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Politiciens corrompus, gangs, trafics : l’or du Zimbabwe ne profite pas au pays

  • Date de création: 11 décembre 2020 16:57

(Agence Ecofin) - Malgré l’éviction du président Mugabe en 2017, le Zimbabwe est toujours englué dans des difficultés économiques. Les gisements d’or du pays pourraient contribuer à améliorer considérablement la situation, mais des problèmes comme la corruption, la contrebande, la violence dans les mines et un manque général d’organisation de l’exploitation artisanale compromettent l’avenir. Dans un rapport paru le 24 novembre 2020, l’ONG International Crisis Group pointe du doigt l’anarchie qui règne dans le secteur aurifère zimbabwéen et qui fait perdre des millions de dollars à l’Etat.

Au Zimbabwe, le secteur aurifère est un difficile ménage à trois entre compagnies minières, mineurs artisanaux et groupes armés. Alors que les premiers voient régulièrement leurs propriétés envahies par les orpailleurs, on assiste depuis 2019 à un regain des attaques de gangs sur les sites miniers, faisant des centaines de morts.

On assiste depuis 2019 à un regain des attaques de gangs sur les sites miniers, faisant des centaines de morts.

Si ce phénomène de violence remonte aux années 1990, sa nouvelle ampleur a poussé le gouvernement, sous la pression des médias et des organisations de la société civile, à prendre des mesures pour l’endiguer. Ainsi, l’Etat a procédé entre mars 2019 et février 2020 à des milliers d’arrestations (entre 6000 et 8000), une répression qui continue jusqu’à aujourd’hui.

1 POliceLa police ne fait pas de distinction entre les gangs et les orpailleurs non violents.

Seulement, selon l’International Crisis Group (ICG), la police n’arrête pas que les auteurs de violences, elle les confond largement avec des orpailleurs non violents. Le phénomène n’est pas près d’être jugulé s'il continue d’être encouragé par les politiciens.

L’échec du système de centralisation des achats d’or

Les compagnies minières actives au Zimbabwe n’exportent pas elles-mêmes l’or qu’elles produisent. Le pays a mis en place un mécanisme qui les oblige à vendre leur production d’or à l’Etat.  En contrepartie, elles perçoivent 70% de la valeur de l’or en dollar américain, et les 30% restants en monnaie locale. Ce système a souvent été pointé du doigt par les mineurs qui estiment qu’il ne favorise pas la disponibilité des capitaux nécessaires au développement des projets.

Le pays a mis en place un mécanisme qui les oblige à vendre leur production d’or à l’Etat.  En contrepartie, elles perçoivent 70% de la valeur de l’or en dollar américain, et les 30% restants en monnaie locale.

« La capacité à gérer les ventes d’or est essentielle pour une entreprise comme la nôtre […]. C’est une question qui devrait d’abord être clarifiée pour que l’on puisse acheter des actifs et construire des mines », a déclaré à Bloomberg en novembre dernier Clive Johnson, PDG de B2Gold. De son côté, Steve Curtis, patron de Caledonia Mining, une société active sur l’or de Blanket, au Zimbabwe, pousse également pour la fin de la réglementation, indiquant que « le niveau des investissements va sans aucun doute augmenter », une fois que les compagnies seront autorisées à exporter elles-mêmes leur production.

2 circuitLes circuits clandestins d’exportation visent principalement les Emirats arabes unis.

Selon l’ICG, la volonté manifeste du Zimbabwe de contrôler les exportations d’or ne fait pas que bloquer les investissements. Elle fait perdre plus de 1,5 milliard $ chaque année à l’Etat et est une des principales causes des problèmes du secteur aurifère du pays, y compris les violences des gangs. En effet, apprend-on, Fidelity Printers & Refiners, l’organisme qui achète l’or chez les compagnies, impose un taux minimal pour les achats, ce qui exclut nombre de petits mineurs. Il ne paie également pas à temps les vendeurs et ne pratique pas les prix officiels du marché pour les mineurs à petite échelle. De plus, les compagnies doivent recevoir une partie du prix de vente de leur production en dollar zimbabwéen, une devise très faible. Tout cela alimenterait la contrebande du métal jaune, les produits trouvant des circuits clandestins d’exportation, principalement vers les Emirats arabes unis.

Tout cela alimenterait la contrebande du métal jaune, les produits trouvant des circuits clandestins d’exportation, principalement vers les Emirats arabes unis.

En outre, les mines industrielles qui ont été fermées, parce que certaines compagnies minières ne supportent plus d’être sous-payées, deviennent les cibles des intrusions des mineurs artisanaux.

Ni Dieu ni maître

Malgré les permis miniers en règle détenus par plusieurs sociétés minières, elles n’arrivent guère à empêcher les intrusions d’orpailleurs ou de gangs armés de machettes. Le rapport de Crisis Group explique que les invasions illégales des sites miniers se font parfois avec la connivence d’acteurs politiques liés à la ZANU-PF, le parti au pouvoir.

3 macheteLes « machete gangs » généralement soutenus par des politiciens corrompus.

Ainsi, des gangs ayant l’aval d’un parrain, député ou membre influent du parti, s’opposent aux sociétés minières soutenues par un autre leader politique qui est également membre de la majorité ou alors de l’opposition. Dans un tel contexte, la police est priée de rester sourde et aveugle aux demandes des victimes, d’autant plus qu’elle-même profite régulièrement des largesses de l’une ou l’autre des parties.

Dans un tel contexte, la police est priée de rester sourde et aveugle aux demandes des victimes, d’autant plus qu’elle-même profite régulièrement des largesses de l’une ou l’autre des parties.

A tout cela s’ajoute l’absence d’une législation minière encadrant l’exploitation artisanale, vide juridique dans lequel s’engouffre chacun des acteurs impliqués pour faire fi des décisions de justice. Parmi les trois projets identifiés par les auteurs du rapport comme symptomatiques de l’absence de règles dans l’industrie aurifère au Zimbabwe, la mine d’or Gaika illustre parfaitement le phénomène. La société Duration Gold détient un permis d’exploration sur le projet, mais a été confrontée à un afflux de mineurs artisanaux en février 2018. Soutenus notamment par Vongai Mupereri, ancien député et toujours membre influent de la ZANU-PF, ils prétendent que le projet est inexploité et leur appartient de fait. Malgré les différentes décisions des tribunaux dès 2018, dont un mandat d’arrêt contre Mupereri (toujours libre), ce n’est que l’année dernière que les orpailleurs ont été expulsés. 

Urgence et nécessité

Le secteur aurifère zimbabwéen est dans un véritable bourbier. Le gouvernement Mnangagwa doit agir en urgence s’il veut résoudre le problème et stopper les violences qui coûtent la vie à des centaines de Zimbabwéens. Selon Crisis Group, l’axe des réformes devrait être le contrôle et l’instauration d’un cadre légal pour l’exploitation minière artisanale.

4 presidentLe président Mnangagwa a fort à faire pour assainir les pratiques du secteur.

L’organisation propose ainsi à l’Etat de réviser la charte minière pour donner aux coopératives minières artisanales un statut légal. Encadrer ce secteur revient également à financer de manière adéquate la branche du ministère des Mines en charge du secteur artisanal. Il devrait également essayer des formes alternatives de résolution des conflits miniers, soutenues par une application policière fiable, et compléter le système de cadastre numérique qui délimite les concessions minières.

En outre, à défaut de permettre aux compagnies minières d’exporter elles-mêmes leur production, un bon début serait que l’Etat commence par payer l’or qu’il achète, dans les délais et aux prix en vigueur sur le marché mondial.

En outre, à défaut de permettre aux compagnies minières d’exporter elles-mêmes leur production, un bon début serait que l’Etat commence par payer l’or qu’il achète, dans les délais et aux prix en vigueur sur le marché mondial.

La lutte contre la corruption qui favorise l’ingérence des politiciens de tout bord dans la gestion du secteur aurifère, ainsi qu’une coopération entre les compagnies minières et les mineurs artisanaux font également partie des propositions de l’ONG. Concernant ce dernier point, Crisis Group indique que cela aiderait les sociétés minières à éviter de coûteuses interruptions de production et leur permettrait d’exploiter des minéraux dont le coût d’extraction par des moyens industriels peut parfois être prohibitif.

Il faudra beaucoup de temps pour assainir l’héritage laissé par Mugabe

L’Etat zimbabwéen veut, d’ici 2023, quadrupler à 12 milliards $, les revenus annuels d’exportation que génère le secteur minier. Selon ses plans, d’ici cette échéance, l’or, le deuxième produit d’exportation, devrait générer annuellement 4 milliards de dollars et le platine 3 milliards de dollars. La production de diamants devrait passer de 3,2 millions de carats en 2018 à 11 millions de carats par an.

Si le gouvernement Mnangagwa a vite compris l’importance que peut avoir le secteur minier dans la résolution des problèmes économiques, la réalisation de ces objectifs sera plus difficile. L’héritage laissé par le défunt Mugabe est empoisonné avec un système élaboré de corruption longtemps dénoncé par les ONG, et il faudra beaucoup de temps et d’efforts pour renverser la tendance.

Il est vrai que depuis son arrivée au pouvoir, le président Mnangagwa s’y attèle petit à petit. Il a ainsi signé plusieurs importants accords de développement avec des compagnies minières étrangères dans les secteurs du platine et du diamant. Toutefois, les actions sont encore trop timides et il faudra réviser la législation minière pour attirer davantage d’investissements dans le secteur, notamment celui de l’or. Ce dernier fait en effet partie des rares métaux dont le prix n’a pas chuté pendant la pandémie de Covid-19 et des réformes dans ce secteur sont plus que jamais nécessaires si Harare veut tirer plein profit des richesses de son sous-sol.

 

Louis-Nino Kansoun

Louis Nino Kansoun

 


 
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