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Mali : la CEDEAO réaménage ses sanctions et brandit la menace d'une intervention militaire

  • Date de création: 21 août 2020 05:51
(Agence Ecofin) - Les denrées de première nécessité, les médicaments, le carburant, et l’électricité ne sont plus concernés par les sanctions contre le Mali. Ciblant toutefois « les militaires putschistes » et leurs collaborateurs, les chefs d’Etat ont appelé à la montée en puissance de la Force en attente de la CEDEAO.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) continue de maintenir la pression et la fermeté sur la junte militaire au pouvoir au Mali depuis la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le 18 août.

Condamnant ce qu’elle qualifie de « pressions ainsi que les manipulations effectuées par les militaires putschistes sur le président IBK pour le contraindre à annoncer une démission contre son gré », l’organisation a, à l’issue d’un sommet extraordinaire tenu ce jeudi sur la situation au Mali, réaménagé la batterie de sanctions déjà annoncées contre le pays.  

Déniant « toute forme de légitimité aux militaires putschistes », la CEDEAO a exigé la « libération immédiate » d’IBK et de tous les officiels arrêtés, ainsi que son « rétablissement […] en tant que président de la République ».

Confirmant la suspension du Mali de tous les organes de décision, la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, financières et commerciales, « à l’exception des denrées de première nécessité, des médicaments, du carburant, et de l’électricité », la CEDEAO a décidé de la « mise en œuvre immédiate d’un ensemble de sanctions contre tous les militaires putschistes et leurs partenaires et collaborateurs ».

Les chefs d’Etat ont par ailleurs annoncé une « délégation de haut niveau » au Mali afin d’assurer « le retour immédiat de l’ordre constitutionnel ».

Enfin, et ce qui constitue l’un des points importants de ce sommet extraordinaire sur le Mali est la décision de « montée en puissance de la Force en attente de la CEDEAO ». Une manière pour les chefs d’Etat de brandir la menace d’une intervention militaire au Mali.                                

La CEDEAO dans la surenchère

La fermeté de la CEDEAO envers le nouveau régime militaire au pouvoir au Mali a de quoi surprendre d’autant plus que certaines exigences issues de ce sommet extraordinaire s’apparentent clairement à de la surenchère.

Alors que le dialogue avec l’opposition politique du pays – qui au demeurant avait fragilisé le régime d’IBK à la suite de contestations populaires – est engagé pour la mise en place d’une transition politique civile, l’idée d’un retour au pouvoir d’IBK parait utopique, car sa chute a visiblement été saluée par une grande partie de la population.

Dans ce sens, certaines puissances telles que les Etats-Unis ou encore la France qui possèdent actuellement des troupes militaires dans le cadre de la force Barkhane, ont même quelque peu édulcoré leurs récentes déclarations, s’adaptant à l’évolution réelle de la situation sur le terrain.

Dans son dernier communiqué, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a en effet, exhorté « toutes les parties prenantes au Mali à engager un dialogue pacifique, à respecter les droits des Maliens à la liberté d’expression et de réunion pacifique et à rejeter la violence ». Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a encouragé « toutes les forces politiques et sociales au dialogue pour trouver une solution à la crise profonde que traverse le pays » et a appelé « au rétablissement sans délai d’un pouvoir civil ».

Par ailleurs, l’idée de faire intervenir la force en attente de la CEDEAO aux capacités opérationnelles d’ailleurs limitées semble plus relever du bluff que des possibilités réelles des Etats membres en la matière. Dans un contexte marqué par les difficultés économiques causées par la pandémie de covid-19 et de défis sécuritaires auxquels certains pays font face (Burkina Faso, Nigeria), il apparaît peu réalisable que des contingents militaires conséquents soient mis à disposition pour une opération militaire d’une pareille envergure ; ou encore que des fonds soient alloués pour financer une telle initiative. Et ce, d’autant plus que les partenaires traditionnels de la CEDEAO dans le cadre du financement des opérations de maintien de la paix (France, Etats-Unis, UE) semblent désormais pour une solution inclusive entre les acteurs politiques au Mali.

Enfin, il est peu probable que les forces étrangères présentes dans le pays pour la lutte contre le terrorisme (Minusma, force Barkhane, G5 Sahel et Force Takuba) se détournent de leurs missions principales pour s’engager dans des actions qui pourraient s’avérer hasardeuses, et de nature à laisser la place à la montée en puissance des groupes armés dans le Sahel.

Plus que jamais, les carottes semblent cuites pour l’ex-président IBK malgré ce qui s’apparente à du zèle de la part des chefs d’Etat de la sous-région. La peur d’un effet de contagion à d’autres pays en proie également à des contestations populaires semble en être la véritable raison.

Borgia Kobri

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