(Agence Ecofin) - Dans une interview accordée à la presse gabonaise le 6 mars 2017, Guy Bertrand Mapangou (photo), le ministre de l’eau et de l’énergie, jugeait « catastrophiques » les 20 ans de concession de Veolia au Gabon. Mécontent, Patrice Fonlladosa, directeur Afrique et Moyen-Orient du groupe concessionnaire contestait alors ces propos dans le magazine français Jeune Afrique.
Afin d’éclairer l’opinion, le ministère gabonais de l’eau et de l’énergie a adressé ce jour aux médias sa vision détaillée du bilan de la concession de Véolia et de ses perspectives :
« Il faut rappeler en effet, que le 13 juin 1997, l’État gabonais a confié la gestion du service public de production, de transport et de distribution de l’eau potable et de l’énergie électrique, à la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG)-VEOLIA, sur la base d’une Convention de Concession, pour une durée de 20 ans.
ENGAGEMENTS CONTRACTUELS DE LA SEEG
Cette mise en Concession avait pour objectifs :
BILAN
À l’approche de l’échéance de ladite Convention de Concession, prévue pour le 30 juin 2017 j’ai mis en place sur les Très Hautes Instructions du Président de la République, Chef de l’État par Arrêté n° 0001/MERH/CABM du 10 février 2016, une Commission Ministérielle ayant pour missions essentielles de :
De ce bilan il ressort, pour l’essentiel, que :
D’une manière générale on note que les engagements pris par le concessionnaire n’ont pas été tenus.
ENGAGEMENTS DE L’ETAT
Pour sa part, l’État avait des engagements contractuels avec les résultats suivants :
Pour ce qui est de l’eau:
Pour ce qui est de l’électricité :
Dans ce cas, l’État a dû octroyer les concours financiers suivants :
Au total, l’effort d’investissement et les différentes contributions financières de l’État durant la période de la Convention de Concession sont évalués à plus de 635 Milliards FCFA.
Au-delà des engagements contractuels cités plus haut, l’État a également investi dans le secteur :
REFORMES DU SECTEUR
Au vu des manquements du Concessionnaire et pour les nécessités de redynamiser le secteur pour améliorer la situation du service public, l’État a initié depuis 2009, une série de réformes conformément au PSGE, visant à adapter les cadres juridique, institutionnel et contractuel aux nouveaux enjeux du secteur, notamment pour l’ouvrir plus largement et le rendre attractif à des investisseurs potentiels de manière à instaurer la concurrence entre eux et sortir ainsi de la situation du monopole de fait constaté actuellement ;
À cet égard, compte tenu des limites de la loi 8/93 du 07 avril 1993 fixant le régime juridique de la production, du transport et de la distribution de l’eau potable et de l’énergie électrique, notamment sur l’objet et les modalités de délégation du monopole de l’État, de la production indépendante de l’eau, des échanges transfrontaliers de l’eau et de l’énergie et de la contrepartie du prélèvement des ressources hydrauliques, il était indispensable d’adopter une nouvelle loi de nature à combler ces lacunes.
Cette réforme a été réalisée par la promulgation et la publication de la loi n°024/2016 du 29 décembre 2016 fixant le régime juridique de la production, du transport et de la distribution de l’énergie électrique et de l’eau potable. Cette nouvelle loi permet :
La modification du cadre juridique permet désormais au Gouvernement d’amorcer le passage à l’affermage, « contrat par lequel l’Autorité affermante (l’État) charge une autre personne morale, le fermier, de l’exploitation sous sa responsabilité d’un service public ou d’un ouvrage qui lui est remis. En contrepartie, le fermier verse une redevance à l’Autorité affermante. C’est à l’autorité affermante à qui incombent les investissements de développement.
Il convient toutefois de souligner que le choix de ce mode de délégation du service public était déjà acté entre les parties par la signature, en 2006, de l’avenant n°4 de la Convention de Concession qui transfère à l’État la responsabilité de la réalisation des investissements structurants, mis à la disposition de la SEEG pour exploitation en contrepartie du versement d’une redevance d’usage.
PROCESSUS DES NEGOCIATIONS
Les négociations de fin de concession auraient dû commencer il y a trois (03) ans conformément aux dispositions de l’article 50.2 de la convention de concession, mais l’État n’ayant pas répondu aux demandes de renouvellement et de prorogation qui lui avaient été adressées, ce qui équivalait à un refus. Malheureusement ce refus n’a pas été suivi de la préparation d’une mise en concurrence des potentiels candidats à l’obtention du marché de gestion du service public de l’eau potable et de l’énergie électrique.
Par la suite, nous avons reçu instruction des plus hautes autorités de l’État pour conduire ce processus de négociations.
Aussi, un protocole de négociation a-t-il été signé le 7 juillet 2016 entre la République Gabonaise et la SEEG portant sur le passage à l’affermage au terme de la Convention de la Concession actuelle. Cette opération a été fortement médiatisée, avec la présence du Président du groupe Veolia.
DIFFERENCE CONCESSION/AFFERMAGE
Dans la concession, le concessionnaire investit et exploite à ses risques et périls les outils de production, de transport et de distribution, l’ensemble des revenus issus de la vente de l’eau et de l’électricité lui sont destinés. Le rôle de l’État se résumant à vérifier la qualité de services fournis aux usagers.
Tandis que dans le cas de l’affermage, l’État investit dans les ouvrages de production, de transport et de distribution, lesquels des ouvrages sont mis à la disposition du fermier pour exploitation. En contrepartie de l’usage de ces infrastructures, une partie des recettes issues de la vente de l’eau et de l’électricité perçue par le fermier est mis à la disposition de l’État sous forme de redevance. Ces fonds (redevances) permettront notamment à l’État d’accroitre son parc d’ouvrages : ici, les risques sont partagés entre l’État et le fermier, contrairement à la concession.
Toutefois, le passage à l’affermage nécessitait la réforme du cadre légal, ce qui a été fait par l’adoption de la loi n°024/2016 du 29 décembre 2016, soit 6 mois avant le terme de l’actuelle convention.
Par ailleurs, cette démarche impose à l’État de se doter d’un parc d’ouvrages de production, de transport et de distribution d’énergie et d’eau potable important et en bon état, ainsi que d’une Société de Patrimoine financièrement et techniquement solide et viable. Au titre des contraintes techniques, il est à noter que les délais de construction d’un ouvrage hydroélectrique et des lignes de transport associées sont en moyenne de quatre (04) ans lorsque les études de faisabilité techniques et financière sont réalisées et les financements disponibles.
Vu les délais très courts pour préparer le nouveau contrat et compte tenu de l’importance des travaux de fin de Concession à réaliser, à savoir, entre autres l’inventaire des biens de retour, les études tarifaires, la reddition des comptes, l’étude de la demande, il a été impossible de procéder à la mise en concurrence (appel d’offres international) prévue par les textes en vigueur. À dire d’experts, la préparation et l’organisation d’un appel d’offre international pour ce type de marché ne peut se faire en moins de deux ans en moyenne.
Dans ces conditions, le Gouvernement a décidé de proroger ladite Convention de Concession pour une période de cinq (5) ans en ces termes « La Convention de Concession, initialement conclue pour une durée de vingt (20) années à compter de la Date d’Entrée en Vigueur, est prorogée d’une durée de cinq (5) années à compter du 1er juillet 2017. Le terme de cette prorogation définit la date d’expiration normale de la Convention de Concession ».
Cette prorogation va permettre la transition vers un nouveau mode de délégation du service public, notamment en renforçant le parc des ouvrages de production et de transport d’eau et de l’électricité de la Société de Patrimoine, prérequis nécessaires au passage à l’affermage.
En réalité, la prorogation va se faire en deux phases :
CONVENTION AMENAGEE
La convention aménagée n’est pas un nouveau contrat. Par conséquent, elle ne donne pas lieu au paiement d’un « Droit d’entrée ». Le droit d’entrée est une forme de redevance que le délégataire du service public paie à la signature du contrat. Il s’agit d’un droit d’accès au marché qui est amorti par le délégataire sur la durée du contrat. Dans la Convention de Concession actuelle avec la SEEG, le Fonds de Concours inscrit au bilan de l’entreprise et amorti sur 20 ans, constitue le droit d’entrée versé directement au Trésor Public.
Au terme de ladite période transitoire, une revue des services sera réalisée sur la base des critères de performances définies d’accord parties dans la convention réaménagée permettant aux deux parties de poursuivre ou de mettre fin à leur partenariat.
DETTE DE L’ETAT VIS-A-VIS DE LA SEEG
Par ailleurs, il convient d’indiquer que l’État tout comme les entreprises et les personnes physiques a souscrit à des abonnements auprès de la SEEG pour obtenir des branchements des compteurs d’eau et d’électricité. À ce titre, la SEEG fournit l’eau et l’électricité à l’ensemble des bâtiments publics et en contrepartie l’État doit payer ses factures. Ces bâtiments publics qui font l’objet de plus de 4.200 points de livraison comprennent aussi bien les bureaux administratifs, les établissements hospitaliers, sanitaires, universitaires et scolaires, les résidences d’astreintes etc. Les consommations de l’ensemble de ces bâtiments s’élèvent aujourd’hui à environ 2,1 milliards de francs CFA par mois.
En raison des difficultés financières que traverse le pays, l’État n’arrive pas, depuis bientôt trois ans, à honorer le règlement de ses factures. Celles-ci s’élèvent en fin décembre 2016 à 44,757 milliards de francs CFA. Outre les consommations courantes de l’État, ce montant intègre également la prise en charge des consommations des gabonais économiquement faibles, décision politique prise pour soulager le panier des ménages les plus vulnérables.
Notons également que la SEEG est aussi redevable à l’État et à ses démembrements.
L’État est conscient que cette dette est un frein à l’activité de la société, dans la mesure où cela impacte négativement sur le niveau des investissements de la SEEG et in fine sur la qualité du service fournie aux usagers que nous sommes.
Aussi, pour trouver des solutions d’apurement de cette dette, l’État a mis en place un groupe de travail interministériel composé des experts des Ministères en charge de l’Énergie, de l’Economie et du Budget. Ce groupe est actuellement en pleine négociation avec la SEEG. Il y a d’énormes avancées sur le dossier, mais quelques points d’achoppement sont en cours d’examen. »
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.