(Agence Ecofin) - Depuis son élection, le président Tshisekedi gouverne difficilement avec une majorité parlementaire subordonnée à l’ex-président Joseph Kabila. Pour sortir de cette impasse, ces dernières semaines, il a consulté toutes les composantes de la société congolaise dans le but de rassembler une nouvelle majorité dite « Union sacrée ».
Ce dimanche 6 décembre, au cours d’une allocution, Felix Tshisekedi a annoncé son intention de nommer un « informateur » qui sera en charge de rassembler une nouvelle majorité.
« La majorité actuelle s’étant effritée, j’ai décidé de nommer un informateur, conformément aux dispositions de l’article 78, alinéa 2, de la Constitution. Il sera chargé d’identifier une nouvelle coalition réunissant la majorité absolue des membres au sein de l’Assemblée Nationale », a déclaré le chef de l’Etat, estimant qu’un large consensus se dégage sur la nécessité de « mettre fin à la coalition FCC-CACH à la base du blocage actuel ».
Dans l’hypothèse où l’informateur ne parviendrait pas à réunir une majorité parlementaire, alors le chef de l’Etat estime qu’il lui faudra dissoudre l’Assemblée nationale et demander aux électeurs de trancher.
L’intégralité du discours de Felix Tshisekedi, ce 6 décembre 2020
Congolaises, Congolais, mes Très Chers Compatriotes,
Comme je vous l’ai promis le 23 octobre dernier, Me voici devant vous pour vous rendre compte du résultat des consultations que j’ai engagées depuis le 2 novembre dernier, ainsi que des décisions qui en découlent.
Près de trois semaines durant, avec les représentants des différentes forces politiques et sociales du pays, j’ai eu le privilège d’aborder les sujets les plus préoccupants pour l’avenir de notre pays. J’ai recueilli des mémorandums, cahiers de charges, notes, projets et autres courriers aussi bien individuels que collectifs.
J’ai été impressionné par la clarté des analyses et recommandations de mes différents interlocuteurs.
Une fois de plus, j’ai ressenti l’immense douleur, doublée de révolte, de mes compatriotes face à la situation d’instabilité et de guerre larvée qui perdure dans une partie du pays ; j’ai été anéanti par les témoignages renouvelés des victimes d’atrocités ; j’ai mesuré la soif, exprimée par tous, d’une démocratie exemplaire et d’un véritable État de droit; j’ai compris que notre peuple et la majorité de ses élites, ne supportent plus d’être pris en otage par le cancer de la corruption, des traitements discriminatoires, des discours creux et démagogiques ; J’ai ressenti la lassitude de nombre d’entre vous, toujours plus impatients de voir des résultats concrets sur le front socioéconomique changer leur quotidien et celui de leurs enfants. J’ai pris bonne note des attentes précises de chaque catégorie consultée, ainsi que celles spécifiques aux différentes provinces.
J’ai aussi été marqué par votre reconnaissance des efforts consentis pour trouver des solutions aux multiples problèmes auxquels nous faisons face. J’en suis d’ailleurs ragaillardi.
À tous ceux que j’ai eu l’honneur de rencontrer, j’adresse mes remerciements les plus patriotiques. Je remercie également chacun d’entre vous qui n’avez pas pu participer directement à ces consultations, mais qui avez manifesté un grand enthousiasme pour cet exercice démocratique.
Je suis très fier de constater que les uns et les autres partagent largement avec moi les mêmes aspirations pour notre pays ; tous veulent voir émerger un Congolais nouveau pour un Congo debout, entamant résolument sa marche vers le progrès.
Mes chers compatriotes,
La responsabilité qui est la mienne est de rassembler tous les Congolais et de les faire progresser. Le devoir constitutionnel qui m’incombe est celui d’être le garant de la Nation et d’assurer le bon fonctionnement des institutions de la République.
Nous traversons en cette période un tournant décisif de notre construction démocratique. Ce moment nous confère un devoir collectif ; celui du sursaut ! Un vrai sursaut démocratique, que nous devons porter partout sur notre territoire, pour anéantir les desseins des cyniques, pour réveiller les somnambules, et pour barrer le passage à celles et ceux qui portent la haine et la honte dans notre pays.
Je veux le faire avec vous, autour de valeurs, de principes et d’actions. Actions pour le redressement moral de notre Nation, pour sa réhabilitation sécuritaire, économique et sociale. Pour atteindre chaque Congolais dans son vécu quotidien, et que, in fine, personne ne soit laissé pour compte.
Mes chers compatriotes,
Je vous ai consulté et vous m’avez parlé.
De tout ce qui m’a été rapporté, individuellement ou collectivement, il se dégage une large convergence des vues au niveau national sur les questions essentielles.
Vous m’avez parlé de la paix et de la sécurité, j’ai retenu comme propositions :
Sur le renforcement de la démocratie et l’État de droit, j’ai noté qu’il faut :
Pour organiser des élections crédibles dans le délai constitutionnel, vous avez souligné l’urgence de :
Sur l’indépendance et la bonne administration de la justice, vous avez relevé qu’il faut :
Parlant de l’amélioration des finances publiques et du climat des affaires, vous avez suggéré qu’il faut :
Pour mieux planifier notre développement et bâtir nos infrastructures, vous avez souligné la nécessité de :
Afin de promouvoir l’émergence d’un congolais nouveau en investissant davantage dans le capital humain vous avez proposé de :
Pour donner de l’emploi et une vraie perspective de vie à la jeunesse, vous avez suggéré de :
Quant à la promotion des droits de la femme, vous avez insisté sur la nécessité de :
Mes chers compatriotes,
L’engouement suscité par les consultations ayant dépassé toutes les prévisions, je ne saurai être exhaustif dans cette énumération. Qu’à cela ne tienne, toutes ces attentes, ces interrogations, ces inquiétudes, cette lassitude, cette colère exprimée, mais aussi les sujets de satisfaction, ont été pris en compte et ont fait l’objet de ma profonde réflexion. J’en ai retenu que d’une part, le Gouvernement de coalition institué au lendemain de l’alternance politique intervenue en janvier 2019 n’a pas permis de mettre en œuvre le programme pour lequel vous m’aviez porté à la magistrature suprême, et que d’autre part, il n’a pas été capable de répondre aux attentes et aux aspirations de notre peuple.
Vous avez un rôle immense pour aider à corriger les excès du passé, et veiller à ce que nous ayons un Congo plus efficace, plus démocratique. Nous y œuvrerons ensemble.
Aussi devons-nous cultiver chaque jour et à chaque instant le vivre ensemble sur des valeurs d’égalité de traitement entre les citoyens, d’équité et de solidarité dans le partage des richesses nationales, ainsi que de justice pour tous.
Nous devons également renforcer les piliers de la cohésion sociale et la législation, en réprimant plus sévèrement les actes et propos incitant à la haine tribale, aux discriminations en tout genre et au séparatisme.
Mes Très Chers Compatriotes,
Cela dit, vos contributions devront conduire ainsi à de profondes réformes.
La femme, la jeunesse et le monde de la culture doivent y jouer un rôle intense.
La culture et l’éducation, sont les piliers sur lesquels se construit le développement et le progrès, la création et l’innovation.
L’implication et la responsabilité des femmes dans ce combat vaut son pesant d’or. Ne dit-on pas que partout où l’homme a dégradé la femme, il s’est dégradé lui-même.
Nous avons à construire la société que notre jeunesse mérite.
Mes Très Chers Compatriotes,
Au-delà du large consensus sur les objectifs de la gouvernance ainsi plébiscités par les forces vives de la Nation et par de nombreux élus, ces consultations ont également mis en évidence, à une écrasante majorité, le rejet de la coalition entre le Front Commun pour le Congo et le Cap pour le Changement.
Cette triste conclusion intervient après deux années d’efforts inlassables pour préserver l’essentiel au sein de la coalition. Deux années de grâce qui n’auront malheureusement pas réussi à éviter une situation de crise persistante et de défiance inacceptable entre les institutions de la République dont je suis le seul garant.
Ba ndeko ba bolingo, bana mboka,
Lisanga ya bana Congo ekatisi ba mbula mpe makambo ebele. Lelo tokomi na tango ya mbela !
Bitumba oyo ezali ya ko bimisa ekolo na biso na bowumbu ya bobola na ya bozangi, ya bokabuani, bitumba na liwa oyo toyebela tina te, bitumba ya moyibi, ya kaniaka na nkita na biso.
Na sengi na bino banso tosangana mpo to bimisa mboka ya ba koko na biso na etumbu oyo.
Mes Très Chers Compatriotes,
Ceci n’est pas seulement un discours, c’est un appel à la mobilisation générale face à la dégradation de la situation de notre pays, voulue et orchestrée par les fossoyeurs de la République.
Mes Très Chers Compatriotes,
Comme j’ai eu à vous le dire le 23 octobre dernier, nous n’avons pas le droit de prendre en otage le devenir de notre Nation à cause de querelles politiciennes et de repositionnement. Je ne peux en conséquence me résoudre à demeurer dans le statu quo et l’immobilisme. Le temps n’est plus propice aux atermoiements, ni aux discussions stériles, ni encore aux intérêts partisans. Les replis tactiques et les combats d’arrière-garde n’ont plus aucun sens. Ce moment historique nous impose de prendre nos responsabilités, en vue d’instaurer un État de droit et de démocratie conformément à la mission que vous m’avez confiée, et dont je mesure la grandeur.
C’est pourquoi j’ai décidé de faire porter le grand projet de refondation du pays par l’ensemble des forces vives politiques et sociales que compte notre pays, au sein d’une Union Sacrée de la Nation.
Par Union Sacrée, j’entends une nouvelle conception de la gouvernance basée sur les résultats dans l’intérêt supérieur de la Nation. Il s’agit d’adhérer aux valeurs, principes et cadre programmatique dont je viens de fixer ici les grandes lignes.
Ainsi pour rendre effectives et concrétiser les réformes envisagées, la majorité parlementaire actuelle s’étant effritée, une nouvelle majorité est nécessaire.
En conséquence, j’ai décidé de nommer un INFORMATEUR, conformément aux dispositions de l’article 78, alinéa 2, de la Constitution. Il sera chargé d’identifier une nouvelle coalition réunissant la majorité absolue des membres au sein de l’Assemblée Nationale.
C’est avec cette nouvelle coalition que le Gouvernement qui sera mis en place au plus vite, conduira son action durant le reste du quinquennat, suivant Ma vision, dans le but de répondre aux aspirations du peuple.
Au cas contraire, fort de ce que les raisons de dissolution sont réunies en ce qu’il existe effectivement une crise persistante cristallisée notamment par le refus du parlement de soutenir certaines initiatives du Gouvernement comme ce fut le cas lors de la prestation du serment des membres de la Cour Constitutionnelle, j’userai des prérogatives constitutionnelles qui me sont reconnues, pour revenir vers vous, peuple souverain, et vous demander une majorité.
Mes Très Chers Compatriotes ;
Forces vives de la nation ;
Députés nationaux et Sénateurs,
Le moment est ainsi venu de réunir toutes les bonnes volontés pour donner un nouvel élan à notre destin national dans l’union sacrée de la nation, et que le Congo, notre cher et beau pays, dont le peuple est le bouclier et la force de dissuasion, cesse d’être un problème pour nous-mêmes et pour le monde.
Mes Très Chers Compatriotes,
Wandugu wapenzi musimame, kazi ya inchi ina anza !
Ba mpangi ya luzolo beno telama, kisalu me banda !
Bana betu basuibue jukayi, mudimu wa bangi !
Bandeko babolingo bana mboka bino banso botelema, mosala ebandi !
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo !
Je vous remercie.
Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.