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Abdelaziz al-Hilu, le musulman qui a pris les armes pour imposer la laïcité au Soudan

  • Date de création: 16 juillet 2021 16:45

(Agence Ecofin) - Cela fait maintenant plus de 40 ans qu’il a pris les armes et qu’il dirige l’un des plus importants mouvements rebelles du Soudan. Et au moment où la paix semble possible, Abdelaziz al-Hilu est pourtant le dernier obstacle à une réunification du pays. Mais, peut-on vraiment lui reprocher lorsque l’objectif de son combat est la disparition de ce qui a, selon lui, divisé son pays : la Charia.

Depuis octobre 2020 et les prémices du fragile accord de paix qu’attendent tous les Soudanais, il est l’homme vers qui tous les regards se tournent. Et jusqu’aux récentes rencontres de mi-juin ayant marqué la fin de la première phase des pourparlers entre le gouvernement de transition soudanais et le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-N), la position d’Abdelaziz al-Hilu n’a pas changé.

Pour le chef rebelle, pas question de faire la paix, tant que la laïcité ne sera pas adoptée au Soudan. Pour ce musulman qui a pris les armes pour lutter contre la Charia alors qu’il n’était encore qu’un lycéen, c’est la loi islamique qui a morcelé le pays en territoires instables.

Pour le chef rebelle, pas question de faire la paix, tant que la laïcité ne sera pas adoptée au Soudan. Pour ce musulman qui a pris les armes pour lutter contre la Charia alors qu’il n’était encore qu’un lycéen, c’est la loi islamique qui a morcelé le pays en territoires instables.

Le musulman qui a pris les armes pour la laïcité

A le voir, on a du mal à saisir totalement le personnage, tant Abdelaziz al-Hilu semble contrasté.

Effectivement, le sourire affiché et la bonhommie de celui qui est né à Al-Faydh Umm Abdullah, au dans la région du Kordofan du Sud, le 7 juillet 1954, semblent contraire à l’austère tenue militaire du SPLM-N.

1 PAIXPas question de faire la paix, tant que la laïcité ne sera pas adoptée au Soudan.

Mais ce n’est pas la contradiction la plus surprenante chez ce musulman qui veut séparer la loi islamique de la citoyenneté soudanaise. Pour lui, imposer la loi d’une religion à un Etat relève de l’hérésie et va contre les principes et valeurs acquises dans son enfance passée dans une région où se côtoient animistes, chrétiens et musulmans. « En 1983, le dictateur Gaafar Nimeiry a imposé la loi islamique, la charia, à travers le pays. C’est à partir de ce moment que les discriminations fondées sur la religion ont commencé », explique-t-il, dans des propos rapportés par Le Point Afrique. De quoi pousser l’intéressé, encore lycéen et âgé de 18 ans, à s’engager dans l’opposition.

« En 1983, le dictateur Gaafar Nimeiry a imposé la loi islamique, la charia, à travers le pays. C’est à partir de ce moment que les discriminations fondées sur la religion ont commencé », explique-t-il.

Il prend les armes quelques semaines plus tard avec un groupe de locaux qui luttent contre l’imposition de la loi islamique dans sa région natale. « À cause de la nature du régime, nous n’avons pas eu d’autre choix que de prendre les armes. Les tribus arabes ont été armées par le gouvernement, officiellement pour lutter contre les guérillas, mais elles s’en sont prises aux civils, ont volé le bétail, brûlé les maisons et réduit en esclavage les femmes et les enfants », raconte-t-il. Sans grande expérience du combat, Abdelaziz al-Hilu continuera néanmoins de participer aux combats.

2 HILUAbdelaziz al-Hilu : « Nous nous sommes donc battus pour nous défendre au nom de la justice, de l’égalité, de la liberté et, avant tout, de la liberté de religion »

Lorsqu’il part à Khartoum pour ses études universitaires, il suit, en parallèle de ses cours d’économie, une formation militaire de 6 mois à la frontière entre l’Éthiopie et l’actuel Soudan du Sud. Il obtient alors le grade de capitaine puis terminent ses études en 1979.

10 années de lutte contre Omar el-Béchir

Les combats des ethnies marginalisées se poursuivent et affaiblissent tellement le régime qu’il ne peut résister, le 30 juin 1989, au coup d’État du brigadier Omar el-Béchir. Seulement, sous l’autorité du putschiste, leur situation ne s’améliore pas. « Ses hommes ont entamé un djihad contre le peuple Nouba. Nous nous sommes donc battus pour nous défendre au nom de la justice, de l’égalité, de la liberté et, avant tout, de la liberté de religion », explique Abdelaziz al-Hilu, devenu quelques années après la fin de sa formation, général et chef du SPLM-N, l’ancien Mouvement populaire de libération du Soudan – Agar, actif avant la sécession du Sud-Soudan.

3 REGIME« À cause de la nature du régime, nous n’avons pas eu d’autre choix que de prendre les armes.»

Le groupe de rebelles réussit à prendre le contrôle de toute la région méridionale du Soudan et y impose une certaine accalmie. Mais pas pour longtemps. Sous Omar el-Béchir, la situation des minorités ethniques ne s’améliore pas. Au contraire, elle provoque de longs combats entre le pouvoir et les rebelles, qui conduiront même à la sécession du Soudan du Sud en 2011.

Après la partition du pays, le SPLM-N demande une réforme complète de la société soudanaise pour mettre fin à la marginalisation de certaines ethnies et religions. « Ils ont alors décidé de bombarder leurs propres civils. Khartoum refuse également l'accès aux travailleurs humanitaires et à la communauté internationale, à ceux qui souhaitent venir en aide aux personnes dans le besoin dans les Monts Nouba où nous nous réfugions », confiait Abdelaziz al-Hilu en 2012. Finalement, Omar el-Béchir sera destitué en 2019 et des démarches pour un accord de paix avec les rebelles lancées par Khartoum. Abdelaziz al-Hilu refusera de parapher l’accord pourtant signé par toutes les autres parties concernées, le 03 octobre 2020.

Des ambitions politiques ?

La raison du refus de l’intéressé est simple. Son but n’a jamais été de seulement pacifier le Soudan. Depuis plusieurs années, l’intéressé réclame que l’Etat soudanais ne soit plus basé sur la Charia. Pour lui, la citoyenneté doit être le socle de la nation. Conscient que le chef du SPLM-N ne viendra à la table des négociations qu’à cette condition, le conseil de transition a conclu, le 28 mars, une « déclaration de principes » pour la séparation de l’État et de la religion. Seulement, les choses ne sont pas aussi simples. Une déclaration de principe n’est qu’une étape.

4 KhartoumIl sait qu’il sera écouté, tant Khartoum craint une tentative de sécession de la région contrôlée par son mouvement.

Pour Abdelaziz al-Hilu, le gouvernement doit également s’engager à décentraliser le pouvoir et assurer la pluralité démocratique. « Cela permettra au peuple concerné, en cas de violation de ces principes, d’exercer son droit à résister et à demander l’autodétermination », explique le chef rebelle. Il sait qu’il sera écouté, tant Khartoum craint une tentative de sécession de la région contrôlée par son mouvement. Pour d’autres, ce scenario n’est pas le plus probable. Avec son charisme et son importance sur l’échiquier soudanais, Abdelaziz al-Hilu semble promis à un avenir politique. S’il le nie, tout laisse pourtant penser qu’il pourrait bientôt obtenir une fonction importante au sein du conseil de transition.

Le conseil de transition a conclu, le 28 mars, une « déclaration de principes » pour la séparation de l’État et de la religion. Seulement, les choses ne sont pas aussi simples. Une déclaration de principe n’est qu’une étape.

De toutes les façons, lorsqu’il évoque l’avenir de son pays, on ne doute pas un instant de sa capacité à viser les plus hautes fonctions. « Le Soudan est unique. Nous avons besoin de solutions exceptionnelles et non conventionnelles pour résoudre nos problèmes face à la dégradation de la situation économique », susurre par exemple Abdelaziz al-Hilu, lorsqu’on l’interroge sur l’état de l’économie locale.

Servan Ahougnon

servan ahougnon



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