(Agence Ecofin) - Le 25 janvier 2018 à Casablanca, la plateforme de promotion des start-up, start-up Info décernait à Semoa Togo, la jeune pousse togolaise spécialisée dans les solutions de paiement en espèces via des outils digitaux, le prix « Fintech Africa of the Year 2018 ».
Derrière cette consécration qui marque un autre virage dans l’aventure Semoa, ce sont les efforts d’Edem Adjamagbo (photo) et sa bande, qui sont couronnés.
L’ingénieur en Business Intelligence, CEO et Founder de Semoa Group, semble surfer sur une vision marquée du service mobile en Afrique. Le message est, on ne peut plus clair : insuffler une nouvelle dynamique à l’inclusion financière en Afrique subsaharienne en s’appuyant sur les technologies d’aujourd’hui et de demain.
Dans une approche volontariste, celui qui porte l’ambition de permettre à la Diaspora africaine de garder le contact avec ses proches, s’est confié à Togo First.
Togo First (TF) : Pour ceux qui ne vous connaissent pas : Qu'est-ce que c’est que Semoa Togo ?
Edem Adjamagbo (ED) : Semoa Togo est une start-up qui crée et déploie des solutions à destination des particuliers et des entreprises en matière de paiement et d’accès à des services dématérialisés.
Parmi les services que nous adressons aux particuliers et aux entreprises, nous développons actuellement le CashPay : une plateforme de paiement pour la vente en ligne. Le client commande sur un site marchand ayant installé notre solution et paye en espèces dans un point relais équipé d’une borne automatique de paiement Semoa-Kiosk.
Semoa-Kiosk est un réseau de bornes automatiques de paiements que nous déployons au sein des points relais. Elles ont vocation à décentraliser un certain nombre de services pour lesquels, il faut encore faire de longues queues. Payer sa facture d’électricité par exemple.
Semoa Group, c’est cinq emplois créés entre 2017 et 2018 au Togo, douze de plus prévus en 2018 à Lomé et sept en France.
Notre objectif affiché, c’est de devenir d’ici deux ans, le PayPal de l’Afrique.
Togo First : Comment vous est venue l’idée de lancer une fintech ?
ED : Lors d’un voyage en Ukraine, j’ai découvert que l’achat de crédit de communication s’y faisait depuis une borne et non, comme c’est le cas au Togo, en grattant des recharges téléphoniques en papier.
A l’époque, j’étais en fin de parcours à Polytech Nantes pour devenir ingénieur en Informatique décisionnelle. Dès mon retour en France, je me suis donc inspiré de cette découverte et ai entamé le développement du site Semoa-Togo qui permet d’acheter et d’envoyer du crédit en ligne, donc sans avoir besoin de se déplacer.
Au bout de quelques jours, nous avions nos premiers clients, principalement des personnes de la diaspora qui pouvaient enfin envoyer du crédit à leurs proches restés au pays.
Très vite, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des opportunités uniques d’innovation en Afrique offertes par le mobile
Très vite, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des opportunités uniques d’innovation en Afrique offertes par le mobile. Nous avons donc commencé à développer de nouvelles solutions notamment Cashpay, supporté par Semoa-Kiosks, notre solution qui permet aux populations africaines de payer des transactions en ligne, notamment auprès des e-commerces, avec leur moyen de paiement privilégié : le cash.
Togo First : Comment voyez-vous l’évolution des technologies financières en Afrique subsaharienne plus particulièrement au Togo ? Sommes-nous témoins d’une transformation imparable du secteur financier classique ?
ED : En Afrique, on assiste aujourd'hui à un véritable saut en avant dans le secteur de la finance. Le nombre de start-up augmente d’années en années, attirant de plus en plus les investissements étrangers. La plupart du temps, il s’agit d’innovations qui, en s’appuyant sur le mobile, répondent à des problématiques propres à l’Afrique et aux pays en développement.
Avec la fintech et notamment les solutions du type mobile money, on assiste à la proposition d’alternative aux méthodes traditionnelles qui n’ont pas su convaincre (la banque traditionnelle). Ainsi, par exemple, le mobile banking et le mobile money offrent une solution aux 93% d’Africains ne possédant pas de carte bancaire.
Il est donc nécessaire de proposer des solutions qui font la part des choses entre le « tout numérique » et le « paiement en espèces », un peu comme le fait Semoa avec Cashpay et les Semoa-Kiosks.
Néanmoins, il faut rester pragmatique et tenir compte du fait que même dans des pays comme le Kenya, très avancé en la matière, les transactions en espèces représentent toujours plus de 90% du total, comme le soulignait récemment Bob Collymore, le CEO de Safaricom, société mère de M-Pesa.
Il est donc nécessaire de proposer des solutions qui font la part des choses entre le « tout numérique » et le « paiement en espèces », un peu comme le fait Semoa avec Cashpay et les Semoa-Kiosks.
En tout cas, une chose est sûre, le numérique est aujourd’hui en Afrique la locomotive du changement et nos innovations font parler d’elles dans le monde entier du fait de leur extrême simplicité.
Togo First : Ce n’est certainement pas simple de monter une start-up. Avoir une bonne idée, c’est bien ; mais c’est autre chose de la mettre en œuvre. Après seulement trois années d’activités, vous décrochez le 25 janvier dernier à Casablanca, votre premier prix à l’international, la fameuse start-up of the year Africa ! Concrètement, qu’avez-vous fait pour en arriver là ?
ED : L’aventure Semoa a démarré en 2012 et ceux qui nous suivent depuis le début savent que tout n’a pas toujours été rose. Je dirai que notre force a été d’avoir pivoté lorsqu'il le fallait. En effet, une erreur que beaucoup d’entrepreneurs font est de vouloir imposer leur idée au marché. Très vite, nous avons compris qu’il faut avant tout chercher à répondre aux besoins du marché avec des solutions innovantes certes, mais surtout innover en tenant compte du contexte socio-économique du marché, cela encore plus lorsqu’on entreprend en Afrique.
Au-delà de cette capacité à changer de proposition de valeur lorsque cela s’imposait, ce sont toutes les ressources humaines et plus spécifiquement la motivation et le sérieux des équipes Semoa à Lomé et à Nantes qui nous ont permis de remporter ce prix à Casablanca.
C’est grâce à trois années de R&D (ndlr : Recherche et Développement), l’accompagnement de structures comme le Village Innovation du Crédit Agricole à Nantes, la confiance de nos clients et tous nos autres soutiens et partenaires, qu’aujourd’hui, nous sommes en capacité de prétendre participer à la construction de l’Afrique à travers nos solutions.
Togo First : Semoa Togo est en train de déployer des bornes pour permettre aux populations de pouvoir payer en ligne avec du cash. Comment financez-vous tous ces chantiers ?
ED : Premièrement grâce à de la prestation de services. En effet, comme de nombreuses start-up, nous avons vendu des services de développement web pour financer une partie des salaires.
Ensuite, nous avons fait un premier tour de table en novembre 2017, au terme duquel, six Business Angels nous ont permis d’avoir de la visibilité sur 2018.
En effet, comme de nombreuses start-up, nous avons vendu des services de développement web pour financer une partie des salaires.
Néanmoins, cela ne suffira pas à couvrir toutes nos dépenses. Raison pour laquelle nous envisageons une campagne de crowdfunding, mais surtout préparons un second tour de table auprès des investisseurs, d’ici la fin de l’année. L’objectif sera cette fois-ci de 1,3 million d’euros, de quoi financer le déploiement de 25 bornes Semoa en 2018 et d’une centaine de bornes entre 2019 et 2020 dans d’autres pays de la sous-région et surtout, de créer au total 25 emplois entre la France et le Togo.
Notre souhait est d’identifier et de proposer à des Business Angels de la diaspora d’investir, non pas dans un produit financier, mais dans une start-up qui veut donner du sens à ses actions et ainsi contribuer au développement socio-économique de l’Afrique.
Togo First : Si vous devriez changer quelque chose dans tout ce qui a été fait, par quoi commenceriez-vous ?
ED : Je pense que la première chose à faire pour un entrepreneur c’est de sortir de sa zone de confort. C’est d’aller confronter ses idées auprès de ses pairs, de structures d’accompagnement qui permettront de faire mûrir le projet.
C’est quelque chose qui est arrivé très tard dans l’histoire de Semoa car c’est après trois ans de R&D que nous avons décidé d’intégrer l’accélérateur du Crédit Agricole à Nantes.
Donc si je devais relancer une nouvelle aventure, l’une des premières choses serait de m’entourer de gens convaincus par la pertinence du projet ; ne pas travailler seul et se faire accompagner.
Togo First : …Et si on vous donnait le pouvoir politique, que changeriez-vous?
La suite de l’entretien sur Togo First
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