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Daniel Anicet Noah : « Le prime time en France est d’une extrême violence »

  • Date de création: 12 janvier 2015 11:53

(Agence Ecofin) - Au lendemain de l’attaque terroriste au journal Charlie Hebdo et des évènements qui ont suivi, le Camerounais, enseignant de journalisme, décrypte la présentation de l’information par les médias.

Agence Ecofin : Vous avez certainement été attentif au traitement que les médias ont réservé à l’actualité de ces derniers jours en France, notamment les attaques terroristes, une prise d’otages et l’action des forces de sécurité. Comment avez-vous apprécié la présentation des informations ?

Daniel Anicet Noah : Dans ce genre de situations de pratique professionnelle, nous sommes dans deux plateformes du journalisme. La plateforme de la production de l’information et la plateforme de la présentation de l’information. S’agissant de la production de l’information, nous sommes là dans le secteur du journalisme de crise c’est-à-dire un journalisme qui se pratique dans une situation de communication de crise. Les journalistes font du journalisme bien sûr, mais la communication est produite également par des sources d’information spéciales qui sont la police. Il y a deux catégories de journalistes. Ceux qui partent de la rédaction d’un journal donné. Ceux qu’on appelle les informés, c’est-à-dire qui sont à un moment donné en collaboration avec la police. Dans la situation de crise, l’essentiel des journalistes travaillent avec la police. En situation de guerre, un simple journaliste ne peut pas être en Irak ou ailleurs. Il y a des journalistes embarqués dans les chars et les avions.

En Afghanistan et ailleurs dans le monde, les journalistes présents sur le terrain sont embarqués pour l’essentiel. Ils sont embarqués dans le système de communication des armées qui ont des besoins stratégiques. Par exemple, les policiers français ont travaillé avec le système antiterroriste général : les écoutes et traques téléphoniques, etc. Tout a été montré à la télévision pour impressionner et dissuader les terroristes.

AE : Quelle est la différence entre le journalisme de crise et le journalisme en temps normal ?

DAN : Le journalisme se définit par la relation avec les sources de l’information. Or, dans le carnet d’adresses du journaliste, il n’a pas, sinon exceptionnellement, les contacts des terroristes. Par contre, le journaliste a la possibilité d’être aidé par une partie des belligérants : les policiers ou les militaires. Ce n’est pas un hasard si BFMTv a obtenu le bon numéro de téléphone des terroristes. La police est capable de traquer et de retrouver n’importe quel numéro de téléphone. En journalisme de crise, la spécificité réside dans le contact avec les sources d’information. Le journaliste est présent sur le terrain de la prise d’otages parce qu’il est embarqué par les forces de sécurité.

AE : Y a-t-il des situations de journalistes embarqués plutôt dans le camp des terroristes ?

DAN : Rappelons-nous de l’attentat de Boston où des journalistes de la chaîne Al-Jazeera couraient avec les terroristes pour avoir les gros plans de ces derniers. Les journalistes étaient protégés par les terroristes. C’est une situation d’extrême difficulté pour les journalistes. Vous avez d’ailleurs vu que le conflit est un exercice très spécifique pour les journalistes, car ils peuvent être considérés comme des ennemis selon le camp à partir duquel ils sont vus. En effet, les informants peuvent se retrouver d’un côté comme de l’autre.

AE : Le journaliste qui se retrouve du côté ennemi ne s’expose-t-il pas à la loi de l’Etat ?

DAN : C’est possible car, certaine loi prévoit ce qu’on appelle la perfidie, c’est-à-dire la campagne qui aide la visibilité de l’ennemi. Pourtant, ce n’est pas l’information vraie qui inquiète le plus. Les stratèges redoutent davantage la désinformation sur l’ennemi. Mais théoriquement, il n’y a pas violation de la loi, puisque le journaliste est à la recherche de l’information. Il prend des risques pour cela.

Le journaliste est guidé par la liberté d’expression et il doit savoir se défendre. Dans certains pays, le problème de la presse est celui de cette presse underground qui crée en permanence une sorte de confusion et décrédibilise tous les journalistes. Vous pouvez être d’une entreprise X et un confrère est d’une entreprise Y ; vous avez les mêmes droits. Mais l’autre crée une situation qui vous fait retirer tous vos droits. Dans de nombreux pays africains toutefois, le journalisme est en plein progrès dans la conscience même des possibilités d’un journal, dans la conscience de ce qu’on va appeler la qualification du journaliste.

AE : Des lois antiterroristes ont été adoptées dans plusieurs africains, notamment le Cameroun, la Tunisie ou encore le Maroc. Sur quel pied le journaliste doit-il danser sans tomber sous le coup de la loi ?

DAN : Le métier de journaliste ne peut s’exercer sans des artificiers qui font bouger des limites. En plus, la loi elle-même s’interprète et on peut être surpris de la manière dont celle-ci est interprétée. Les journalistes ont encore un boulevard devant eux, bien sûr pour les vrais professionnels et ceux qui ont du talent. Ils sont aussi protégés par la loi. Seul le journaliste sait qui lui a donné une information. Indépendamment des lois antiterroristes, la profession de journaliste garde une grande marge en termes de pratique de l’information et d’obtention de l’information. Parfois les informations que nous prisons le plus dans ce monde ont été obtenues de manière illégale. Souvenons-nous de l’affaire du Watergate aux Etats-Unis ou encore celle des écoutes téléphoniques du Canard Enchaîné en France. Tout juste y a-t-il eu de simples procès. Je crois que plus il y a des lois, plus le journaliste est appelé à connaître son métier et les marges de manœuvre de celui-ci. Quand un journaliste veut une information, il finit par l’obtenir, surtout lorsqu’il sait négocier. Il finit toujours par trouver quelqu’un qui gagne à donner l’information.

AE : Si le problème n’est pas loi, pourquoi des journalistes et des organes de presse sont-ils si souvent inquiétés ?

DAN : J’ai pratiqué le journalisme et je sais que les grands journalistes sont toujours inquiétés à un moment ou un autre. Parfois, ce sont des menaces de pure forme. Il n’est pas de journaliste d’investigation qui ne fasse pas trembler les bien-pensants. Certains en meurent même. Mais c’est le jeu normal. La relation du journaliste avec les sources d’information peut soit gêner soit favoriser le travail des forces de défense et de sécurité. Toujours est-il que la police a une grande capacité d’identifier parmi les journalistes, ses amis et ses ennemis.

Pour moi le problème du journalisme de crise par rapport à la communication de crise ce ne sont ni les contraintes de la loi, ni les menaces de répression, etc. Un grand journal rôde toujours au bord des limites de ce qui est permis ou interdit. Maintenant, entre nous journalistes, nous avons la déontologie. Le problème qui s’est posé en France à mon avis, c’est la mésentente entre les journalistes sur la déontologie. Il n’est pas possible que nous fixions nous-mêmes des limites avec les images à diffuser ; et un journal comme Le Point montre à sa une un terroriste qui abat un policier, sans protéger l’image de ce dernier. On peut jouer sur les limites de la loi et même les déborder, mais si on joue sur la déontologie, je crois que les journalistes perdent leur crédibilité. On a l’impression qu’ils ne font pas la différence avec le journalisme civique.

AE : Où mettez-vous la recherche du scoop ?

DAN : Aujourd’hui, il n’y a plus de scoop, il n’y a plus d’exclusivité. Le scoop se définissait par le fait que le journaliste est le premier à donner l’information. A l’ère du multimédia, le journaliste ne peut plus être le premier à donner l’information. Ce sont les bloggeurs et d’autres acteurs du web qui font le scoop. Pour bien faire la distinction, il y a le cas du Médiapart qui a le journal et une espace réservé à toute personne pouvant disposer d’une bonne information. Donc, les professionnels de l’information doivent élaborer ce qu’on peut appeler un bastion du journalisme où on pratique les lois du journalisme, où on est tranchant en matière de journalisme et où on respecte la déontologie. C’est ainsi qu’ils se distingueront de ceux que j’appellerais la plèbe ou les gueux de l’information.

AE : A propos des images qui ont été diffusées par les médias français, y a-t-il eu voyeurisme et surexposition de la violence ?

DAN : Bien sûr. Le voyeurisme est une situation de civilisation. C’est le fait de regarder dans une serrure. Le voyeurisme évolue avec la civilisation. Ce que vous croyez être voyeurisme est lié à votre morale d’Africain. Mais à la télévision française, si vous regardez ce qu’on appelle actuellement le niveau de regard sur les violences, ce qui a été montré lors de la libération des otages n’est rien. Sur les télévisions africaines, les prime times ce sont les heures des séries et des feuilletons à l’eau de rose. Mais il faut être courageux pour regarder le prime time en France, car il est d’une extrême violence. D’ailleurs, il y a toujours la mention interdit au moins de 10 ans. Ça fait partie de leur civilisation.

AE : Avez-vous eu l’impression d‘assister en France à une sorte de téléréalité autour de la traque des frères Kouachi et du preneur d’otages Amedy Coulibaly ?

DAN : La téléréalité est la monstration des évènements de la société d’aujourd’hui, qui est la conséquence de la surprésence des caméras. On est dans une maison ou dans une ville, et il y a des cameras partout. Elles peuvent reconstituer un évènement. La téléréalité est également un phénomène de civilisation.

AE : Lors de ces évènements ou en d’autres occasions, les médias ont souvent diffusé des images amateurs. Cela est-il professionnel ?

DAN : C’est professionnel. Le journalisme c’est la collecte, le traitement et la diffusion de l’information. Il arrive que le journaliste ne soit pas engagé dans la collecte et le traitement de l’information, mais c’est lui qui décide de la diffusion d’une information. Il n’est pas d’information qui apparaisse dans un journal sans être passée par le triage de la conférence de rédaction, du rédacteur en chef et du secrétaire de rédaction. Même si c’est un amateur qui a tourné une image, c’est un journal qui en assume la diffusion. Il n’y a donc pas d’image amateur dans un média.

AE : A l’ère de l’Internet et du multimédia, tout le monde peut produire et diffuser l’information. Que reste-t-il au journaliste ?

DAN : Ce qui reste au journaliste c’est l’écriture journalistique. Le journalisme s’exerce sur deux plateformes de motivation. La première motivation c’est que le journaliste travaille pour donner l’information, mais en tant qu’entreprise éditoriale. Celle-ci fonctionne par rapport à sa marque de fabrique, par rapport à son engagement qualité. C’est ainsi qu’elle bâtit sa relation avec le public. Elle collecte, traite et diffuse l’information comme tout le monde le fait actuellement, ce droit étant reconnu à tous. Mais le journaliste se distingue en démontrant qu’il a une qualité spécifique pour rechercher le fait, pour recouper l’information, et qu’il a une qualité de rédaction, etc. La deuxième plateforme c’est la séduction commerciale, car nous parlons d’entreprise. Le journaliste, contrairement au bloggeur, est dans une entreprise commerciale, une opération de marketing où il entend amortir l’argent investi. Le journaliste est dans un combat où il doit se distinguer des autres donneurs d’information.

Propos recueillis par Assongmo Necdem


 
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