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Hakainde Hichilema : l’ancien vacher, président de la Zambie après 6 tentatives

  • Date de création: 20 août 2021 16:38

(Agence Ecofin) - Contre tous les pronostics, l’opposant Hakainde Hichilema a battu le président Edgar Lungu pour devenir président de la Zambie. Une belle histoire, marquée par l’abnégation d’un opposant qui doit désormais faire mieux que le régime auquel il donnait des leçons.

Entre mener des vaches et diriger un pays, quelques années suffisent parfois à faire la jonction. Assez pour faire fortune, s’opposer au régime en place, se faire arrêter une quinzaine de fois, se présenter et échouer 5 fois aux élections présidentielles, puis enfin réussir à devenir le 7e président élu de la Zambie. Faite de lettres et de chiffres inattendus, l’histoire d’Hakainde Hichilema, le nouveau président Zambien, a tout du conte de fées. Justement, son peuple n’attend que cela, un mandat de rêve pour éloigner le pays d’un contexte économique de plus en plus cauchemardesque.

Bally, le zambien ordinaire

Présenté à différentes sauces dans les médias du monde entier, de personnage populiste à citoyen ordinaire, Hakainde Hichilema peut irriter, mais il incarne aussi les espoirs des populations épuisées par une situation économique pesante.

1 partisansSes partisans le surnomment « HH » ou encore « Bally ».

Cela explique peut-être cet amour spontané des Zambiens pour l’opposant « HH » ou encore « Bally » (terme affectueux pour désigner un père ou un ainé ; ndlr) comme le surnomment ses partisans. Quoi qu’il en soit, son équipe de campagne n’a pas hésité à user, voire abuser des stratégies de campagnes du candidat populiste. Grimé en immonde dépensier par son adversaire, le président sortant Edgar Lungu a rapidement perdu la bataille des meetings face au personnage du bon Zambien ordinaire campé par « HH ».

Grimé en immonde dépensier par son adversaire, le président sortant Edgar Lungu a rapidement perdu la bataille des meetings face au personnage du bon Zambien ordinaire campé par « HH ».

De toutes les façons, le rôle n’a pas été difficile à jouer pour l’opposant qui ne l’empruntait pas tant que ça.

2 jeunesIl partage ses jeunes années entre ses études et la garde du bétail de sa famille.

Comme il le rappelle souvent, Hakainde Hichilema est né le 4 juin 1962 dans le village de Monze, situé à 180 km de la capitale Lusaka. Destiné à la vie ordinaire attendue pour les ressortissants de son village, il partage ses jeunes années entre ses études, où il obtient de bons résultats, et la garde du bétail de sa famille. Le scénario tracé en noir et blanc par son origine modeste prend des couleurs lorsqu’il obtient, pour ses bons résultats au baccalauréat, une bourse d’Etat. Elle lui permet d’abord de rejoindre l’Université de Zambie, à Lusaka. Il y obtient une licence en économie et administration des affaires en 1986.

Le scénario tracé en noir et blanc par son origine modeste prend des couleurs lorsqu’il obtient, pour ses bons résultats au baccalauréat, une bourse d’Etat.

 Il réussit ensuite à rallier la Grande-Bretagne où il décroche un MBA en finance et stratégie d’entreprise à l’Université de Birmingham. Le reste est digne d’un conte de fée.

3 HichelemaDésormais, Hakainde Hichilema possède plus d’un million de bovins.

Véritable Midas zambien, Hakainde Hichilema transforme en or tout ce qu’il touche, que ce soit dans le domaine de la finance, de l’élevage, du tourisme ou de l’immobilier. Il y parvient si bien que sa fortune est estimée à 389 millions de dollars par le magazine Forbes. Le petit cheptel de sa famille a bien grandi. Désormais, Hakainde Hichilema possède plus d’un million de bovins, plusieurs ranchs et de nombreuses compagnies. Pas mal pour un citoyen ordinaire.

Opposant éternel

La popularité de HH étonne chez ses détracteurs qui rappellent que jusqu’à un passé très récent, Hakainde Hichilema était accusé d’être un transhumant politique.

Membre du parti d'opposition United Party for National Development (UPND), au début des années 2000, il en devient le chef après le décès d'Anderson Mazoka, qui le dirigeait jusque-là, en 2006. Plus riche et plus influent au fil des années, le natif de Monze devient également le leader de l'Alliance démocratique unie (UDA), une alliance de trois partis politiques d'opposition dont le sien. L’homme d’affaires sera même le candidat de l’alliance aux présidentielles de 2006, avec le soutien de Kenneth Kaunda, premier président du pays. Hakainde Hichilema finit 3e avec environ 25% des voix.

L’homme d’affaires sera même le candidat de l’alliance aux présidentielles de 2006, avec le soutien de Kenneth Kaunda, premier président du pays. Hakainde Hichilema finit 3e avec environ 25% des voix.

Lorsque Levy Mwanawasa, le vainqueur, décède deux années plus tard, « HH » se présente sous la bannière de l’UPND pour les élections organisées en 2008. Il termine encore 3e avec 19,7 % des voix. En juin 2009, l'UPND conclut un pacte avec le Front patriotique (PF) de Michael Sata pour se présenter ensemble aux élections de 2011. Finalement, la rivalité entre les deux hommes, la méfiance et des accusations de tribalisme de part et d'autre, vont faire exploser l’alliance. Ironie du sort, c’est Michael Sata qui est élu président. Etonnament, il décède également en pleines fonctions, obligeant le pays à organiser un scrutin pour décider de celui qui terminera son mandat. En 2015, c’est Edgar Lungu qui remporte ces élections et cantonne Hakainde Hichilema à la 2e place après un scrutin serré et très contesté.

L’antagonisme entre les deux hommes se poursuit lors des élections de 2016 qui comptent, elles, pour cinq années de pouvoir. Elles seront à nouveau remportées par Edgar Lungu. La contestation des résultats par Hakainde Hichilema se muera en contestation du régime quelques mois plus tard. Sa farouche opposition au président en place le conduit derrière les barreaux en 2017. Arrêté pour suspicion de trahison et tentative de renversement du gouvernement, il est emprisonné pendant quatre mois avant d’être libéré.

Un spectacle électoral pour distraire un pays endetté

L’élection de 2021 avait donc une saveur particulière. Symbolique à cause du décès, mi-juin 2021, de Kenneth Kaunda, premier président zambien, le scrutin s’est vite transformé en règlement de comptes. D’abord entre la population et ses dirigeants, puis entre rivaux. Il faut savoir que la Zambie traverse depuis quelques mois une situation économique compliquée. Considérée en 2010 par un panel d'organisations financières internationales comme l'économie émergente la mieux gérée d'Afrique, la Zambie affiche aujourd’hui une économie bien terne. Au 3e trimestre 2020, le pays a raté une échéance de paiement de sa dette à des bailleurs privés. Le pays devait leur verser 33,7 millions d’euros. Seulement, rien ne va plus depuis que les investisseurs du secteur minier ont pris la fuite, effrayés par le gouvernement et ses menaces d'expropriations. Avec une économie basée sur le cuivre et le zinc, les dégâts ne se sont pas fait attendre.

Seulement, rien ne va plus depuis que les investisseurs du secteur minier ont pris la fuite, effrayés par le gouvernement et ses menaces d'expropriations. Avec une économie basée sur le cuivre et le zinc, les dégâts ne se sont pas fait attendre.

La dette publique est passée de 36 % du PIB, en 2015, à presque 90% en 2019. L'inflation du pays dépasse les 25 %. Près de la moitié des ressources de l'Etat s’embourbe dans le service de la dette. Pas étonnant alors que les Zambiens aient sanctionné dans les urnes le président Edgar Lungu pour choisir son adversaire. Hakainde Hichilema a obtenu près de 60 % des voix, contre 38 % pour le président sortant. Une déroute historique néanmoins inattendue, il y a quelques semaines. Seulement, avoir été un citoyen ordinaire puis s’être élevé pour devenir la plus grosse fortune du pays suffit-il à le faire sortir de sa situation actuelle ?

4 ZambiensFaire sourire les Zambiens ne suffira pas à régler les problèmes qui compliquent leur quotidien.

Hakainde Hichilema est conscient du défi que lui propose son premier mandat présidentiel. Il reconnait « avoir une tâche énorme à accomplir pour relancer l’économie et répondre aux attentes ». En attendant, l’ancien vacher joue les prolongations de la campagne présidentielle. « Ne vous en faites pas, a-t-il déclaré aux partisans d’Edgar Lungu. Vous ne serez pas l’objet de représailles ni la cible de gaz lacrymogènes. » Un dernier trait d’ironie pour rappeler le traitement réservé à ses propres militants ayant contesté les résultats de 2016. Seulement, faire sourire les Zambiens ne suffira pas à régler les problèmes qui compliquent leur quotidien depuis plusieurs mois. Hakainde Hichilema déterminera, par ses prochaines actions, s’il n’était qu’une étincelle passagère, ou la première flamme du brasier du changement.

Servan Ahougnon

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