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Le pouvoir algérien ne décolère pas suite aux propos du président Emmanuel Macron

  • Date de création: 03 octobre 2021 17:14

(Agence Ecofin) - Lors d’un déjeuner organisé jeudi à l’Elysée entre Emmanuel Macron et des descendants de combattants de la guerre d’Algérie, le président français a tenu des propos sévères à l’égard du pouvoir algérien, révélés par le journal Le Monde. Ses déclarations, non encore démenties, ont suscité l’ire des politiques et de plusieurs médias algériens.

Jeudi le 30 septembre, Emmanuel Macron recevait à l’Elysée 18 descendants de harkis de l’Armée de libération nationale de l’Algérie française. Parmi eux, les petits-enfants de figures notoires comme Raoul Salan, patron de l’OAS, et Ali Boumendjel, avocat militant officiellement reconnu martyr de la bataille d’Alger.

Le déjeuner s’inscrit dans le cadre des recommandations du rapport Stora sur « la mémoire de la colonisation et la guerre d'Algérie », avec pour objectif de réconcilier la France et l’Algérie sur cette question toujours aussi sensible près de 60 ans après. Les discussions relatées par Le Monde sont certainement empreintes de bonne volonté, le chef d’Etat tenant des propos apaisants, dans un contexte ou le débat sociopolitique sur les Arabes et les musulmans en France est tendu : « Vous êtes une projection de la France, votre identité est une addition à la citoyenneté française. C’est une chance inouïe pour la France. »

Mais toujours selon le média, Macron a aussi exprimé sa pensée sur des autorités algériennes qu’il trouve assez peu collaboratives dans ce processus de réconciliation. Pour lui, l’histoire officielle aurait été « totalement réécrite » sur la base de poncifs haineux envers son pays. Il va même affirmer que « la nation algérienne, son système politico-militaire, s’est construit sur une rente mémorielle qui dit que la France est l’essentiel du problème », et craindre que cela éloigne les deux peuples.

Le président français met également en doute l’existence d’une « nation algérienne avant la colonisation française (1830, Ndlr.) », se référant à la présence ottomane antérieure. Il s’est dit fasciné par « la capacité de la Turquie à faire totalement oublier son rôle et la domination qu’elle a eue en Algérie. Et d’expliquer, qu’on (la France, Ndlr.) est les seuls colonisateurs ».

Des propos qui ont déclenché un véritable tollé côté algérien.

Non-ingérence et crise diplomatique

Mardi dernier, le gouvernement français annonçait la réduction des visas accordés à l’Algérie, au Maroc et à la Tunisie, pour refus d’établir les laissez- passer consulaires nécessaires au rapatriement de leurs immigrés illégaux dans l’Hexagone. Des protestations formelles avaient été émises à l’ambassade de France près Alger. Avec ces révélations, c’est Mohamed Antar-Daoud, l’ambassadeur algérien en France, qui a été rappelé.

Via un communiqué le samedi 2 octobre, la présidence algérienne a exprimé son « rejet catégorique de l’ingérence inadmissible dans les affaires intérieures de l’Algérie que constituent, les propos non démentis que plusieurs sources françaises ont attribués nommément au Président de la République française ». Il s’agit pour elle d’une « atteinte intolérable à la mémoire des 5,63 millions de valeureux martyrs qui ont sacrifié leurs vies dans leur résistance héroïque à l’invasion coloniale française ainsi que dans la glorieuse Révolution de libération nationale ».

Alger poursuit en martelant que « les innombrables crimes de la France coloniale et le génocide contre le peuple algérien - qui n'est pas reconnu par la France - ne peuvent faire l'objet de manœuvres offensantes ». Pour le pouvoir algérien, les appréciations du chef d’Etat français sont « approximatives, superficielles et tendancieuses », et « relèvent d’une conception hégémonique éculée des relations entre Etats ».

Le communiqué déclare aussi que « cette malencontreuse intervention heurte fondamentalement les principes devant présider à une éventuelle coopération algéro-française en matière de mémoire », et que « rien ni personne ne peut absoudre les puissances coloniales de leurs crimes, y compris les massacres du 17 octobre à Paris dont l’Algérie et sa communauté établie en France s’apprêtent à commémorer dans la dignité ».

De plus, aujourd’hui dimanche 03 octobre, l’Algérie a interdit aux avions français de la force Barkhane de pénétrer son espace aérien.

Une indignation générale

La classe politique algérienne a, dans sa globalité, condamné les paroles du président Macron, qu’elle considère comme une manœuvre de séduction des français à l’approche des élections.

Le Front El Moustakbal les considère comme le signe d’une « véritable immaturité politique », tandis que le National Construction Movement les attribue à une « hystérie électorale ». Le Mouvement El-Bina condamne fermement « l'exploitation politique de la communauté algérienne dans les campagnes électorales ».

Même son de cloche dans la presse locale, avec El Watan qui titre « Le dérapage d’Emmanuel Macron », et Echorouk pour qui « Macron réduit à néant les efforts de relations algéro-françaises ». « L’inacceptable ! » affiche l’Expression à propos de la « Violente attaque du président français contre les responsables algériens » tandis que pour Liberté, il s’agit d’une « Crise ouverte ».

« Macron attise les tensions » (Le Soir d’Algérie), « Des propos irresponsables de Macron » (El Moudjahid) et « Macron couvre ‘’les défaites de la France’’ en sacrifiant l’histoire » (Al-Shaab), sont entre autres des titres notoires des médias algériens.

Feriol Bewa

Fériol BEWA
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