Kako Nubukpo : le parcours d’un militant pugnace

(Ecofin Hebdo) - Kako Nubukpo, une des têtes d’affiche de la lutte contre le franc CFA, a finalement été suspendu de son poste de directeur au sein de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Les dirigeants de l’OIF ont réagi après sa récente chronique contre le franc CFA, publiée dans le journal Le Monde. Soutien affiché de Kemi Seba, l’économiste togolais découvre le lourd prix de son militantisme pugnace au sein d’une institution qui l’astreignait à la réserve.

Parmi les détracteurs du franc CFA, Kako Nubukpo bénéficiait d’un traitement particulier. Economiste respecté et membre émérite de l’intelligentsia africaine, l’ancien ministre togolais était écouté, même dans les cercles où Kemi Seba, le nouveau chantre de la lutte anti CFA, est dédaigné. Pour ce dernier, Kako Nubukpo, devait arrêter de jouer au funambule entre le combat anti CFA et la préservation de ses relations avec les chefs d’Etats africains, « complices de la néo colonisation ». Désormais suspendu de l’OIF, Kako Nubukpo a-t-il gagné ses galons de militant aux yeux des éléments les plus radicaux ?

Kako Nubukpo conférence

Parmi les détracteurs du franc CFA, Kako Nubukpo bénéficiait d’un traitement particulier.

L’économiste qui n’aimait pas le franc CFA

Quand Kako Nubukpo se prononce sur le franc CFA, on veut bien croire qu’il sait de quoi il parle. Né en 1968 à Lomé, capitale du Togo, celui qui était, il y a encore quelques jours, directeur de la francophonie économique et numérique au sein de l’OIF, est une référence continentale en matière d’économie. Formé en France, il est titulaire d’un doctorat en sciences économiques de l’université Lumière Lyon 2. De 1997 à 1999, il enseigne à la Lyon Business School avant de rejoindre en 2000, la BCEAO. C’est à cette époque que le macroéconomiste se familiarise avec le fonctionnement du franc CFA, monnaie pour laquelle il développe une aversion particulière. Il est d’ailleurs l’un des premiers africains à la critiquer en arborant des arguments économiques. En 2003, Kako Nubukpo rejoint le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, à Montpellier et Bamako.

Il occupe de nombreux postes importants dans des institutions économiques avant de se faire remarquer par Faure Gnassingbé qui le nomme ministre de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques en 2013.

Il y fait valoir son expertise en coton, acquise durant ses années universitaires. Il occupe de nombreux postes importants dans des institutions économiques avant de se faire remarquer par Faure Gnassingbé qui le nomme ministre de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques en 2013. Il sera limogé en juin 2015, déjà, pour des propos anti CFA, assure-t-il. En mars 2016, il rejoint pourtant l’OIF, en tant que directeur de la francophonie économique et numérique.

 

Le franc CFA, un combat trop présent dans la vie de Kako Nubukpo ?

Le combat de Kako Nubukpo fait partie intégrante de sa vie. Auteur de nombreuses publications contre cette monnaie, l’économiste ne recule devant aucune occasion pour dire ce qu’il en pense. En septembre dernier, à l’occasion d’une conférence organisée à l’hôtel Marignan, il s’en prend à Lionel Zinsou, l’ancien Premier ministre béninois, qui avait taxé les opposants au Franc CFA de « populistes ». En réponse, Kako Nubukpo juge que l’ancien homme d’Etat est le « symbole de la servitude volontaire ».

Il s’en prend à Lionel Zinsou, l’ancien Premier ministre béninois, qui avait taxé les opposants au Franc CFA de « populistes ». En réponse, Kako Nubukpo juge que l’ancien homme d’Etat est le « symbole de la servitude volontaire ».

Dans le même temps, dans une tribune intitulée « Franc CFA : contre la servitude monétaire », l’économiste défend Kemi Seba, qui a brûlé un billet de 5000 Franc CFA lors d’un rassemblement à Dakar. D’après l’ancien ministre togolais, « ce n’est pas Kemi Seba qu’il aurait fallu arrêter, mais la conspiration du silence qui a longtemps prévalu autour du CFA ». Les prises de positions de Kako Nudukpo agacent, au plus haut niveau.

kako nubukpo parle de son depart du gouvernement

L’économiste défend Kemi Seba, qui a brûlé un billet de 5000 Franc CFA

Il y a quelques semaines, lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre, le président ivoirien Alassane Ouattara avait fait savoir à Michaëlle Jean, la secrétaire générale de l’OIF, son incompréhension quant au maintien de Kako Nubukpo à l’OIF malgré ses prises de position contre le Franc CFA. Sachant qu’Alassane Ouattara aurait été, selon Kakou Nubukpo, à la base de son limogeage du gouvernement togolais et ce toujours pour ses positions sur la question du franc CFA, on aurait pu s’attendre à la suite des évènements.

Un peu plus de mois après les remontrances du président ivoirien, Kako Nubukpo est suspendu en attendant son licenciement effectif.

Selon les dirigeants de l’OIF, ce n’est pas la dernière tribune de l’homme, prise de façon isolée qui a motivé cette décision. C’est l’ensemble de ses sorties anti CFA, depuis sa nomination au sein de l’institution, qui posent problème. Comme tout fonctionnaire international, il est astreint à un devoir de réserve qu’il n’aurait pas respecté. Qualifier le franc CFA de «monnaie de la servitude volontaire » aurait particulièrement mis le Togolais en porte à faux auprès de nombreux chefs d’Etats.

Qualifier le franc CFA de «monnaie de la servitude volontaire » aurait particulièrement mis le Togolais en porte à faux auprès de nombreux chefs d’Etats.

Néanmoins, on ne peut pas dire que les positions de Kako Nudukpo sur le franc CFA n’étaient pas connues bien avant sa nomination à l’OIF. Quoiqu’il en soit, l’économiste est limogé, une fois encore, pour son militantisme contre une monnaie qui lui aura causé bien des soucis. De quoi rapprocher l’un des plus modérés détracteurs du franc CFA des extrémistes de son combat ?

Servan Ahougnon

 

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