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Cellou Dalein Diallo candidat à la présidentielle « pour faire perdre Alpha Condé dans les urnes »

  • Date de création: 11 octobre 2020 08:48

(Agence Ecofin) - Pendant 10 ans, Cellou Dalein Diallo a été la némésis du président Alpha Condé. Les deux hommes se sont affrontés durant les deux dernières élections présidentielles, et même après, sur de nombreux sujets les opposant. Alpha Condé (82 ans) et Cellou Dalein Diallo (68 ans) vont livrer leur dernier affrontement électoral ; une dernière danse entre meilleurs ennemis. 

En Guinée, lors de l'élection présidentielle du 18 octobre prochain, Cellou Dalein Diallo affrontera pour la dernière fois le président Alpha Condé. Battu à deux reprises par ce dernier, l’opposant avait espéré avant les évènements d’octobre dernier, consécutifs à l’annonce de son rival pour un 3e mandat, être le seul candidat de poids pour l’élection qui se prépare.

« Personne, à part moi ne sera candidat. Et j’espère qu’Alpha Condé ne se représentera pas. »

« Personne, à part moi ne sera candidat. Et j’espère qu’Alpha Condé ne se représentera pas. Je sais que le président est suffisamment intelligent pour ne pas tenter l’aventure », avait-il déclaré avant qu’Alpha Condé ne se déclare. « C’est le peuple qui décidera », conclura finalement Cellou Dalein Diallo.

« Je suis candidat à l'élection présidentielle pour faire perdre Alpha Condé dans les urnes. Le parti [l'Union des forces démocratiques de Guinée, Ndlr] a décidé de participer à cette élection et m'a désigné pour le représenter », a déclaré Cellou Dalein Diallo en juillet dernier. Pour lui, affronter Alpha Condé lors de l'élection du 18 octobre était trop important, même si cela l’exclut de fait du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Ce collectif composé de partis, de syndicats et de membres de la société civile, qui conteste la révision constitutionnelle adoptée en mars 2019, a fait savoir que tous les candidats à l’élection, censée être boycottée par le collectif, étaient exclus de fait du FNDC.

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« Je sais que le président est suffisamment intelligent pour ne pas tenter l’aventure.»

Pour Cellou Dalein Diallo, devenu l’image de proue de l’opposition guinéenne, la conséquence ne devrait pas être énorme dans les urnes. Surtout, il était impensable pour le politicien de 68 ans de laisser passer sa probable dernière chance de briguer la magistrature suprême, laissant une voie royale au président en place. Peut-être espère-t-il que l’histoire se répète. A la fin du règne du dictateur Lansana Conté et après la transition militaire, c’était l’opposant historique Alpha Condé qui avait pris le pouvoir. Au jeu des chaises musicales, avec Alpha Condé en « président qui s’accroche au pouvoir », Cellou Dalein Diallo espère bien être l’heureux gagnant de la loterie de l’histoire.

 

Parcours d’un cadre adopté très vite par les cercles du pouvoir

Né en 1952 dans le village de Dalen, dans la région du Fouta-Djalon, Cellou Dalein Diallo a grandi parmi les Peuls de la ville de Labé. Après ses études secondaires, il intègre l’Ecole supérieure d’administration de l’Université de Conakry où il fait des études de Comptabilité et Gestion. A sa sortie de l’université, en 1976, il intègre la fonction publique en tant qu’inspecteur des services financiers et comptables. Il part améliorer ses compétences à l’étranger, à l’occasion de diverses formations. Il fait des études en économie à Paris, au Centre d’études financières, économiques et bancaires (CEFEB) de l’AFD, puis à Washington à l’Institut du FMI. Il commence ensuite à gravir les échelons de l’administration. Il intègre le Conseil supérieur des normes et comptabilités et la Conférence économique nationale. Ces deux institutions sont dirigées par le président Sékou Touré qui remarque et apprécie le dynamisme du jeune cadre. Il nomme alors, entre 1979 et 1982, Cellou Dalein Diallo directeur commercial, puis directeur de la comptabilité centrale de la société sectorielle d’Etat Sercom.

Ces deux institutions sont dirigées par le président Sékou Touré qui remarque et apprécie le dynamisme du jeune cadre.

En 1982, le natif de Dalen devient chef du bureau d’études à la Banque guinéenne du Commerce extérieur. Trois ans plus tard, il rejoint la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG). Là, il devient tour à tour directeur du département de la comptabilité, directeur du département des changes et directeur général des affaires économiques et monétaires. Il participe à la restructuration de la Banque centrale et du système bancaire guinéen.

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Cellou Dalein Diallo devient officiellement Premier ministre en décembre 2004.

En 1995, il est nommé administrateur général adjoint des grands projets (ACGP) à la présidence de la République. En juillet 1996, il devient ministre des Transports, des Télécommunications et du Tourisme. L’année suivante, le département de l’équipement s’ajoute à ses attributions. En 1999, il devient ministre des Travaux publics, fonction qu’il conserve jusqu’en février 2004. Ce mois-là, il est nommé ministre de la Pêche et de l’Aquaculture dans le gouvernement du Premier ministre François Fall. A la démission de ce dernier, Cellou Dalein Diallo assure son intérim avant de devenir officiellement Premier ministre en décembre 2004.

 

Un opposant toujours placé mais pas gagnant jusque-là

Devenu Premier ministre, il doit à la fois apaiser le climat politique et freiner la chute de la monnaie ainsi que l’inflation. Il élabore un programme de stabilisation qui obtient le soutien du FMI. Au début de 2006, les résultats de ce programme convainquent les institutions de Bretton Woods de négocier avec la Guinée un programme pour la réduction de la pauvreté, mais Cellou Dalein Diallo est limogé.

Au début de 2006, les résultats de ce programme convainquent les institutions de Bretton Woods de négocier avec la Guinée un programme pour la réduction de la pauvreté, mais Cellou Dalein Diallo est limogé.

En 2007, il devient président de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), avec le soutien de l’opposant Mamadou Bâ. C’est durant les mois qui suivent que Cellou Dalein Diallo prend une envergure internationale.

Fortement opposé à Moussa Dadis Camara, président autoproclamé de la Guinée à l'issue du putsch du 24 décembre 2008, le natif de la région du Fouta-Djalon n’hésite pas à marcher contre la junte à la tête du pays avec les partisans de l’opposition.

Fortement opposé à Moussa Dadis Camara, président autoproclamé de la Guinée à l'issue du putsch du 24 décembre 2008, le natif de la région du Fouta-Djalon n’hésite pas à marcher contre la junte à la tête du pays avec les partisans de l’opposition.

Le 28 septembre 2009, les militaires répriment violemment une manifestation de l’opposition. Ils ont battu, poignardé et tué par balles des opposants au régime militaire, rassemblés dans le plus grand stade de Conakry pour réclamer que Moussa Dadis Camara ne se présente pas à la prochaine élection présidentielle.

Grièvement blessé, Cellou Dalein Diallo sera évacué à Paris pour y être soigné. Cet épisode lui vaut un soutien populaire hors du commun.  Il est candidat à l'élection présidentielle de l'année suivante. Sa popularité le porte en tête au premier tour avec 43,69 % des voix, devant Alpha Condé. Seulement, ce dernier remportera l’élection après la seconde manche. Les résultats provoquent d’importantes violences auxquelles met fin Cellou Dalein Diallo, après une conférence durant laquelle il reconnait sa défaite.

Il est candidat à l'élection présidentielle de l'année suivante. Sa popularité le porte en tête au premier tour avec 43,69 % des voix, devant Alpha Condé.

L’opposant élu à l’assemblée en 2013, ronge son frein pendant les 5 années suivantes. Pourtant, en 2015, Alpha Condé le battra à nouveau lors de l'élection présidentielle. Il décide à nouveau d’accepter les résultats malgré de nombreuses suspicions.

 3Cellou Dalein Diallo

« S’il décide de ne pas reconnaitre les résultats, nos militants descendront dans la rue. »

« J’ai décidé de ne pas user de mon droit de saisir la Cour constitutionnelle. D’abord au niveau du parti, nous sommes en train de nous concerter. Parce que ce que nous avons vécu ici, c’est la démocratie qui est en danger dans notre pays. Nous avons perdu tout sens de l’honneur, de la probité, de l’éthique. J’ai vu des gouverneurs, des ministres falsifier des PV. Notre pays est malade. Notre société est malade », déplore le candidat malheureux.

« C’est la démocratie qui est en danger dans notre pays. Nous avons perdu tout sens de l’honneur, de la probité, de l’éthique. J’ai vu des gouverneurs, des ministres falsifier des PV. Notre pays est malade. Notre société est malade »

Pour l'élection du 18 octobre prochain, l’ancien Premier ministre ne semble pas disposé à faire la même faveur à son meilleur ennemi. « S’il décide de ne pas reconnaitre les résultats, nos militants descendront dans la rue », prévient-il. Pour lui, « à son âge, Alpha Condé n’est plus apte à diriger la Guinée, il est fatigué ». Pas évident, même à 82 ans, que son rival soit du même avis. Qu’importe, Cellou Dalein Diallo semble décidé à remporter leur ultime confrontation.

Servan Ahougnon

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