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Abdallah Hamdok, l’homme de la situation

  • Date de création: 04 juin 2021 17:04

(Agence Ecofin) - A Karthoum, Abdallah Hamdok est de plus en plus vu comme l’homme providentiel qui remettra le Soudan sur les rails du développement. Cet espoir, il ne le suscite pas seulement à l’intérieur des frontières de son pays.

En marge de la Conférence internationale d’appui à la transition soudanaise, l’Allemagne et la France ont pris l’engagement d’annuler une créance de 5,4 milliards $ en faveur du pays, alors que l’Elysée a accepté d’accorder un prêt relais de 1,5 milliard $ pour apurer les arriérés du Soudan envers le FMI. C’est l’un des derniers succès à l’actif du Premier ministre Abdallah Hamdok qui, depuis son arrivée à la tête du pays en août 2019, met à profit l’expérience acquise après 30 années au sein des organisations internationales, pour relancer l’économie nationale.

Replacer le Soudan au cœur de la finance internationale

Le prêt accordé par la France le mois dernier pour permettre au Soudan de régler une partie de sa dette au FMI est le dernier en date d’une série d’accords de prêts négociés avec succès par Abdallah Hamdok ces derniers mois.

1 MacronL’Elysée lui a accordé un prêt relais de 1,5 milliard $ pour apurer les arriérés du Soudan envers le FMI.

Il a notamment obtenu un prêt conjoint auprès du Royaume-Uni et de la Suède pour rembourser 413 millions $ à la Banque africaine de développement (BAD). Dans le même temps, le Premier ministre a apuré une dette de près de 1,2 milliard contractée auprès de la Banque mondiale, grâce à des fonds mis à disposition par les Etats-Unis. Marquant le retour du Soudan au cœur de la finance internationale, cette série de prêts n’a rien d’anodin et demeure le fruit d’un processus entamé depuis août 2019. Depuis son arrivée au pouvoir, le Premier ministre doit notamment faire face à une récession de -2,5% et à un endettement qui dépassait 200% du PIB national en 2019, héritage laissé par les 30 années de pouvoir du président Omar el-Béchir. Pourtant, le chef du gouvernement reste confiant.

Depuis son arrivée au pouvoir, le Premier ministre doit notamment faire face à une récession de -2,5% et à un endettement qui dépassait 200% du PIB national en 2019, héritage laissé par les 30 années de pouvoir du président Omar el-Béchir. Pourtant, le chef du gouvernement reste confiant.

« Avec la bonne vision et les bonnes politiques, nous pourrons affronter cette crise économique », promet-il dès sa prestation de serment.

2 ABDALLAHAbdallah Hamdok, un atout précieux dans la renaissance de son pays.

L’une des priorités d'Abdallah Hamdok est de restructurer la dette de son pays. Encore faut-il pour cela faire la paix avec les Etats-Unis qui ont placé le Soudan sur leur liste noire des Etats sponsors du terrorisme. Depuis 1993, les sanctions liées à la présence du pays dans cette liste l’empêchent d’avoir accès à tout financement en provenance de Washington. Trois mois après sa nomination, Abdallah Hamdok se rend donc aux USA pour rencontrer le président Donald Trump afin de négocier le retrait de son pays de la liste. Une initiative couronnée de succès puisque moins d’un an après, l’administration Trump annonce la suppression du Soudan de la liste noire américaine des Etats sponsors du terrorisme. Pour comprendre à quel point, la présence sur cette liste était un frein au développement du pays, il faut savoir que les premières réactions sont à l’actif des investisseurs privés qui peuvent désormais mettre sur pied des projets au Soudan.

« Nous espérons que le pays sera apprécié par le monde entier pour ses opportunités d’investissement et de croissance, maintenant que toutes les sanctions sont levées », commente dans la foulée Richard Clark, PDG de la compagnie minière Orca Gold. Cette dernière, active dans le secteur aurifère, a en effet désormais la possibilité de mobiliser des fonds sur les marchés occidentaux pour financer le développement de ses projets dans le pays.

« Nous espérons que le pays sera apprécié par le monde entier pour ses opportunités d’investissement et de croissance, maintenant que toutes les sanctions sont levées », commente dans la foulée Richard Clark, PDG de la compagnie minière Orca Gold.

Il faut souligner qu'Abdallah Hamdok avait réussi ce tour de force, sans y être contraint, à faire la paix avec Israël, une situation qui aurait pu créer des tensions avec le monde arabe et aggraver les difficultés économiques du pays. Les Emirats arabes unis représentent en effet, avec la Chine, le principal partenaire commercial du Soudan.

Prédestiné par son parcours

Le processus de transition démocratique en cours au Soudan est l’un des facteurs déterminants du retour du pays sur la scène internationale. Mais plus que les discours et les bonnes intentions affichées par la classe politique soudanaise, le choix du leader de cette transition joue un rôle d’importance dans le succès auprès de la communauté internationale. Né en 1956 dans l'ancienne province de Kordofan dans le centre-sud du pays, le parcours académique et professionnel d'Abdallah Hamdok en a fait un choix plus qu’évident pour relever l’économie nationale.

Après une licence en sciences à l’université de Khartoum, il s’envole pour le Royaume-Uni où il décroche successivement une maîtrise puis un doctorat à l’Ecole d’études économiques de l’université de Manchester. Revenu au pays, il travaille comme haut fonctionnaire au ministère des Finances entre 1981 et 1987. Dans ses fonctions, il apprend les rouages de l’économie nationale et participe à l’élaboration des politiques économiques avant qu’une disgrâce auprès du président Omar el Béchir le contraigne à l’exil. Il aurait été licencié en raison de son refus d’adhérer au parti du président putschiste.

Dans ses fonctions, il apprend les rouages de l’économie nationale et participe à l’élaboration des politiques économiques avant qu’une disgrâce auprès du président Omar el Béchir le contraigne à l’exil. Il aurait été licencié en raison de son refus d’adhérer au parti du président putschiste.

Néanmoins, Abdallah Hamdok ne restera pas longtemps oisif puisque Deloitte fait appel à lui en 1993 pour travailler au Zimbabwe, notamment comme chef de groupe et membre du comité de gestion.

3 ETAT« Nous sommes un pays riche et nous pouvons placer le Soudan parmi les plus grands Etats ».

Après deux années passées dans le cabinet d’audit et de consulting, il met pour la première fois ses compétences au service d’une institution internationale. Nommé conseiller technique en chef au bureau zimbabwéen de l’Organisation internationale du Travail en 1995, le futur Premier ministre n’y fera que deux ans avant de monter plus haut, comme économiste politique principal au siège de la BAD en Côte d’Ivoire, de 1997 à 2001. Abdallah Hamdok poursuit son parcours de technocrate en travaillant ensuite pour la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA). C’est de son poste (qu’il occupait depuis 2011) de directeur adjoint de la CEA qu’il est rappelé en 2019 de l’Ethiopie voisine, pour servir son pays.

Ironie du sort ou reconnaissance totale de ses compétences, il faut souligner que quelques mois avant de prendre la tête de la transition soudanaise, Abdallah Hamdok a été sollicité par Omar el-Béchir.

Ironie du sort ou reconnaissance totale de ses compétences, il faut souligner que quelques mois avant de prendre la tête de la transition soudanaise, Abdallah Hamdok a été sollicité par Omar el-Béchir.

Après l’avoir jugé indigne d’occuper un poste de fonctionnaire au ministère des Finances quelques décennies plus tôt, l’ancien président a en effet fait appel à lui pour diriger ce même département ministériel, en pleine contestation populaire contre son régime. Le refus du technocrate de s’associer à un homme accusé de crimes contre l’humanité par la CPI, a-t-il joué un rôle quand il a fallu choisir la perle rare pour conduire le processus démocratique au Soudan ? Rien ne permet de l’infirmer ou de le confirmer. Toutefois, l’expérience et la notoriété acquise à l’internationale par Abdallah Hamdok font de lui un atout précieux dans la renaissance de son pays.

De grandes ambitions pour le Soudan

Pratiquement deux ans après sa nomination comme Premier ministre, Abdallah Hamdok n’a pas déçu les observateurs. Si la pandémie de Covid-19 a accentué les difficultés du Soudan, le chef du gouvernement pose progressivement les bases d’une relance durable de l’économie nationale. La bonne gestion et la transparence dans la conduite des affaires publiques font partie des leitmotive de celui qui a siégé un temps au conseil d’administration de la Fondation Mo Ibrahim et qui milite depuis des années pour la bonne gouvernance en Afrique.

La bonne gestion et la transparence dans la conduite des affaires publiques font partie des leitmotive de celui qui a siégé un temps au conseil d’administration de la Fondation Mo Ibrahim et qui milite depuis des années pour la bonne gouvernance en Afrique.

Actuellement en négociations pour un allègement de 80% de la dette extérieure, Hamdok doit aussi se concentrer sur les problèmes intérieurs comme les attaques et affrontements persistants au Darfour. Dès sa nomination, il avait fait un premier pas symbolique en se rendant dans cette région de l’ouest du Soudan en proie à des violences depuis 2003. Un accord de paix historique a même été conclu à Juba le 3 octobre 2020, entre les groupes armés et le pouvoir central. Il est censé mettre un terme définitif aux années de violences en remettant définitivement le Soudan sur les rails du développement.

4 ACCORDUn accord de paix historique a même été conclu à Juba en octobre 2020.

La liberté de la presse, la promotion des investissements privés étrangers et la mise en place de politiques économiques efficaces seront les moteurs vers la réalisation de cet objectif réaffirmé il y a quelque temps par le Premier ministre : « Nous sommes un pays riche et nous pouvons placer le Soudan parmi les plus grands Etats ».

Emiliano Tossou

 Emiliano



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