(Agence Ecofin) - La bataille se poursuit entre le Port de Douala et le groupe Bolloré qui en gérait le terminal à conteneurs depuis 15 ans. Le Cameroun n’a pas souhaité reconduire le mandat du groupe français, échu depuis le 31 décembre 2019. Une décision que le groupe Bolloré conteste en justice sur différents fronts.
Dans le cadre du litige autour de la gestion du terminal à conteneurs du port de Douala, la principale place portuaire du Cameroun, Douala International Terminal (DIT), filiale des groupes APMT et Bolloré, dont la concession s’est achevée en 2019, a publié, le 13 novembre dernier, un communiqué selon lequel, elle se félicite de la décision rendue en sa faveur par le Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris en France.
En effet, DIT déclare avoir été contrainte de recourir au tribunal arbitral CCI sur les deux points suivants : partage des frais de stationnement entre le Port autonome de Douala (PAD) et DIT ; empêchement de DIT à participer à l’appel d’offres lancé en janvier 2018 et au terme duquel, le Suisse Terminal Investment Limited (TIL) a été désigné adjudicataire.
« Le 13 novembre 2020, le Tribunal arbitral a reconnu le bien fondé des deux demandes de DIT. Le Tribunal arbitral a en conséquence condamné le PAD à verser à DIT des dommages intérêts et à relancer un avis d’appel d’offres ouvert incluant DIT. DIT se félicite de ces décisions conformes à l’Etat du droit », déclare l’ex-concessionnaire du terminal à conteneurs du port de Douala.
DIT rappelle que les juridictions camerounaises ont déjà statué à plusieurs reprises en faveur des actionnaires de référence de DIT sur l’irrégularité de la procédure d’appel d’offres pour la concession du terminal à conteneurs et l’illégalité de la Régie mise en place par le PAD pour exploiter le terminal à conteneurs. « DIT et ses actionnaires de référence continueront bien entendu à défendre leurs droits vis-àvis de l’ensemble des parties impliquées, devant les instances juridictionnelles nationales et internationales, en particulier concernant les réquisitions de son personnel et de ses actifs, ordonnées illégalement par le PAD fin décembre 2019 », déclare la filiale de Bolloré.
Réaction du PAD
En réaction, l’autorité portuaire a publié, selon le 14 novembre, un communiqué selon lequel, elle a pris connaissance à travers un courriel du secrétariat de la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) de Paris en France, de la sentence arbitrale rendue le 10 novembre 2020. « Celle-ci ne lui a pas encore été signifiée et par conséquent, n'est pas exécutoire. Toute chose qui devrait en l'état, freiner le triomphalisme et l’empressement de Douala International Terminal (DIT) qui inonde les réseaux sociaux d'informations inappropriées », écrit le PAD.
L’autorité portuaire affirme qu’elle reste sereine et « entend exploiter en temps opportun, tous les moyens que lui accorde la loi et qui lui permettront d'exercer un recours en annulation devant la Cour d'appel de Paris ».
Même si le PAD se refuse pour l’instant de dévoiler les détails du recours qu’il va formuler devant la Cour d’appel de Paris, des sources juridiques évoquent déjà l'article 25 dans les clauses contractuelles entre les parties, qui aurait fait l’objet d’une « mauvaise interprétation ». « Cet article parle de la poursuite du service public portuaire au cours de la concession, et non à la fin de la concession. La redevance quant à elle est inarbitrable, il s'agit du pénal parce que c'est de l'argent que les clients ont versé et qui a été détourné. Le juge arbitral ne peut donc tabler sur le sujet », renseigne une source juridique de l’autorité portuaire.
Implication de la présidence de la République
Dans le cadre de cette affaire, DIT dont le contrat au terminal à conteneurs de Douala s’est achèvé le 31 décembre 2019 après 15 ans de concession, dénonce l’irrégularité du processus ayant conduit à la désignation de TIL comme son successeur à l’issue de l’appel international à manifestation d’intérêt du 12 janvier 2018. À l’issue de la première phase de ce processus, le groupement APMT Terminals BV/Bolloré SA a été classé 7e sur 9 candidats. Contestant ce rang, le groupe français a saisi la justice nationale et internationale.
Alors que le nouveau concessionnaire était sur le point de signer son contrat, Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence de la République, invoquant un ordre du chef de l’État, a demandé, le 23 octobre 2019, au directeur général du PAD de suspendre la finalisation de la concession du terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri avec l’entreprise suisse TIL. Ceci en attendant « les conclusions définitives de l’affaire Société APM Terminals BV et Bolloré SA contre Port autonome de Douala, pendante au tribunal administratif du Littoral à Douala ».
Pour sa part, le PAD estime avoir fait le bon choix en écartant le groupe Bolloré. Selon l’autorité portuaire, le total de toutes les redevances de concession proposées par TIL, sur les 15 années de contrat à signer, est de 357 milliards de FCFA contre 62 milliards de FCFA pour la concession de DIT.
Sylvain Andzongo
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