(Agence Ecofin) - Critiqué, car mettant fin au concept d’exclusivité et par ricochet de concurrence, le nouveau code de radiodiffusion nigérian exprime mal de nobles ambitions des autorités. Seulement, dans l’immédiat, il doit être amendé pour empêcher le départ des investisseurs étrangers du marché audiovisuel local.
Depuis plusieurs jours, le secteur de l’audiovisuel nigérian traverse une crise qui pourrait fortement affecter le secteur alors que la République fédérale, sur une pente ascendante depuis quelques années, était sur le point de rattraper son rival sud-africain. Finalement, il semble bien que le Nigeria, avec son nouveau code de radiodiffusion, ait sacrifié son marché sur l’autel de la démocratisation des contenus.
Cela pourrait être discuté et débattu. A l’origine, les autorités nigérianes voulaient seulement atténuer les conséquences du système des exclusivités, notamment dans le domaine du contenu sportif. En effet, les droits de diffusion exclusifs faisaient que, parfois, des évènements très regardés étaient uniquement disponibles sur les bouquets de certains opérateurs, privant une partie de la population de certains évènements.
Finalement, au lieu de se cantonner aux évènements sportifs de très grande envergure, les autorités nigérianes ont détruit le concept même de l’exclusivité audiovisuelle sur le marché local. Publié en janvier de cette année, et modifié en juin, le nouveau code de radiodiffusion oblige les télévisions payantes et les plateformes de vidéo à la demande à partager les droits de diffusion obtenus avec les autres opérateurs sous forme de sous-licences pour lesquelles l’Etat fixera le montant. Il faut bien comprendre que cela signifie que les entreprises ne pourront plus du tout avoir de contenu exclusif, même si les interprétations des articles doivent encore préciser si le contenu original est concerné. En un mot, la concurrence agonise au Nigeria.
Cela pose particulièrement problème à un moment où les grandes entreprises mondiales du secteur audiovisuel ont lancé une véritable ruée vers le Nigeria pour y produire du contenu, mais aussi pour y rendre disponibles en exclusivité des programmes étrangers. En l'état, ce code de la radiodiffusion est une véritable douche froide pour eux et pourrait freiner les envies d’investissements des entreprises étrangères. Finalement, les autorités nigérianes se contredisent un peu.
Alors qu’en 2017 elles affirmaient donner une place importante au secteur de l’audiovisuel dans le cadre de la diversification des sources de revenus, forcées par la fluctuation des prix du pétrole, le nouveau code de radiodiffusion semble traduire le contraire. En voulant mettre fin aux monopoles et au dictat des exclusivités, c’est tout le secteur que les autorités mettent en danger. De nombreuses entreprises étrangères pourraient freiner leur ruée sur la République fédérale.
Les autorités de leur côté défendent le code de la radiodiffusion en expliquant que la population bénéficiera de tous les types de programmes, quel que soit son pouvoir d’achat, et que les entreprises locales feront plus de profits. Si cette forme de pensée n’est pas exactement une prise d’otage « communiste » et protectionniste du secteur, le code de radiodiffusion sanctionne clairement l’innovation et la concurrence.
Pour le moment, les acteurs du secteur demandent aux autorités de surseoir à l’application du texte et de l’amender après avoir consulté tous les acteurs présents sur le marché audiovisuel nigérian. Dans le cas contraire, le pays de Nollywood pourrait mettre fin à une décennie de progrès constants dans le domaine de l’audiovisuel.
Servan Ahougnon
Palais du Pharo, Marseille, France - Explorer, Investir, Réussir.