(Agence Ecofin) - Air Mano verra-t-elle le jour sous nos tropiques ? Depuis sa relance en 2013, le projet de création de cette compagnie aérienne demeure à l’état de gestation. L’initiative de ce transporteur communautaire, qui a refait surface il y a 7 ans, est l’émanation de la volonté des chefs d’États de l’Union du fleuve Mano, une organisation régionale ouest-africaine, créée en 1973, mise en hibernation, puis relancée en mai 2004. Elle regroupe la Guinée, la Sierra Leone, le Liberia, et la Côte d’Ivoire.
Une étude de faisabilité avait été commandée par l’organisation auprès du cabinet anglais Macaw Management Ltd (puis Mango Aviation Services) et African Environmental Consulting Group Ltd (AECG). En mai 2014, les deux structures ont rendu leur travail qui était assorti d’un plan d’affaires détaillé pour la future compagnie aérienne. Malheureusement, l’épidémie d’Ebola donna un gros coup de frein à ce projet.
En octobre 2018, quelques émissaires de l’Union du fleuve Mano avaient conclu à Conakry, un protocole d’accord avec le ministère guinéen des Transports pour l’établissement d’une compagnie aérienne des pays membres à des fins de coopération et d’intégration.
Dans sa présentation de bilan de l’année 2019, le ministère guinéen des Transports a réitéré son attachement à ce projet fédérateur. « Nous appuyons sérieusement le projet sous-régional de création de la compagnie "Air Mano" qui, à terme, permettra d’instaurer des lignes entre les capitales et à l’intérieur des États membres de l’Union du fleuve Mano. »
Mais pour la partie guinéenne, des prérequis sont nécessaires pour le lancement réussi de cette compagnie. Il s’agit notamment de la mise à niveau des infrastructures aéroportuaires. « Nous appréhendons la faiblesse des infrastructures comme les causes du faible niveau de la desserte de notre pays et son incidence sur sa fréquentation », explique le ministère des Transports. « Notre vision ici est d’aménager les aérogares régionales à l’intérieur du pays, de renforcer les capacités d’accueil de l’aéroport international de Conakry-Gbessia. »
Comme Air Mano, d’autres projets de compagnies communautaires ont été initiés sur le continent. Mais de la volonté à la concrétisation, l’écart a bien souvent été énorme. C’est le cas d’Air Cemac dont un somptueux siège avait été inauguré à Brazzaville en 2013, un budget de lancement fixé et un directeur général nommé. Mais hélas, la compagnie virtuelle n’a jamais pris les airs. Sa liquidation a été actée le 3 août 2018 à Douala au Cameroun au cours de la réunion des ministres des Transports des six États membres.
Plus récemment, Air Sahel a été voulue et décidée par les chefs d’État du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) lors du sommet de novembre 2015. Cinq ans plus tard, le projet est encore à l’étape d’évaluation de l’étude technico-économique et financière, alors que le G5 Sahel ambitionnait de lancer cette compagnie en février 2017.
Si Air Cemac s’est heurtée à de nombreux obstacles, dont des défections successives des investisseurs potentiels, on peut légitimement s’interroger sur la viabilité du projet d’Air Sahel. En effet, trois des pays initiateurs disposent déjà de compagnies nationales à la santé opérationnelle et financière très fragile.
Qu’en sera-t-il du projet d’Air Mano qui n’est pas sûr de trouver une attention favorable d’ici tôt ? En effet, ses quatre pays membres sortiront vraisemblablement de la pandémie actuelle de Covid-19 avec des séquelles financières importantes qui affecteront leurs trésoreries pendant plusieurs années. Dès lors, les choix de gouvernance seront orientés vers des priorités sectorielles plus pressantes.
Encore faudrait-il qu’il y ait une convergence de vue et d’approche suffisamment forte entre les deux pays de culture anglo-saxonne (Liberia, Sierra Leone) et les deux pays francophones (Côte d’Ivoire, Guinée), pour voir un jour cette compagnie dans ce ciel africain tumultueux du point de vue opérationnel.
Romuald Ngueyap
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