Riyad Mahrez : un Algérien à Istanbul

(Agence Ecofin) - Ce 4 mai 2020, les fans de football du monde entier n’avaient d’yeux que pour la demi-finale retour entre le PSG et Manchester City. Dans ce match, entre deux des meilleures équipes européennes, un homme a particulièrement brillé dans la nuit mancunienne. Il s’agit de l’Algérien Riyad Mahrez qui, il y a quelques années encore, étrennait son talent dans un club français de seconde division, loin de la médiatisation dont il fait aujourd’hui l’objet.

Au lendemain de la qualification historique de Manchester City en finale de Ligue des champions, c’est avec raison que toute la presse britannique a salué l’attaquant algérien de l’équipe : Riyad Mahrez. « Génie sous-coté », « merveille »... les qualificatifs ne manquent pas pour saluer la performance du capitaine des Fennecs d'Algérie lors de cette double confrontation face au PSG. Plutôt calme et réservé dans ses sorties, le natif de Sarcelles doit pourtant avoir envie de crier « je vous l’avais bien dit », lui qui s’est toujours su capable de grandes choses.

« Il a une qualité énorme dans les grands moments. »

Déjà vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations avec son pays il y a deux ans, il aura l’occasion dans quelques semaines, à Istanbul, d’inscrire son nom au palmarès de la plus prestigieuse des compétitions de clubs européens et de démontrer, s’il en est encore besoin, qu’on peut très bien être prophète chez soi et à l’étranger.

Dans la lumière depuis peu

En plantant un doublé pour envoyer son équipe à Istanbul, où se jouera la finale de la Ligue des champions européenne, Riyad Mahrez a de nouveau braqué sur lui les projecteurs. Après avoir connu des débuts difficiles depuis son arrivée à Manchester City, l’ancien ailier de Leicester semble en mission cette saison.

Il aura l’occasion dans quelques semaines, à Istanbul, d’inscrire son nom au palmarès de la plus prestigieuse des compétitions de clubs européens et de démontrer, s’il en est encore besoin, qu’on peut très bien être prophète chez soi et à l’étranger.

Une mission destinée à prouver à son club, et plus particulièrement à son coach Pep Guardiola, qu’il a eu raison de le recruter à l’été 2018, pour près de 70 millions d’euros. Avec cette confiance en soi qu’il cultive depuis l’adolescence, Riyad a atteint son objectif puisque mardi soir, au sortir de la rencontre face aux Parisiens, le technicien espagnol n’a pas tari d’éloges sur son attaquant. « C’est un joueur extraordinaire, il a une qualité énorme dans les grands moments, on le connaît bien. Les grands joueurs sont jugés sur ces moments-là, et lui, il aime ça. Son premier but est très bon, il termine parfaitement la magnifique action du deuxième », a lâché l’emblématique entraîneur tout content de voir son poulain lui offrir la possibilité de décrocher un nouveau titre européen, dix ans après son dernier sacre.

« Sa réussite, il ne la doit qu'à lui-même. »

Riyad Mahrez a également profité de la soirée pour marquer un peu plus l’histoire de son pays, en devenant le meilleur buteur algérien en Ligue des champions avec 10 buts au compteur. Auteur de 14 buts (dont les 3 points inscrits en deux matchs face aux Parisiens) et 7 passes décisives en 45 matchs toutes compétitions confondues cette saison, le joueur de 30 ans se rapproche de ses standards de 2016, année de son premier titre en Premier League.

C’est en effet cette année-là qui le voit entrer dans la lumière avec le club de Leicester. Durant cette épopée qui aura ému l’Angleterre et toute la planète foot, Riyad Mahrez a inscrit 17 buts et délivré 11 passes décisives, ce qui fit de lui l’un des grands artisans du sacre des Foxes. Cette magnifique saison lui offrira le titre de meilleur joueur PFA (Association des footballeurs professionnels) du championnat anglais de première division, une première à l’époque pour un joueur africain. C’est une récompense que même l’Ivoirien Didier Drogba, la légende de Chelsea, n’avait pas pu obtenir et qui situe le niveau atteint par l’Algérien. Sur cette lancée, Riyad Mahrez décrochera également le Ballon d’or africain et finira dans le top 10 du Ballon d’or de France Football, derrière des stars comme Messi, Ronaldo, Neymar, mais devant son coéquipier en club Jamie Vardy, ou encore Lewandowski et Zlatan Ibrahimovic. Cette reconnaissance internationale ferait presque oublier que le joueur aurait pu tout à fait passer sa carrière de footballeur dans l’anonymat. Même si, de son point de vue, ce succès n’est pas si surprenant.

« J’ai toujours été sûr de mes qualités »

La confiance en soi. C’est sans nul doute ce qui a permis à Riyad Mahrez de faire aujourd’hui partie des meilleurs joueurs au monde. Sans cette qualité, le jeune homme aurait facilement pu se contenter d’une carrière honorable, mais tout de même banale dans les ligues inférieures en France. Le 21 février 1991 à Sarcelles dans le Val-d’Oise, bébé Riyad voit le jour dans une famille d’immigrés algériens. Son père, qui a joué au football dans sa jeunesse, lui insuffle non seulement l’amour du ballon rond, mais aussi celui de son pays d’origine pour qui il finira par jouer.

Le 21 février 1991 à Sarcelles dans le Val-d’Oise, bébé Riyad voit le jour dans une famille d’immigrés algériens. Son père, qui a joué au football dans sa jeunesse, lui insuffle non seulement l’amour du ballon rond, mais aussi celui de son pays d’origine.

Encore faut-il, pour y arriver, se frayer un chemin dans le milieu professionnel, lui qui fréquente plutôt dans sa jeunesse le club de sa ville natale. Même s’il n’a pas eu la chance de fréquenter un centre de formation, Riyad est persuadé qu’il peut réussir malgré un physique pas très avantageux. « Sa réussite, il ne la doit qu'à lui-même. Il avait une confiance inébranlable, même en cas de coup dur. Certaines personnes peuvent penser que c'est de l'arrogance, mais ce n'est pas le cas », expliquait récemment au Point Mohamed Coulibaly, le directeur de l'AAS Sarcelles, son club d’enfance.

Quand il quitte Sarcelles pour Quimper en CFA (championnat de France amateur), puis pour le Havre (qui évolue en Ligue 2) où il décroche son premier contrat professionnel en 2011, Mahrez doit se dire qu’il a eu raison de croire en son étoile. Mais alors qu’il fait ses premiers pas dans l’antichambre de la première division française, son corps frêle pose problème à l'entraîneur de l’équipe première qui ne le juge pas assez robuste pour les matchs rugueux de Ligue 2. Cette critique n’a pas empêché le joueur alors âgé de 20 ans de persévérer.

Pour continuer d’écrire sa légende, Riyad Mahrez doit qualifier son pays dans les prochains mois pour le mondial 2022 au Qatar.

« Au fond de moi, j’ai toujours su que je pouvais marquer beaucoup de buts […] j’ai toujours été sûr de mes qualités », confiait-il à Canal Football Club en 2016. L’histoire lui aura déjà donné raison avec un transfert à Leicester en janvier 2014, où il jouera en deuxième division anglaise. Ses qualités techniques et un physique qui a beaucoup évolué en font un élément majeur de l’équipe qui remporte le trophée de la Championship et valide sa montée en Premier League. Riyad Mahrez évolue depuis plus de cinq ans, dans ce que beaucoup considèrent comme le championnat le plus relevé au monde. Une ironie de l’histoire et un pied de nez à cet ancien coach qui ne l'a pas jugé assez bon pour la Ligue 2 en France.

Devenir le meilleur joueur algérien de l’Histoire

Son mental solide, Riyad Mahrez le doit en partie à son mentor de père qui a toujours cru en lui. Contrairement à certains binationaux, jouer pour le pays de ses parents a toujours été un rêve pour Mahrez, lui qui profitait des vacances passées en Algérie avec son père pour découvrir son pays d’origine. Le souvenir de ce géniteur (décédé d’une crise cardiaque en 2006) est sans doute à l’esprit de l’attaquant quand il est appelé pour la première fois en sélection pour un essai à la veille du mondial 2014. C’est une autre prédiction de Mahrez qui se réalisera quelques semaines plus tard quand il fait partie des 23 joueurs appelés par Vahid Halilhodzic, alors sélectionneur des Fennecs, pour la Coupe du monde au Brésil. Il disait déjà à qui voulait l’entendre quelques années plus tôt : « Je vais y arriver, je ne sais pas comment, mais je vais jouer la Coupe du monde au Brésil ».

Contrairement à certains binationaux, jouer pour le pays de ses parents a toujours été un rêve pour Mahrez, lui qui profitait des vacances passées en Algérie avec son père pour découvrir son pays d’origine.

Le mondial au Brésil ne fut malheureusement pas celui de Riyad qui a plutôt regardé ses coéquipiers Slimani et Feghouli enchanter la planète foot. Le Sarcellois s’est finalement bien rattrapé en participant pleinement à la victoire finale de l’Algérie à la CAN 2019. Tout le monde a encore à l’esprit cette superbe enroulée du pied gauche qu’il a placée, suite à un coup franc obtenu dans les dernières secondes du match face au Nigeria en demi-finales.

Pour continuer d’écrire sa légende, Riyad Mahrez doit qualifier son pays dans les prochains mois pour le mondial 2022 au Qatar. En attendant, le capitaine de la sélection a l’occasion de graver un peu plus son nom dans l’histoire du foot en devenant le deuxième joueur algérien à remporter la Ligue des champions, après son illustre devancier, la légende Rabah Madjer.

Emiliano Tossou