(Agence Ecofin) - Entre la chute des cours et la baisse de la demande mondiale, le pétrole est l’un des secteurs les plus impactés par la pandémie de Covid-19. Sans surprise, les répercussions sur l’économie se font déjà sentir pour les pays qui en dépendent énormément, mettant plus que jamais en avant la nécessité de stratégies de diversification. Au Congo, le gouvernement travaille depuis plusieurs années dans ce sens, mais les résultats sont encore très loin d’être probants. Toutefois, une lueur d’espoir pourrait venir du secteur minier, avec le développement des gisements de potasse du complexe de Sintoukola, un immense projet piloté par Kore Potash, qui progresse à grands pas vers une entrée en exploitation. De quoi impulser un changement à plus grande échelle.
Un projet de classe mondiale
Le 9 novembre 2020, Kore Potash a publié une nouvelle étude qui confirme le potentiel immense du projet d’extension du gisement Dougou, un des projets de son complexe de Sintoukola. Selon l’évaluation, à elle seule, l’extension du gisement Dougou (dénommée DX) aurait la capacité de livrer chaque année 400 000 tonnes de muriate de potasse (MDP) sur 30 ans.
« Des teneurs très élevées et des coûts très bas. »
A en croire les prévisions de la compagnie, le muriate de potasse devrait s’échanger en moyenne à 422 $/tonne sur toute la durée de vie ; ce qui laisse imaginer la manne qui l’attend, ne serait-ce que sur ce gisement dont le développement est censé coûter 285,9 millions $. Pour le moment, on parle d’un EBITDA annuel moyen de 118 millions $ et des flux de trésorerie annuels moyens après construction et impôts, de 95 millions $.
« DX est un actif de classe mondiale, nous en avions déjà la conviction, avec des teneurs très élevées et des coûts très bas, et cette mise à jour améliore cette confiance », se félicite le PDG Brad Simpson qui précise qu’une étude de faisabilité est déjà en cours pour affiner ces estimations.
Si les chiffres évoqués sont déjà encourageants, il convient de rappeler que DX n’est pas le seul gisement du complexe de Sintoukola. Pour le véritable gisement Dougou (dont il est une extension), il est question d’une exploitation devant durer 47 ans avec des ressources de plus du milliard de tonnes. Kore s’active sur DX parce que c’est le projet dont la construction devrait être la plus rapide sur le complexe, avec des travaux devant durer à peine 2 ans. Une fois l’actif en service, la société prévoit de se consacrer au gisement phare, celui de Kola. Sur ce dernier, les travaux sont même plus avancés et une étude de faisabilité définitive a estimé à 2,2 millions de tonnes de muriate de potasse, la capacité de production annuelle sur une durée de vie de 33 ans. Il faudra pour cela un investissement de 2,1 milliards $, ce qui devrait permettre de générer annuellement des revenus de 773 millions $, un EBITDA de 583 millions $ et des flux de trésorerie de 499 millions $.
Il faudra pour cela un investissement de 2,1 milliards $, ce qui devrait permettre de générer annuellement des revenus de 773 millions $, un EBITDA de 583 millions $ et des flux de trésorerie de 499 millions $.
Pour Kore Potash et toutes les parties prenantes des projets de potasse de Sintoukola, y compris l’Etat congolais, l’avenir s’annonce radieux quand on sait que les engrais potassiques sont de plus en plus demandés. Les efforts de la compagnie, active sur le site depuis plusieurs années, ne tarderont pas à se concrétiser.
Faire du Congo le premier producteur de potasse en Afrique
Le district de Sintoukola de Kore est clairement un nouveau bassin de potasse stratégiquement situé à proximité des marchés africain et sud-américain en pleine croissance et constituera une nouvelle source importante d’engrais potassiques pour répondre aux besoins alimentaires d’une population mondiale croissante. Et le Congo ne devrait pas être en reste. Les avantages que tirera l’Etat congolais devraient se décliner en redevances sur les exportations, mais également en parts dans les revenus générés par le projet, eu égard à son statut d’actionnaire. Au-delà des recettes pour doper l’économie, il sera également question de création d’emplois et d’autres profits pour les communautés locales impactées par l’exploitation.
Les avantages que tirera l’Etat congolais devraient se décliner en redevances sur les exportations, mais également en parts dans les revenus générés par le projet, eu égard à son statut d’actionnaire.
Ces dernières années, les différentes sorties des autorités congolaises, y compris celles du ministre des Mines Pierre Oba ou du DG des Mines Louis-Marie Djama, ont laissé entendre que l’ultime but du gouvernement est de faire du pays le premier producteur de potasse du continent africain avec 6% de l’offre mondiale. S’il ne fait aujourd’hui plus aucun doute que le partenariat avec Kore Potash sur le complexe minier de Sintoukola sera l’une des clés vers l’atteinte de cet objectif, d’autres projets devraient également y contribuer. Par exemple, la société Mag Minerals Potasses Congo (MPC) travaille sur le projet Mengo qui héberge des réserves estimées à plus de 33,7 millions de tonnes, dans le département du Kouilou. Quant à Luyan des Mines, avec laquelle l’Etat a déjà signé une convention minière, elle est présente sur le projet Mboukoumassi, dont les réserves s’élèveraient à plus du milliard de tonnes, d’après les chiffres officiels.
Les efforts de Kore Potash se concrétisent.
Par ailleurs, en août 2019, l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote a également fait part de son intention d’investir dans la potasse congolaise. « Aujourd’hui, nous envisageons de réaliser de grands investissements dans la potasse, le phosphate et si possible l’ammoniac comme nous l’avons fait au Nigeria. [...] Il s’agit de grandes industries qui vont créer beaucoup d’emplois et des échanges avec l’extérieur », avait-il déclaré après une rencontre avec le président Dénis Sassou Nguesso.
Amorcer une réelle stratégie à l’échelle de tout le secteur minier
L’économie congolaise reste fortement dépendante du secteur du pétrole qui contribue à 55 % au PIB, à 85 % aux exportations et à 80 % au budget. Pourtant, le pays est doté d’un potentiel agricole important, mais aussi d’immenses ressources naturelles encore peu exploitées (fer, plomb, zinc, potasse, cuivre, uranium, diamants, phosphates, magnésium et hydroélectricité). Le sous-sol congolais hébergerait, selon les données disponibles, au moins 25 milliards de tonnes de réserves de fer, environ 2,2 millions de tonnes de réserves de cuivre ou encore 531 millions de tonnes de réserves de phosphate.
Le sous-sol congolais hébergerait, selon les données disponibles, au moins 25 milliards de tonnes de réserves de fer, environ 2,2 millions de tonnes de réserves de cuivre ou encore 531 millions de tonnes de réserves de phosphate.
Dans la lignée des efforts visant à développer la filière potasse et engrais, les autorités congolaises devront redoubler d’ardeur et amorcer une stratégie de développement pour d’autres sous-secteurs miniers afin d’observer des résultats plus probants. Malgré les actions menées ces dernières années, la contribution du secteur minier aux revenus de l’Etat est encore trop faible, en comparaison avec les potentialités.
Booster l’exploitation industrielle encore trop timide, encadrer l’exploitation artisanale, investir dans la construction d’infrastructures et la promotion des ressources minières nationales, améliorer la gouvernance du secteur, organiser des filières comme celles de l’or et du diamant. Voilà autant de défis auxquels le gouvernement s’attèle, comme annoncé dans son plan national de développement 2018-2022. Il ne reste plus qu’à espérer que la crise sanitaire en cours ne lui fasse pas perdre plus de temps.
Louis-Nino Kansoun
Accra, Ghana