Potentiel minier sous-exploité (3e partie) : le cas du Cameroun

(Ecofin Hebdo) - Ils disposent d’un sous-sol assez riche, hébergeant d’immenses ressources minérales, mais leurs secteurs miniers ne contribuent encore que faiblement (ou pas du tout) à l’économie. Entre le manque de volonté politique et l’absence de mesures efficaces pour attirer les investisseurs, nombreux sont ces pays africains qui n’arrivent toujours pas à valoriser leur important potentiel minier. Ce troisième épisode de la série s’intéresse au Cameroun, un pays où l’Etat n’arrive pas encore à véritablement maitriser un secteur au potentiel immense, mais englué en grande partie dans l’informel et la clandestinité.

 

Le potentiel immense du sous-sol camerounais

Au Cameroun, deux gisements d’envergure suscitent actuellement un intérêt particulier vu leur potentiel, les gisements de bauxite de Minim-Martap et Ngaoundal.  En février dernier, la junior minière australienne Canyon Resources a publié les résultats de la dernière phase de recherche de son projet qui lui a permis d’identifier 65 plateaux bauxitiques supplémentaires (portant le total à 79). En analysant seulement 16 des 79 cibles, le potentiel du projet est estimé à 892 millions de tonnes, dont 250 millions à « très haute teneur », idéales pour la production de l’aluminium.

1Akonolinga pont sur le nyong

Akonolinga, l’un des plus importants gisements de rutile au monde.

 

Mieux, à en croire la société, l’analyse des cibles restantes devrait porter le potentiel du gisement à environ 2 milliards de tonnes de bauxite, ce qui en ferait « probablement le plus grand gisement du monde, en quantité et qualité ».

Mieux, à en croire la société, l’analyse des cibles restantes devrait porter le potentiel du gisement à environ 2 milliards de tonnes de bauxite, ce qui en ferait « probablement le plus grand gisement du monde, en quantité et qualité ».

Si les activités de Canyon Resources, à elles seules, ont le potentiel de propulser le Cameroun au rang des grands acteurs mondiaux de la bauxite, c’est dire l’immense richesse du sous-sol du pays. Les ressources minières de cet Etat d’Afrique centrale vont des métaux de base (fer, cuivre, etc.) aux métaux précieux.

2 canyon resources bauxite a tres haute teneur sur le gisement de minim martap L

Minim-Martap (bauxite) , « probablement le plus grand gisement du monde, en quantité et qualité ».

 

Dans le sous-secteur du minerai de fer, par exemple, l’un des plus grands gisements, celui de Nkout, héberge selon les estimations actuelles une ressource de 2 milliards de tonnes, extensible à 4 milliards de tonnes. Dans le même temps, le projet Mbalam-Nabeda (à cheval sur le Cameroun et le Congo), piloté par Sundance Resources, aurait la capacité de produire annuellement 40 millions de tonnes de minerai de fer sur 12 ans, dans sa première phase de développement.

En ce qui concerne le diamant, le site le plus connu est celui de Mobilong, situé dans la commune de Yokadouma, dans l’Est du Cameroun. Il abrite selon une évaluation de la compagnie minière C&K Mining, une ressource de 420 millions de carats, ce qui en ferait l’un des plus grands gisements diamantifères au monde. Une réévaluation indépendante est attendue afin de confirmer le réel potentiel de ce projet. En outre, le Cameroun hébergerait selon les données officielles près de 3 millions de tonnes de rutile, dont 500 000 tonnes situées à Akonolinga, soit la deuxième réserve mondiale derrière la Sierra Leone.

En outre, le Cameroun hébergerait selon les données officielles près de 3 millions de tonnes de rutile, dont 500 000 tonnes situées à Akonolinga, soit la deuxième réserve mondiale derrière la Sierra Leone.

A ces ressources, il faut ajouter les gisements d’or situés, pour la plupart, dans les régions du Sud et de l’Est et l’uranium à Poli et Lolodorf.

 

Des richesses confirmées avec l’appui de la Banque mondiale

De 1960 à 1990, le gouvernement camerounais, en partenariat avec les instances de renommée internationale comme le Pnud et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), a mené des études pour retracer le potentiel minier camerounais. Toutefois, jusqu’en 2011, à peine 40% du territoire a fait l’objet d’une exploration.

3Calistus Gentry

Calistus Gentry : « On a mis en évidence plus de 300 nouveaux gisements dans 5 régions. »

 

Grâce à l’appui de la Banque mondiale au Projet de renforcement des capacités du secteur minier (Precasem), une campagne de levés géophysiques aéroportés, menée entre 2014 et 2019, a permis d’identifier jusqu’à 500 nouveaux sites vierges. Ces sites miniers couvrent une superficie totale de 160 000 km² et se concentrent dans cinq régions du pays, à savoir : l’Est, l’Ouest, l’Adamaoua, le Nord et le Centre. Les minéraux varient de l’or aux terres rares, en passant par les métaux de base et l’uranium.

« Après cinq ans d’études, avec l’appui de la Banque mondiale, on a mis en évidence plus de 300 nouveaux gisements dans 5 régions […] Le cuivre, l’or hors de la région de l’Est, l’uranium, le plomb, le zinc, en particulier les terres rares », a commenté en juin dernier Calistus Gentry, secrétaire d’Etat au ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique.

 

Une contribution encore négligeable à l’économie

Si le potentiel du sous-sol camerounais ne fait plus aucun doute, il est tout à fait légitime de s’interroger sur l’absence du Cameroun lorsqu’il s’agit d’évoquer les grands pays miniers africains. Plus étonnant, malgré l’énorme potentiel susévoqué, le secteur minier ne contribue encore que très faiblement à l’économie.

Dans son rapport publié en février dernier pour le compte de l’année 2017, l’Industrie pour la transparence des industries extractives (Itie) a indiqué que sur les 624,44 milliards FCFA de paiements effectués par les entreprises extractives, seulement 1,40 % est à mettre à l’actif des Mines et Carrières. De plus, sur les 441,97 milliards FCFA de recettes budgétaires générées par le secteur extractif, les Mines et Carrières n’ont contribué que pour 0,83% pendant que 92% proviennent des Hydrocarbures.

S’il faut noter que le Cameroun produit et exporte de l’or et du diamant, le secteur minier n’a contribué qu’à hauteur de 0,11% au PIB nominal, 0,01% à l’exportation et 0,21% à l’emploi.

S’il faut noter que le Cameroun produit et exporte de l’or et du diamant, le secteur minier n’a contribué qu’à hauteur de 0,11% au PIB nominal, 0,01% à l’exportation et 0,21% à l’emploi. Il est intéressant de souligner que tout le secteur extractif a contribué en 2017 au PIB à hauteur de 3,33%. 

Alors que ces chiffres de l’Itie comptent pour l’année 2017, il est peu évident que la situation ait évolué depuis. En effet, malgré les grandes activités d’exploration en cours dans le pays, aucun projet minier n’est entré en exploitation dans l’intervalle.

 

L’épineuse question de l’exploitation artisanale 

L’une des raisons qui justifie le faible apport du secteur minier à l’économie camerounaise est sans doute le manque de cadre formel dans l’extraction des ressources. Le secteur est encore fortement dominé par les petits mineurs et ces derniers, surtout présents dans l’extraction de l’or (dans l’Est) et du diamant, échappent toujours à tout contrôle malgré les efforts du gouvernement pour maitriser la production, mais surtout la commercialisation.

« Depuis plusieurs années, il règne dans le secteur minier à l’Est, une sorte d’anarchie qui a un impact sur la contribution de ce secteur dans l’économie nationale », a déclaré en 2016 l’ancien ministre des Mines, Ernest Gwaboubou.

« Depuis plusieurs années, il règne dans le secteur minier à l’Est, une sorte d’anarchie qui a un impact sur la contribution de ce secteur dans l’économie nationale », a déclaré en 2016 l’ancien ministre des Mines, Ernest Gwaboubou.

Pour illustrer cette anarchie, citons le secrétaire permanent du Processus de Kimberley au Cameroun, Daniel Mackaire Eloung Nna, qui indique que les artisans miniers installés le long de la frontière avec la Centrafrique produisent environ 5000 carats de diamants chaque année alors que les exportations de diamants du Cameroun pour l’année 2019 étaient de seulement 654,6 carats. En dépit des mesures prises par les autorités, la production est difficilement intégrée dans les circuits formels, à cause non seulement de la porosité des frontières, mais aussi des trafiquants qui alimentent les circuits informels.

4Ernest Gwaboubou

Ernest Gwaboubou : « Seuls 10% de la production minière artisanale sont canalisés dans les circuits formels.»

 

« Nous avons constaté que seuls 10% de la production minière artisanale sont canalisés dans les circuits formels de l’économie nationale. Le reste est distrait dans les circuits clandestins et les réseaux de blanchiment d’argent sans paiement des taxes et sans retombées pour l’Etat et la population concernée », concluait M. Gwaboubou.

 

Le meilleur reste à venir…

Le secteur minier camerounais est malade, et le soigner boosterait l’économie du pays. Malgré tout le lot de problèmes et de défis que le gouvernement devra relever, il y a de quoi espérer un avenir radieux. En effet, les compagnies minières sont de plus en plus attirées par le potentiel du pays et les diverses licences d’exploration qu’elles détiennent actuellement pourraient bientôt aboutir à des permis d’exploitation minière.

Malgré tout le lot de problèmes et de défis que le gouvernement devra relever, il y a de quoi espérer un avenir radieux.

Outre la société Codias SA qui doit développer la petite mine d'or de Colomine dans l’Est du pays, la compagnie minière Oriole Resources s’active sur les projets aurifères Bibemi et Wapouzé. De son côté, la société française Eramet explore les blocs de rutile du Cameroun notamment à Akonolinga, dans la région du Centre. Parallèlement, les grands projets en cours pourraient se concrétiser bientôt, Canyon Resources tablant par exemple sur 2022 pour le démarrage de l’exploitation de bauxite sur son gisement de Minim-Martap.

L’Etat camerounais semble déterminé à exploiter ses ressources minières pour atteindre le statut de pays émergent en 2035, comme indiqué dans son Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). Les orientations fondamentales de sa politique visent ainsi une meilleure valorisation des richesses minières du pays, à travers le renforcement des capacités des artisans miniers et l’appel à la collaboration avec les investisseurs directs étrangers. Si le gouvernement arrive à éliminer les obstacles qui se dressent sur son chemin, il pourra atteindre cet objectif et, un jour, faire des Mines et Carrières un des piliers de son économie.

Louis-Nino Kansoun

Louis Nino Kansoun

 

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