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« Il est très important que les investissements publics agricoles aillent massivement à la recherche et développement » (Fatima Mengoub)

  • Date de création: 20 août 2021 16:48

(Agence Ecofin) - En Afrique, l’agriculture est le pilier de nombreuses économies. Alors que sur le continent, la demande en produits alimentaires est en pleine hausse, les besoins d’investissements sont énormes pour permettre de valoriser toutes les potentialités du secteur. Si cette nécessité est largement reconnue par les gouvernements, les défis sont encore nombreux. Dans une interview accordée à l’Agence Ecofin, Fatima Ezzahra Mengoub, chercheure spécialisée dans l’analyse des politiques agricoles au think tank marocain Policy Center for the New South, revient sur l’état des lieux du soutien public à l’agriculture et appelle à un renforcement des financements destinés au secteur.

Agence Ecofin : Le terme de « dépenses publiques dans l’agriculture » est un concept un peu fourre-tout qui regroupe différents types d’interventions du gouvernement d’un pays. Comment appréhender cette notion ?   

Fatima Ezzahra Mengoub : Par définition, les dépenses publiques sont des dépenses effectuées par l’Etat, les administrations, les collectivités locales ou territoriales ainsi que les organismes qui leurs sont rattachés. Elles peuvent être classées en trois catégories à savoir, les dépenses de fonctionnement, les dépenses de redistribution et dépenses d’investissement. En l’occurrence, dans le secteur agricole, les dépenses de fonctionnement servent à la bonne marche des services publics. On y trouve des dépenses courantes de personnels ou encore des achats de fourniture. Ces dépenses sont connues ou bien déterminées et dépendent du niveau d’activité du ministère, de l’office et des institutions reliées au secteur agricole.

« Généralement, les analystes s’accordent sur le fait que les dépenses publiques ne doivent pas être orientées en majorité vers les dépenses de fonctionnement. »

Les dépenses de redistribution englobent tout ce qui est lié aux transferts de l’Etat vers les agents économiques. On peut y trouver, les subventions aux entreprises relatives à l’augmentation du capital productif, les aides dans l’irrigation, les semences ou encore les équipements agricoles. Enfin, les dépenses d’investissement sont celles réalisées véritablement pour renouveler ou accroître le capital productif public. Cela comprend par exemple, les dépenses de recherche, de développement, de construction de bâtiments, d’infrastructures, de formation ou encore d’éducation. Généralement, les analystes s’accordent sur le fait que les dépenses publiques ne doivent pas être orientées en majorité vers les dépenses de fonctionnement. Ceci parce que les économies, dans les premières phases de développement, ont surtout besoin de plus d’investissements que de frais de fonctionnement.  

AE : Justement, quand on parle d’investissement public dans l’agriculture, est-ce que cela est interchangeable avec le concept de dépenses publiques ? 

Fatima Ezzahra Mengoub : L’investissement agricole, c’est tout ce qui va servir à construire le capital économique et humain qui va permettre au secteur de produire plus. On a des investissements qui sont directement liés à la sphère productive agricole dont les subventions dans l’irrigation, l’aménagement hydroagricole et aussi les investissements hors ferme qui sont liés généralement au monde agricole et pas directement à la production agricole. On peut citer notamment l’infrastructure, les routes, les barrages, équipements hydroagricoles. C’est aussi les personnes compétentes qui vont produire de manière efficace et qui auront besoin de formation. Les investissements agricoles représentent un élément clé pour atteindre la croissance économique agricole et il s’agit d’un moyen pertinent pour améliorer les revenus des agriculteurs et réduire la pauvreté en milieu rural. Je dois dire ici qu’il est très important que les investissements aillent massivement à la recherche et développement, un aspect souvent oublié par les pays africains.

1 research agro

« Quand on parle de recherche, le contexte local joue ici un rôle important. »

Qu’elle soit subventionnée par l’Etat ou le privé, c’est l’un des moyens les plus sûrs d’améliorer la productivité parce qu’elle permet de comprendre les contraintes imposées au secteur. Quand on parle de recherche, le contexte local joue ici un rôle important. Généralement les innovations viennent combler un besoin et ce besoin change selon la situation géographique des pays. Par exemple, les pays nord-africains ont des précipitations faibles par rapport aux zones tropicales, donc ils auront besoin d’importants investissements dans l’irrigation. Mais en revanche, dans plusieurs pays d’Afrique tropicale, il y a des quantités considérables d’eau qu’il faut drainer. Donc, il faut que chaque pays veille à développer une recherche selon ses contraintes et ses opportunités. Et cela passe d’abord par la volonté des Etats qui doivent veiller à avoir un minimum de budget pour cela.

AE : En mai dernier, la FAO indiquait dans un rapport que dans 13 pays d’Afrique subsaharienne seulement 6 % des budgets publics ont été consacrés en moyenne à l’agriculture contre des engagements de 10 % à Maputo en 2003. Quel est votre regard sur cette situation ?

Fatima Ezzahra Mengoub : Déjà, il faut que je revienne sur l’exigence de « 10 % ». Ce pourcentage est peu controversé parce qu’il n’est pas très précis. On ne sait pas en effet si c’est le budget de l’Etat dans sa globalité ou seulement les ressources publiques destinées à l’agriculture qui doit être concerné par cette proportion.

« Il y a beaucoup d’éléments qui jouent en faveur de l’agriculture africaine. La disponibilité des terres très fertiles par rapport à d’autres continents, la disponibilité d’une main-d’œuvre jeune, dynamique qui doit être formée, l’abondance des ressources naturelles comme l’eau ».

Mais abstraction faite de ces critiques, il faut souligner que ce rapport vient une fois de plus mettre en lumière la faiblesse de l’investissement public en Afrique dans l’agriculture eu égard à l’ampleur des besoins ainsi qu’aux opportunités qu’offre le secteur. Il y a beaucoup d’éléments qui jouent en faveur de l’agriculture africaine. La disponibilité des terres très fertiles par rapport à d’autres continents, la disponibilité d’une main-d’œuvre jeune, dynamique qui doit être formée, l’abondance des ressources naturelles comme l’eau. Et il faut tirer profit de ces ressources en renforçant les investissements partout où cela est nécessaire.

AE : Plus globalement, vous estimez que la part des dépenses allouées à l’agriculture est un indicateur biaisé pour apprécier la performance de l’action publique dans le secteur. Pourquoi ?

Fatima Ezzahra Mengoub : Les dépenses effectuées par l’Etat qui sont utilisées en général comme indicateur de l’effort public dans le secteur agricole sont des montants en valeurs absolues. Mais cela ne donne pas une idée sur leur importance parce que cela ne fournit pas d’informations sur la taille de l’économie et par conséquent, il s’agit d’un élément d’appréciation peu fiable sur l’importance de l’agriculture dans l’économie. Pour mieux refléter cette situation, on utilise couramment l’indice d’orientation agricole. Cet indice se calcule à travers le ratio de la part des dépenses publiques allouées à l’agriculture sur la contribution de l’agriculture au PIB.

« Pour mieux refléter cette situation, on utilise couramment l’indice d’orientation agricole. Cet indice se calcule à travers le ratio de la part des dépenses publiques allouées à l’agriculture sur la contribution de l’agriculture au PIB.»

Cet indicateur permet de voir si les gouvernements investissent dans l’agriculture indépendamment de sa contribution à l’économie ou s’ils investissent en fonction de sa contribution au PIB. Si par exemple, l’indice est supérieur à 1, cela indique que l’agriculture reçoit des fonds publics supérieurs à sa contribution à la création de richesse. Au contraire, si cet indicateur est inférieur à 1, cela veut dire que les montants publics alloués à l’agriculture sont inférieurs à la contribution du secteur agricole au PIB.  

AE : En se basant sur cet indicateur, quel est le diagnostic sur l’état du soutien public à l’agriculture en Afrique ?

Fatima Ezzahra Mengoub : Déjà, lorsqu’on compare le continent africain à d’autres régions du monde, il y a un fossé. On remarque par exemple qu’en Afrique, l’indice d’orientation agricole atteint 0,14 alors qu’il grimpe à 0,37 en Europe, 0,81 en Asie et 0,42 en Amérique (Nord et Sud).

« On remarque par exemple qu’en Afrique, l’indice d’orientation agricole atteint 0,14 alors qu’il grimpe à 0,37 en Europe, 0,81 en Asie et 0,42 en Amérique (Nord et Sud).»

Pour ce qui est de la situation entre pays, on a étudié les données disponibles en 2018 pour 35 nations africaines. L’analyse a montré qu’il y a 3 pays qui sortent du lot. Il s’agit de la Zambie, du Botswana, et des Seychelles. Ces pays ont tous un indice supérieur à 1 alors que les 33 autres pays restants ont tous un indice inférieur 1 dont 11 ont un indice inférieur même à 0,1. 

AE : Les Etats africains ne peuvent pas à eux seuls supporter tous les investissements nécessaires dans l’agriculture. Quelles formes de financement peuvent leur permettre de mieux valoriser le potentiel du secteur ?

Fatima Ezzahra Mengoub : Il faut se rendre compte qu’il y a une diversité de types d’investissements qui peuvent aider le continent africain à développer son agriculture. Il est clair que l’Etat seul ne peut pas se déployer sur tous les leviers et de manière simultanée. Il y a beaucoup de domaines d’interventions aussi prioritaires les uns que les autres comme l’augmentation de la productivité à travers un meilleur niveau d’intensification et d’utilisation des intrants agricoles comme les semences, les engrais et l’eau. A cela s’ajoute également, la transformation, le stockage, les unités de conditionnement, la chaîne de froid, la structuration des marchés d’écoulement, la qualité des produits pour satisfaire les besoins des consommateurs sur le plan nutritionnel.

Dans cette logique, l’Etat peut coopérer sous forme de partenariats avec le secteur privé ou faire appel aux investisseurs étrangers pour renforcer ce secteur qui demande non seulement beaucoup de moyens financiers, mais aussi techniques. Les investisseurs étrangers apportent surtout la technologie et un savoir-faire dans les bonnes pratiques qui sont importantes pour aider les agriculteurs à améliorer la productivité. Et pour attirer les investissements, l’Etat peut mettre en place un cadre des affaires favorables au développement des projets privés rentables et façonner un environnement adéquat où la concurrence est saine et bien réglementée. Si on arrive à intervenir en amont et en aval, on peut aboutir à un secteur agricole performant et cela permettra de produire abondamment en toute saison et réduira la volatilité des prix. 

Propos recueillis par Espoir Olodo


Espoir OLODO
 
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