Zimbabwe: les tarifs des télécoms ont été multipliés par 3,7 en une année pour sauver les opérateurs, mais…

(Ecofin Hebdo) - Dans un contexte de crise économique, qui se traduit depuis 2019 par une nouvelle hyperinflation et la détérioration du pouvoir d’achat des consommateurs, l’Autorité de régulation des postes et télécommunications du Zimbabwe (Potraz) a procédé à trois augmentations successives du coût des services télécoms. Cependant, ces mesures, que le régulateur télécoms juge nécessaires pour préserver les opérateurs télécoms de pertes financières, ne font que retarder l’inévitable essoufflement du secteur télécoms national, plusieurs analystes financiers.

 

Au troisième trimestre 2019, le marché télécoms zimbabwéen a enregistré un accroissement de son revenu de 121% pour atteindre 828 834 601 dollars US, contre 375 028 782 dollars US affiché au second trimestre. Le revenu moyen par utilisateur (Arpu) enregistré par les trois opérateurs de téléphonie mobile du pays - Econet Wireless, NetOne et Telecel- a augmenté de 96,5% pour atteindre 15,35 dollars US contre 7,81 dollars US au second trimestre 2019, selon les dernières données de l’Autorité de régulation (Potraz).

1Potraz

Le régulateur tente de sauver la rentabilité des opérateurs.

 

Ce dynamisme apparent est le fruit de décisions abruptes prises par le régulateur télécoms dès le second trimestre 2019 pour protéger le secteur télécoms de la crise économique que traverse le pays depuis l’année dernière.

 

Hausse des prix

La crise est survenue dans un contexte de sanctions américaines et européennes auxquels se sont ajoutés les chocs météorologiques qui ont grandement nuit à la production agricole et aux conditions sociales (le cyclone Idai survenu en mars). Elle s’est traduite jusqu’à présent par une chute de la valeur du dollar zimbabwéen réintroduit en juin, une forte augmentation du prix des biens et services et la dégringolade du pouvoir d’achat des Zimbabwéens.

La crise est survenue dans un contexte de sanctions américaines et européennes auxquels se sont ajoutés les chocs météorologiques qui ont grandement nuit à la production agricole et aux conditions sociales.

Le gouvernement a voulu réduire les effets de cette crise sur le secteur télécoms dans lequel il a des intérêts, en sa qualité de propriétaire de NetOne et d’actionnaire dans Telecel. Il a d’abord procédé en 2019 à deux hausses des tarifs des services télécoms. La première, survenue le 1er avril 2019, était de l’ordre de 23% par rapport aux précédents tarifs fixés par le régulateur télécoms. La seconde, de l’ordre de 95,39 %, est intervenue en novembre 2019.

Au mois de mars 2020, une troisième augmentation des prix de l’ordre de 55,64% a finalement été entérinée par la Potraz qui soutient que les nouveaux tarifs sont « calculés sur la base de l'indice des prix des télécommunications (TPI), des tendances du marché, des fondamentaux économiques et du pouvoir économique des populations ». Cependant, ce pouvoir économique des populations, il s’érode rapidement de jour en jour.

 

Chute du pouvoir d’achat

Sur sa page Twitter, le 16 mars 2020, l’Agence nationale des statistiques du Zimbabwe (Zimstat) révélait que « l'indice des prix à la consommation (IPC) pour le mois de février 2020 était de 640,16 contre 563,90 en janvier 2020 et 100 en février 2019 (…) le taux d'inflation d'un mois à l'autre en février était de 13,52%, gagnant 11,29 points de pourcentage par rapport au taux de janvier de 2,23%. Le taux d'inflation en glissement annuel pour le mois de février, tel que mesuré par l'IPC dans son ensemble, s'élevait à 540,16% ».

 2NETONE

Le Zimbabwe est l’un des pays où le tarif d’accès à Internet est des plus élevé du monde.

 

En terme simple, le pouvoir d’achat des consommateurs zimbabwéens a encore fortement reculé. Il est vrai que le gouvernement a procédé à un réajustement des salaires de plusieurs corps de métiers l’année dernière, pour permettre aux populations de faire face à la hausse des prix, mais cette solution n’est pas viable sur le long terme.

« Le seul vaccin financier à mon avis en tant qu’analyste financier est d’adopter le système multidevises composé en grande partie du dollar américain et du Rand.»

Alors que les prix continuent de grimper, les économistes zimbabwéens doutent que le gouvernement puisse suivre avec l’augmentation des salaires. Selon George Nhepera, coordonnateur régional pour Bulawayo de l’Association des institutions de microfinance du Zimbabwe (Zamfi), « le seul vaccin financier à mon avis en tant qu’analyste financier est d’adopter le système multidevises composé en grande partie du dollar américain et du Rand. Cela a fonctionné pour nous en tant que pays dans le passé, avec des résultats remarquables. Il peut faire de même maintenant avant que tout le pays ne soit plongé dans une ruine économique et financière semblable à la période 2006-2008 ».

 

Le marché en danger

Dans son 2020 Global Broadband Pricing Report, cable.co.uk révélait déjà que le Zimbabwe est l’un des pays où le tarif d’accès à Internet est des plus élevé du monde. Sur 206 nations étudiées, le pays occupe la 145ème place.

 3econet

Les consommateurs devront bientôt choisir entre les produits alimentaires essentiels ou les forfaits de communication.

 

Cette cherté des services télécoms, qui risque de s’accentuer avec les mesures de sauvegarde de la rentabilité du marché télécoms engagées par le gouvernement, risque fort à long terme de se heurter au faible le pouvoir d’achat des Zimbabwéens. Les consommateurs, poussés de jours en jours dans leurs derniers retranchements, devront en effet choisir entre dépenser pour des produits alimentaires essentiels dont le prix est également en hausse constante ou des forfaits de communication. Il est clair que le choix est vite fait.

Les consommateurs, poussés de jours en jours dans leurs derniers retranchements, devront en effet choisir entre dépenser pour des produits alimentaires essentiels dont le prix est également en hausse constante ou des forfaits de communication

Il est à redouter que les opérateurs télécoms qui tiennent encore bon jusqu’à présent constatent à un moment donné un important ralentissement de la consommation dont l’impact direct sera une chute des revenus et une augmentation des dépenses d'exploitation.

 4Telecel Zimbabwe

 Cette explosion des tarifs ne peut qu’engendrer un important ralentissement de la consommation.

Les compagnies pourraient alors être contraintes de réduire leurs effectifs pour baisser leurs charges. La qualité des services pourrait également se détériorer. Depuis que le gouvernement a interdit l’usage des devises étrangères pour les transactions courantes, les règlements pour l’achat de services télécoms se font en dollars zimbabwéens dont le taux de change a encore chuté de 32% le 18 mars 2020, selon Reuters. La monnaie n’inspire pas du tout confiance, aussi bien au plan national qu’international. La crise de devises que traverse le pays pourrait également compromettre la capacité des trois opérateurs télécoms à régler leurs factures auprès de leurs partenaires étrangers.

Muriel Edjo

muriel edjo

 

Les secteurs de l'Agence

● GESTION PUBLIQUE

● Finance

● Agro

● ELECTRICITE

● FORMATION

● TRANSPORT

● ENTREPRENDRE

● Mines

● Hydrocarbures

● TIC & Télécom

● Multimedia

● Comm