finit plus d’afficher une baisse qui pousse les investisseur à des ventes à vue. Pourtant chez Cordros Capital Ltd, on estime que la situation sera de courte durée. La première raison évoquée est que rien ne dit que le successeur de Lamido Sanusi aura à cœur les mêmes priorités. La deuxième est que les effets et impacts sur le niveau de liquidité des banques ne se fera ressentir que sur le court terme.
Selon les analystes de la firme, les dépôts de l’administration étant voués à la dépense en investissement ou fonctionnement, ceux-ci deviennent rapidement des fonds privés qui sont toujours logés dans ces banques et permettront de compenser la contrainte créée par le ration de réserve de trésorerie publique.
Idriss Linge
Par Idriss Linge, Agence Ecofin
Abidjan, Côte d'Ivoire. Une plateforme de mise en relation entre les entreprises allemandes et leurs homologues de l’Afrique francophone.