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A Madagascar, la Chine est un acteur majeur de l’exploitation cachée des ressources naturelles (rapport)

  • Date de création: 05 décembre 2022 08:42

(Agence Ecofin) - Selon l’IFRI des opérateurs chinois sont omniprésents dans quatre secteurs extractifs clés pour l’économie malgache : pêche, bois, mine et hydrocarbures. Ils nouent des partenariats et des relations avec les cercles dirigeants politico-économiques locaux.

La Chine joue un rôle majeur dans l’économie informelle de l’exploitation des ressources naturelles à Madagascar et contribue ainsi à perpétuer « l’extractivisme caché », dont l’Etat insulaire de l’Océan indien peine à sortir depuis son indépendance, selon un rapport publié le 4 novembre par l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Intitulé « La Chine à Madagascar : entre opportunisme politique discret et trafics intenses », ce rapport précise que les opérateurs chinois sont actifs dans le secteur extractif malgache en partenariat avec des « oligarchies locales » et « dans une grande opacité ».

Notant que « la lutte pour le contrôle du commerce extérieur et des rentes substantielles liées à l’exportation des produits primaires est un moteur ancien de la formation de l’État et des élites à Madagascar », l’IFRI souligne que ces opérateurs originaires de l’empire du Milieu nouent des relations avec les cercles dirigeants politico-économiques. D’autant plus qu’ils sont très présents dans quatre secteurs extractifs clés pour l’économie malgache : la pêche, la foresterie, les mines et les hydrocarbures.

Le rapport révèle dans ce cadre que pas moins de 14 bateaux sous pavillon chinois ont pêché dans la zone économique exclusive (ZEE) de Madagascar entre janvier 2019 et mai 2021 pour alimenter de grandes unités de congélation croisant plus au large. Selon l’ONG Mongabay, les sociétés propriétaires de ces bateaux auraient reçu des autorisations gouvernementales dans des conditions jugées « insuffisamment transparentes ».

L’IFRI précise également que deux sociétés chinoises ont remporté en 2021 plus de la moitié des licences de chalutage de crevettes et autres fruits de mer dans les eaux côtières malgaches. L’une d’elles, Mada Fisheries, exploite huit bateaux dont trois ont été arrêtés dans les eaux gambiennes pour pêche illégale en 2020.

Ente 2012 et 2019, Madagascar a été de loin le premier pays africain exportateur de concombres de mer (40 % du total), suivi par les Seychelles (12 %), la Tanzanie (12 %) et le Mozambique (8 %). Durant la même période, Hong Kong et la Chine continentale ont représenté respectivement 63 % et 21 % des importations de ces invertébrés aquatiques. Mais « les différences entre les exportations déclarées par les pays africains exportateurs et les importations déclarées par Hong Kong sont énormes, ce qui reflète l’importance des exportations frauduleuses ».

L’IFRI indique d’autre part que 15 à 20 sociétés chinoises réalisent 95 % des achats de bois de rose à Madagascar, notant que les coupes massives d’arbres profitent peu aux populations locales impliquées étant donné que les profits sont concentrés en bout de chaîne.

Premier fournisseur et quatrième client

La Chine, premier importateur mondial de bois tropicaux (82% du total mondial en valeur en 2018), serait aussi l’une des principales destinations des exportations illégales de bois de rose malgache. « Les sources officielles (malgaches) indiquent que les exportations totales de bois vers la Chine atteignaient 647 000 dollars en 2020, ce qui paraît très faible. D’autant plus que Madagascar a été la première source mondiale d’exportations illégales de bois de rose saisies à l’étranger pendant la période de 2005 à 2015 (près de 4500 tonnes, soit plus de 54 % du total des saisies) », indique l’Institut.

Des entreprises chinoises sont également présentes dans le secteur minier à Madagascar, notamment la filière d’exportation de pierres précieuses et dans le domaine d’exploitation des terres rares. Créée en 2004, l’Association des entreprises chinoises à Madagascar (AECM) regroupe désormais une quarantaine d’entreprises dont la majorité œuvre dans le secteur minier et le BTP. En 2020, la Chine importait près du tiers en valeur des minerais exportés par Madagascar, dont le chrome, le zircon et le graphite.

En ce qui concerne les hydrocarbures, le rapport précise que la Chine a une activité de prospection pétrolière limitée, notant cependant que la nouvelle politique énergétique de Pékin appelle un intérêt accru pour les réserves de gaz naturel du canal du Mozambique, où un gisement estimé à 441 100 milliards m3 de gaz naturel et 13,77 milliards de barils de gaz naturel liquide, soit l’équivalent des réserves de la mer du Nord, a été découvert.

Ce gisement s’étendrait à Madagascar et aux Seychelles. Un rapport de China Geology paru en 2018 met d’ailleurs en avant un potentiel « énorme » de Madagascar en onshore et offshore.

Le rapport de l’IFRI note par ailleurs que la Chine occupe à Madagascar une place prépondérante parmi les exportateurs, tout en étant un importateur de second rang. Pékin est le premier fournisseur très diversifié de la Grande Île mais seulement son quatrième client, pour des produits essentiellement primaires. Sa politique de financement de projets d’infrastructure est modeste, comme ses investissements directs.

Sur un autre plan, l’IFRI estime que Madagascar est jusque-là à l’écart du « collier de perles » de ports utiles à la marine chinoise et joue pour l’instant un rôle limité dans la politique de sécurité régionale active de Pékin. Il estime cependant que l’intérêt stratégique croissant du canal du Mozambique est de nature à changer la donne. La réalisation du projet de construction du port en eaux profondes de Narindra, sur la côte ouest de Madagascar, constituerait en effet un tournant, compte tenu de son possible usage militaire. La vocation commerciale de ce port, qui a fait l’objet d’un accord signé en 2017 entre Pékin et Antananarivo, peine en effet à convaincre au regard de sa mauvaise desserte routière et de son éloignement des grands centres de consommation.