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60 ans d’indépendance en Afrique francophone (3e partie) : le cas du Gabon

  • Date de création: 28 août 2020 16:43

(Agence Ecofin) - Le 17 août 1960, le Gabon accède pour la première fois à la souveraineté internationale après plusieurs décennies de colonisation. Si les autres anciennes colonies françaises d’Afrique ont pour la plupart manifesté un fort désir de devenir indépendants, l’histoire de ce petit pays d’Afrique centrale, très liée à la France, se présente comme une certaine exception. 60 ans après son indépendance, quel est le bilan politique, économique et social du Gabon ?

Pilier de la « Françafrique » 

C’est au XIXe siècle que le Gabon commence à être colonisé par la France, avec la signature en 1839 d’un premier traité avec le roi Rapontchombo, qui ouvre la voie à une installation progressive des colons sur le territoire. A partir de cette époque, les relations particulières entre Paris et Libreville commencent à se façonner et vont se renforcer jusqu’à l’obtention du statut de territoire d’outre-mer, en 1946, par l’ancien territoire de l’Afrique équatoriale française (AEF).

1 roi RapontchomboEn 1839, le roi Rapontchombo autorise les premiers Français à s’installer au Gabon.

Preuve de cette relation particulière, en 1958, alors que la plupart des pays africains souhaitent s’émanciper de la métropole et obtenir leur indépendance, le Gabon demande à devenir un département français.

Preuve de cette relation particulière, en 1958, alors que la plupart des pays africains souhaitent s’émanciper de la métropole et obtenir leur indépendance, le Gabon demande à devenir un département français.

A la suite du refus du général de Gaulle d’accéder à la requête formulée par Léon Mba, alors président du conseil de gouvernement du Gabon, le pays se voit presque imposer son indépendance le 17 août, clôturant ainsi le bal d’août 1960 des accessions des colonies françaises d’Afrique à la souveraineté internationale, ouvert par le Bénin. « Le président Leon Mba (premier président gabonais en 1961) est connu comme celui qui avait réclamé à la France non pas l'indépendance, mais la départementalisation, et cet imaginaire qui est né de cet acte fondateur a continué à hanter les rapports entre la France et le Gabon. L'un des symboles marquants, c'est celui des militaires du camp de Gaulle installé à Libreville, c'est un symbole très fort, matériel et puis c'est un symbole humain », analysait à ce propos le sociologue Joseph Tonda.

2 pdst LeonLe président Léon Mba aurait préféré que le Gabon reste français.

Au cours des décennies qui suivent cette indépendance, le nouvel Etat devient, notamment sous l’impulsion de l’ancien président Omar Bongo (qui dirigea le pays pendant 42 ans), l’un des piliers de la Françafrique, terme désignant le système de relations (économiques, politiques, militaires) et les réseaux d'influence utilisés par la France pour son action en Afrique, essentiellement à l'endroit de ses ex-colonies. Même si l’arrivée en 2009 du président Ali Bongo marque un tournant décisif dans le processus de diversification des partenaires du pays, l’Hexagone occupe encore aujourd’hui une place particulière dans le paysage socio-économique du Gabon.

Une économie de rente

Pétrole, manganèse, uranium, bois… le Gabon comme bon nombre de pays africains n’a souvent pu compter que sur ses ressources naturelles pour obtenir les revenus nécessaires à l'investissement dans d’autres secteurs. Le secteur pétrolier, qui a permis au pays de connaître un boom économique important, au lendemain de son indépendance, continue de représenter une part dominante de l’économie nationale. Malheureusement, cette prépondérance a souvent exposé le pays aux fluctuations des cours de l’or noir qui ont parfois entraîné des chutes brutales de ses revenus et se sont traduites par des épisodes de récession économique (jusqu’à -15,4% de croissance en 1987, selon le FMI).

3 independanceEn 60 ans d’indépendance, le pays n’a que peu diversifié son économie.

Malgré cette situation, en 60 ans d’indépendance, le pays n’a que peu diversifié son économie pour se sevrer de sa dépendance à la manne pétrolière. D’après la Banque mondiale, au cours des cinq dernières années, le secteur pétrolier a représenté en moyenne, 80 % des exportations, 45 % du PIB et 60 % des recettes budgétaires du Gabon.

D’après la Banque mondiale, au cours des cinq dernières années, le secteur pétrolier a représenté en moyenne, 80 % des exportations, 45 % du PIB et 60 % des recettes budgétaires du Gabon.

« La situation budgétaire du Gabon s’est détériorée en 2015, le pays enregistrant un déficit pour la première fois depuis 1998. Les efforts du gouvernement pour juguler les dépenses et compenser le déclin des recettes pétrolières ne sont pas parvenus à relancer l’économie qui a stagné et affiché un taux de croissance de 0,8 % en 2018 contre 0,5 % en 2017 », avait indiqué la Banque mondiale.

La faible industrialisation de l’économie a rendu le pays très dépendant de l’extérieur pour l’importation de nombreux produits. D’après la Banque africaine de développement (BAD), l’augmentation des importations qui permettent de couvrir 80% des besoins alimentaires des Gabonais, a entraîné un creusement du déficit du compte courant qui est passé de -2,3% en 2018 à -3,2% en 2019. « Pour le financer, le gouvernement a dû recourir à l’emprunt extérieur, autant bilatéral que multilatéral, et les contraintes de liquidités ont conduit à une accumulation des arriérés internes. La dette publique totale est ainsi passée de 52,5 % du PIB en 2016 à 64,3 % en 2018 (et est estimée à 62,2 % pour 2019) », conclut l’institution, même si les analystes du FMI estiment que la dette est soutenable.

La difficile amélioration des conditions sociales  

Selon les statistiques de la Banque mondiale, la population gabonaise a été multipliée par 4 en quasiment 60 ans, passant de 500 000 individus en 1960 à plus de 2 millions en 2019. Sur la même période, le produit intérieur brut (PIB) du Gabon a été multiplié par 120, passant de 141 millions $ à plus de 16 milliards $. Ainsi, contrairement à de nombreux autres pays africains où on considère que la croissance économique n’est pas assez rapide pour suivre le rythme de la croissance démographique, la richesse nationale du Gabon a progressé 30 fois plus rapidement que sa population.

La population gabonaise a été multipliée par 4 en quasiment 60 ans, passant de 500 000 individus en 1960 à plus de 2 millions en 2019. Sur la même période, le produit intérieur brut (PIB) du Gabon a été multiplié par 120, passant de 141 millions $ à plus de 16 milliards $.

Pourtant ces dernières années, malgré son statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, les performances en matière de développement humain du Gabon se sont affaiblies. Entre 2016 et 2019, le pays est passé de la 109e place du classement mondial de l’ONU en matière de développement humain, à la 115e place, même s’il reste dans la catégorie « IDH élevé ». Les statistiques fournies par le FMI montrent également un déphasage entre l’évolution du PIB et du PIB par habitant. En 2001, malgré une hausse de 2,1% du PIB gabonais, le PIB/habitant avait baissé de - 0,3% même s’il était en nette amélioration par rapport à l’année précédente. En 2015, malgré une croissance de 3,8% du PIB, le PIB/habitant n’avait crû que de 0,5%. « Malheureusement, lorsqu’on regarde le Gabon aujourd’hui, on a encore une grande partie des Gabonais qui vit dans un habitat précaire et insalubre. […] Et on peut se demander ce qu’a fait le Gabon de son argent pendant toute cette période d’indépendance », analysait pour TV5 Monde l’économiste et opposant Mays Mouissi.

Une récente progression vers le développement

Malgré ce bilan mitigé, de réels efforts sont aujourd’hui accomplis pour permettre au Gabon de se développer. Si des tensions politiques semblent persister, les derniers gouvernements ont su mettre en œuvre de véritables programmes de développement.

4 economieLa stratégie de diversification de l’économie a favorisé le développement de nouveaux secteurs d’activité, principalement dans l’agroalimentaire et le bois.

Même si le pays reste fortement dépendant de l’extérieur, la stratégie de diversification de l’économie a favorisé le développement de nouveaux secteurs d’activité, principalement dans l’agroalimentaire et le bois.

De nombreux efforts ont été accomplis pour permettre au Gabon de se développer. Si des tensions politiques semblent persister, les gouvernements ont su mettre en œuvre de véritables programmes de développement.

Cette stratégie s’est accompagnée d’une opération d’industrialisation de l’économie qui s’est notamment concrétisée en 2010 par la création de la Gabon Special Economic Zone qui compte aujourd’hui une soixantaine d’entreprises internationales ou locales (matériaux de construction, sidérurgie, chimie, etc.) et dont les activités représentent 14 % du total des exportations du pays. Grâce aux investissements du groupe singapourien Olam (estimés à plus de 2 milliards d’euros depuis 2010, soit plus de 45 % du montant total des investissements directs étrangers entrant au Gabon sur la période selon la BAD), les cultures de l’huile de palme, de l’hévéa et du caoutchouc se sont développées à une échelle industrielle. En 2018, trois nouvelles usines de traitement de l’huile de palme ont été inaugurées. La création de cette zone économique a également entraîné des investissements dans les infrastructures (aéroports, ports, routes) qui profitent à toute la population gabonaise.

Sur le plan social, on note une amélioration de l’espérance de vie des populations (de 62,2 ans en 2009 à 66,4 ans en 2017), une réduction de la mortalité infantile et maternelle et une progression du taux d’alphabétisation.

Sur le plan social, on note une amélioration de l’espérance de vie des populations (de 62,2 ans en 2009 à 66,4 ans en 2017), une réduction de la mortalité infantile et maternelle et une progression du taux d’alphabétisation.

Ainsi, ces dernières années, le Gabon aura réussi à faire avancer de nombreux chantiers de développement, dans plusieurs domaines. Cependant, malgré les points positifs qui figurent à l’actif de ce bilan, le Gabon n'échappe pas au sentiment général d’insatisfaction qui se dégage de l’analyse générale des 60 ans d’indépendance des pays africains.

Ces 60 ans d’indépendances doivent « nous amener à fixer des objectifs pour nous-mêmes, pour nos familles et pour notre pays. Personne ne viendra développer le Gabon à notre place ! C’est le temps pour chaque Gabonais de prendre ses responsabilités pour lui-même, pour sa famille et pour le pays ! » commentait à ce propos Dieudonné Minlama, homme politique Gabonais et ancien candidat à l’élection présidentielle de 2016.

Moutiou Adjibi Nourou

 Moutiou Adjibi



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