Quelle pollution accepter pour avoir un smartphones dans sa poche ?

(Ecofin Hebdo) - Grâce à cet article vous ferez une idée du volume de déchets que génère la construction d’un smartphone. Le prix est-il trop élevé à votre goût ?

 

imprevue

 

Métaux et smartphones : « l’industrie du déchet » tourne à plein régime

Dans le smartphone en veille dans votre poche, on compte en général une bonne cinquantaine de métaux, des plus communs aux plus précieux. Pour les extraire, les constructeurs font appel aux exploitants miniers, qui les fournissent en matières premières. Des acteurs industriels aussi incontournables que dangereux pour l’environnement. D’Asie en Afrique, en passant par l’Amérique du Sud, la recherche d’or, de cobalt, de baryum ou de tantale fait des ravages. Pollution des terres, de l’air ou des nappes phréatiques, les signaux sont au rouge.

Pour la seule année 2017, on estime à près de 1,5 milliard le nombre de smartphones vendus à travers la planète. Un chiffre qui donne le tournis, d’autant qu’une grande majorité de ces appareils finiront au fond de nos tiroirs une fois en fin de vie, bien loin des circuits de recyclage. Pour parvenir à produire les nouveaux modèles qui inondent le marché et les rendre plus performants, les constructeurs utilisent une quantité impressionnante de métaux, plusieurs dizaines au bas mot. Dans les batteries, les écrans LCD ou les circuits imprimés, ils sont partout.

Si une immense majorité de ces matériaux nous sont inconnus, cachés dans les entrailles de nos smartphones dernier cri, ils agissent pourtant comme un véritable poison, dangereux tant pour les êtres humains que pour les écosystèmes. En 2016, un rapport présenté par l’ancienne sénatrice Marie-Christine Blandin indiquait que l’impact environnemental des téléphones portables était causé à 80% par « l’extraction des ressources » et « la fabrication ».

 

Plus rien ne pousse, l’eau n’est plus potable

 

Ces ravages, le journaliste Martin Boudot les a observés de ses propres yeux. Pour le compte de l’émission de France 2 Cash Investigation, il a enquêté de longs mois sur l’industrie du smartphone, parcourant la planète. « Ce qui m’a le plus marqué », assure-t-il, « c’est la Chine, où est extrait le néodyme(1). » Il se souvient parfaitement de Baotou, cette ville de Mongolie Intérieure aujourd’hui devenue « un village quasi désert ». Là-bas, « plus rien ne pousse, l’eau n’est plus potable. La majorité des agriculteurs ne peuvent plus produire, ce qui conduit à une fuite des habitants. En soi, le néodyme n’est pas très dangereux, mais c’est la manière dont il est récupéré qui pose problème. À Baotou, le procédé d’extraction allie des produits chimiques et des polluants qui libèrent de la radioactivité. »

Les pouvoirs publics ont-ils pris la mesure des risques ? « Des choses ont changé depuis la diffusion de cet épisode de Cash », estime Martin Boudot, « mais pas du côté des matières premières. Clairement, c’est sur ce point que ça bloque, ça vaut d’ailleurs autant pour l’industrie textile que pour les firmes qui fabriquent des smartphones. Ce qu’ils disent, c’est qu’il n’y a pas de mine qui travaille uniquement pour telle ou telle entreprise. C’est plutôt une démarche de branche qui commence tout doucement à bouger. »

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Quel que soit le continent, les problématiques liées à l'extraction minières restent similaires. (Illustration CC BY-SA Julien Harneis)

Spécialisée dans les industries extractives au sein de l’ONG Les amis de la Terre, Juliette Renaud craint que la nature soit la grande perdante des innovations technologiques. « Les projets miniers qui se mettent sur pied sont de plus en plus grands, car la concentration de métaux diminue », alerte-t-elle. « Les méthodes d’extraction deviennent extrêmement nuisibles : on connaît bien l’utilisation du cyanure pour récupérer l’or, mais d’autres types de produits chimiques sont utilisés, propres à l’exploitation de chaque métal. Quasi systématiquement, nous assistons à une contamination des sols et de l’eau, ainsi qu’à une pollution de l’air [via des poussières notamment, NDLR]. »

 

Prise de conscience

Encore méconnu, l’impact de l’industrie minière sur l’environnement gagne peu à peu en visibilité. À travers ses travaux et ses publications, l’association Ingénieurs sans frontières SystExt (ISF SystExt) cherche à sensibiliser le grand public sur les dessous de ces activités. Une mission qui se heurte à de nombreux obstacles : « Tout ce qui a trait aux ressources extractrices, c’est un tabou social dans nos sociétés de consommation », lance sans détour Bertrand Gamelin*, l’un des membres d’ISF SystExt. « Les gens ne savent pas à quoi servent les métaux et nous regardent souvent avec de grands yeux lorsque l’on dénonce les conséquences des extractions. Si nous nous sommes intéressés au smartphone, c’est parce qu’il s’agit d’un objet symptomatique de la consommation minérale », poursuit-il.

 

L’or reste de loin le pire

 

L’usage systématique de lithium, de cobalt ou d’or dans les composants des téléphones se révèle problématique à moyen et long terme. « Les métaux, intrinsèquement, se montrent peu polluants », analyse Bertrand Gamelin, « mais pour aller les chercher, c’est une autre histoire ». Il dresse alors le portrait peu reluisant de ce qu’il nomme l’« industrie du déchet » : « Les métaux sont présents en toutes petites quantités dans la roche, on ne récupère donc qu’une infime petite partie d’un tout. Dans le meilleur des cas, on garde 50% de ce que l’on extrait, mais généralement, on ne garde qu’1% ! L’or reste de loin le pire : on en trouve environ 1 gramme par tonne. Imaginez ce que vous jetez ! »

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1) Terres rares
Découvert à la fin du XIXe siècle, le néodyme est un matériau qui fait partie de la grande famille des « terres rares ». Il est utilisé dans la fabrication d’aimants très efficaces, qui sont notamment utilisés par les constructeurs de smartphones.

 

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