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En RDC, l'exploitation minière artisanale et à petite échelle contribue de 15 à 30 % de la production de cobalt (Rapport)

  • Date de création: 28 février 2023 07:28

(Agence Ecofin) - Le Geneva Center for Business and Human Rights estime que les multinationales utilisatrices de cobalt, en particulier les fabricants d’électronique grand public et de véhicules électriques, devraient encourager la formalisation de l’exploitation minière artisanale en RDC au lieu d’éviter d’acheter le métal issu de cette activité.

L’exploitation minière artisanale et à petite échelle (Artisanal small-scale mining/ASM) contribue à hauteur de 15 à 30 % à la production de cobalt en République démocratique du Congo, selon un rapport publié le 8 février par le Geneva Center for Business and Human Rights (GCBHR), un centre de recherche rattaché à l'École d'économie et de gestion de Genève.

Le rapport souligne que l’ASM constitue désormais une réalité commerciale dans ce pays d’Afrique centrale, qui fournit plus de 70% du cobalt utilisé dans les batteries rechargeables à travers le monde.

En RDC, l'exploitation minière artisanale et à petite échelle représente en effet plus de 10% de la production mondiale de cobalt, ce qui en fait le deuxième plus grand fournisseur de ce métal à l’échelle planétaire, derrière l’exploitation minière industrielle à grande échelle dans ce même pays.

L’ASM offre également des opportunités d’emploi à des centaines de milliers de mineurs en RDC et nourrit des millions de personnes. En réalité, elle génère beaucoup plus d’emplois que l’exploitation minière à grande échelle, qui fait largement appel à des machines plutôt qu’à des humains. Mais de nombreuses entreprises utilisatrices de cobalt évitent de s’approvisionner en ce métal produit par des mineurs artisanaux pour ne pas encourager le manque de respect des règles de sécurité et le travail des enfants dans les mines.

Le Geneva Center for Business and Human Rights estime cependant qu’au regard du rôle central que joue l’exploitation minière artisanale dans la production de cobalt en RDC le fait d’éviter l’achat du métal issu de cette activité revient à nier les réalités du marché. 

Le centre de recherche, qui s’efforce d’identifier des modèles d'affaires alliant bénéfices et respect des droits humains, estime que les multinationales achetant du cobalt doivent encourager la formalisation de l’exploitation minière artisanale en RDC. D’autant plus que la demande mondiale de cobalt devrait se multiplier par quatre d’ici 2030 et que seul ce pays dispose des ressources et des capacités de production nécessaires pour répondre à l’essentiel de cette demande.

La formalisation de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle consiste à faire entrer les activités informelles rémunératrices de l’exploitation minière artisanale dans le secteur formel en fixant et en appliquant des normes fondamentales en matière de droits humains pour le processus d’extraction.

Des résultats très encourageants obtenus sur le site de Mutoshi

Le rapport indique dans ce cadre qu’un projet pilote de formalisation de l’exploitation artisanale du cobalt mené de 2018 à début 2020 sur un site appelé Mutoshi, dans la province de Lualaba, dans le Sud de la RDC, a eu des résultats très encourageants. Ce projet a été lancé par une coalition comprenant des agences du gouvernement national et provincial de la RDC, Chemaf, une société minière basée à Dubaï et Trafigura, un négociant de matières premières qui achète du cuivre et du cobalt à Chemaf et Comiakol, une coopérative minière congolaise active sur la concession de Mutoshi.

La clé du succès de l’expérience de formalisation de Mutoshi a été l’utilisation d’une méthode d’extraction semi-automatisée : le concessionnaire minier Chemaf a utilisé des machines d’excavation pour créer des fosses ouvertes peu profondes où les mineurs artisanaux pouvaient chercher le minerai de cobalt. L’extraction du cobalt à partir de fosses ouvertes a considérablement amélioré la productivité et réduit le risque d’accidents graves.

Le projet de formalisation a également amélioré la sécurité des mineurs d’autres manières. Une importante clôture de sécurité combinée à l’utilisation de cartes d’identité spéciales a limité l’accès à 5000 mineurs enregistrés par jour. Les contrôles d’entrée garantissaient que les enfants, les femmes enceintes et les personnes sous l’emprise de l’alcool n’aient pas accès au site. Tous les mineurs devaient porter des bottes, des uniformes, des gants et des casques, fournis par Chemaf.

Ainsi, aucun accident entraînant un arrêt de travail et ou un décès lié à l’exploitation minière artisanale n’a été enregistré sur le site pendant environ deux ans. Dans le même temps, la productivité a augmenté, tirant les revenus des mineurs vers le haut.

La pleine intégration des femmes dans l’exploitation minière artisanale fut un élément clé de la formalisation à Mutoshi. En effet, les femmes ne sont habituellement pas autorisées à travailler dans les mines en RDC, notamment en raison de l’attachement de certains hommes à un mythe culturel selon lequel elles porteraient malheur. Cette superstition a cependant perdu de son ampleur après avoir été abordée par la formation qui a accompagné la formalisation. Le revenu supplémentaire que les femmes gagnaient permettait aux familles de financer la scolarisation d’un plus grand nombre de leurs enfants plutôt que de les envoyer travailler dans les mines de cobalt.

Chemaf, Trafigura et les autres partenaires du processus de formalisation ont mis fin au projet pilote en mars 2020, en raison de la pandémie de Covid-19. L’exploitation minière artisanale s’est poursuivie largement sans surveillance à Mutoshi. Conséquence : depuis la fin de la formalisation en mars 2020, il y a eu sept décès attribués au travail, la plupart liés aux constructions de tunnels sur le site.

Durant le programme pilote, Trafigura avait mis au point un accord exclusif d’« écoulement » en vertu duquel les mineurs artisanaux pouvaient vendre leur production directement à Chemaf, avec une transparence totale des prix.

Aujourd’hui, en revanche, les mineurs de Mutoshi ne peuvent vendre leur production de cobalt qu’au prix proposé par une entreprise intermédiaire chinoise active sur le site, mais qui n’a aucun lien commercial avec Chemaf. Ainsi, le revenu familial a baissé, et les enfants sont retournés sur le site minier.