(Agence Ecofin) - Opposés sur le tracé de leur frontière maritime dans une zone de l’océan Indien, potentiellement riche en poissons et en hydrocarbures, les tensions entre le Kenya et la Somalie ont conduit à la rupture des relations diplomatiques entre les deux voisins.
Après sept années de contestations sur leur frontière maritime, la Cour internationale de justice (CIJ) a tranché, mardi 12 octobre, en faveur de la Somalie. Rejetant le tracé de la frontière réclamée par le Kenya à partir de la côte, la CIJ a plutôt tracé une nouvelle frontière proche de celle réclamée par la Somalie.
« La Cour considère donc que la ligne ajustée qu’elle a établie en tant que frontière maritime aboutit à une solution équitable », a conclu Joan Donoghue, juge-présidente de la Cour. La juridiction onusienne a cependant rejeté toutes les demandes de dommages et intérêts de la Somalie, en réparation des travaux d’arpentage et de forage de sociétés pétrolières et gazières, entrepris par le Kenya. Elle a par ailleurs autorisé le Kenya à conserver une partie du triangle d’eau revendiqué par les deux parties.
COMMUNIQUÉ: la #CIJ détermine le tracé de la frontière maritime entre la Somalie et le Kenya dans l’affaire relative à la Délimitation maritime dans l’océan Indien (#Somalie c. #Kenya) https://t.co/8akjhixYrQ pic.twitter.com/3OZxUMwPtr
— CIJ_ICJ (@CIJ_ICJ) October 12, 2021
Une décision définitive, mais contestée
Si le conflit maritime a eu raison des relations diplomatiques entre le Kenya et la Somalie, la décision de la CIJ risque d’envenimer les tensions. En effet, le Kenya qui avait en amont accusé la juridiction de partialité a, par la voix de son président, Uhuru Kenyatta, annoncé dans un communiqué que le gouvernement « rejette totalement et ne reconnaît pas les conclusions » de la CIJ.
Une décision qu’Uhuru Kenyatta a qualifiée de « jeu à somme nulle, qui mettra à mal les relations entre les deux pays et aggravera potentiellement la situation de paix et de sécurité dans la fragile région de la Corne de l’Afrique ». Le dirigeant kényan entend privilégier un règlement négocié, quant à la perspective d’une conciliation entre les deux Etats d’Afrique de l’Est.
Visiblement satisfait du jugement de la CIJ, le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed dit « Farmaajo » a,pour sa part,appelé, dans son discours retransmis à la télévision nationale, son homologue au respect du droit international. Pour« Farmaajo », cette décision doit être « une opportunité pour renforcer la relation entre les deux pays et la collaboration entre leurs peuples voisins ».
Une zone riche de gisements de pétrole et de gaz
En proie à des chocs économiques, en raison des inondations, une invasion acridienne et l’impact de la pandémie de covid-19, la Somalie connait une période de récession. La croissance économique s'est contractée à -0,7% du PIB en 2020, selon le FMI, contre 2,9% en 2019, mais elle devrait se redresser à 1,6% en 2021 et 3,6% en 2022, selon les récentes perspectives de l’institution.
Dans un pays où plus de la moitié de la population vit dans la pauvreté, l’agriculture reste le secteur le plus pourvoyeur d’emploi. L’exploitation de cette zone de l’océan Indien, riche en hydrocarbures, représente donc un atout économique pour le pays qui avait déjà annoncé en 2020, des réformes de son secteur pétrolier. Le gouvernement somalien avait alors adopté un code pétrolier et un texte inscrit dans la loi sur le pétrole, régissant les accords de partage de production dans l’optique de construire une industrie pétrolière locale forte. Des perspectives qui pourraient susciter l’intérêt des investisseurs, en témoignent les partenariats avec de grandes firmes pétrolières telles que Shell et ExxonMobil.
Pour rappel, cette procédure judiciaire a été introduite en 2014 par la Somalie auprès de la Cour. Les décisions de la CIJ s’imposent aux parties et sont sans appel. Cependant, la Cour ne dispose pas de moyens contraignants pour les faire appliquer. Le Conseil de sécurité de l'ONU peut toutefois être saisi pour sanctions si un Etat membre juge que l’autre partie ne se conforme pas au jugement de la Cour.
Dorcas Loba (Stagiaire)
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