(Agence Ecofin) - Au Kenya, la colossale dette de 3,2 milliards $ contractée auprès de la Chine pour la construction de la voie ferrée SGR, en service depuis 2017, continue de faire du remue-ménage. A chaque évocation, le gouvernement essaie de s’expliquer sans forcément convaincre.
Le gouvernement kényan a rejeté les allégations selon lesquelles le port de Mombasa pourrait être saisi par la Chine en cas de défaut de paiement du prêt lié à la construction et l’exploitation de la ligne de chemin de fer SGR.
Dans une déclaration publiée lundi 15 mars, le ministre des Finances, Ukur Yatani Kanacho (photo), a indiqué que le port de Mombasa n'avait aucune exposition défavorable à un prêteur ou à une catégorie de prêteurs par le biais des accords de prêt existants. « Pour éviter tout doute, il n'y a absolument aucun risque que la Chine ou tout autre pays reprenne le port de Mombasa. L'histoire est non seulement alarmiste, mais risque également de tacher les relations avec les partenaires de développement et les investisseurs étrangers », a-t-il précisé.
Cette sortie gouvernementale fait suite à un article publié par le journal en ligne The Star qui citait un rapport d’audit de la Kenya Ports Authority (KPA), déposé au Parlement et montrant que le port de Mombasa pourrait basculer sous le contrôle des Chinois si le gouvernement faisait défaut sur le prêt SGR de 364 milliards de shillings (3,3 milliards dollars). Selon ledit rapport, les actifs de la KPA ont été utilisés comme garantie pour le prêt SGR. « Les actifs de KPA sont exposés au risque de prise de contrôle par le prêteur depuis que l'autorité a signé l'accord d'arrangement de paiement », peut-on lire.
Face à cette ambiguïté, Ukur Yatani Kanacho se veut clair. « Les prêts d'Exim Bank of China dus au titre du projet SGR font partie de la dette publique payée par le biais du fonds consolidé conformément à la loi PFM 20112 », a-t-il déclaré. La nation d'Afrique de l’Est avait contracté deux prêts distincts de $1,6 milliard pour le projet.
Il soutient que le port est un actif stratégique financé par le gouvernement avec le soutien de partenaires de développement multilatéraux et bilatéraux. L’Etat ne peut donc pas et n'a pas promis des biens publics en garantie d'une dette, car une telle action violerait les dispositions des accords de prêt existants avec d'autres créanciers bilatéraux. « Pour éviter toute ambiguïté, le Kenya traite tous ses créanciers de la même manière », soutient-il. « Le Kenya continuera d'honorer ses obligations au titre du service de la dette pour préserver sa solvabilité parmi les nations, attirer les investissements et promouvoir la croissance et le développement de sa population », rassure Ukur Yatani Kanacho.
Rappelons que le mécanisme ayant abouti à la construction de la ligne SGR a été entaché de plusieurs irrégularités. En juin 2020, la Cour d'appel de Nairobi a rendu un jugement contre le projet conclu entre le gouvernement du Kenya et la China Road and Bridge Corporation (CRBC), qualifiant le contrat d'illégal. Les parlementaires kényans, pour leur part, ont demandé la renégociation du prêt chinois. Il en est de même du contrat d’exploitation jugé exorbitant. Le Kenya paie en principe à la Chine $1 million par mois pour le fonctionnement du SGR.
Romuald Ngueyap
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