(Agence Ecofin) - En Afrique de l’Ouest, le secteur de la distribution moderne de produits alimentaires est en pleine émergence. Si les circuits traditionnels et le secteur informel continuent de dominer les ventes, le segment a connu une bonne dynamique sur la dernière décennie avec un foisonnement de supermarchés, hypermarchés, boutiques de stations-services et magasins de proximité. Alors que les franchises et chaînes internationales multiplient leurs assauts pour tirer profit du potentiel de croissance de la région, les entreprises africaines sont aussi à l’affût des opportunités. C’est notamment le cas du groupe marocain Retail Holding qui a fait depuis quelques années, le pari de la Côte d’Ivoire. Dans un entretien à l’Agence Ecofin, Rachid El Harchi, son directeur de développement explique la stratégie du groupe dans le pays ainsi que ses ambitions sur le long terme dans la sous-région.
Agence Ecofin : Pouvez-vous présenter brièvement Retail Holding et sa filiale Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire (CDCI) ?
Rachid El Harchi : Retail Holding est un important groupe économique marocain opérant dans divers segments de la distribution. Il a réalisé un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de dollars en 2020 et emploie environ 11 000 personnes au Maroc et en Côte d’Ivoire.
Rachid El Harchi : « Inévitablement, les clients se tourneront de plus en plus vers le commerce moderne.»
Il détient les droits d’un certain nombre de marques internationales au Maroc, telles que Carrefour, Burger King et Kiabi, et possède des activités en Afrique subsaharienne grâce à sa participation dans la Compagnie de Distribution de Côte d’Ivoire (CDCI). CDCI est un leader dans le secteur de la distribution alimentaire moderne en Côte d’Ivoire. Elle possède 121 magasins dans tout le pays qui sont exploités selon trois modèles de vente différents : la vente en gros, la vente en demi-gros et la vente au détail. CDCI est une marque populaire non seulement dans le pays, mais aussi dans la région. Retail Holding a lancé son premier investissement dans l’entreprise en 2014 et a acquis la totalité du capital en 2019, aidant l’entreprise à moderniser ses processus commerciaux structurels et à poursuivre sa croissance.
AE : Le groupe a lancé une plateforme logistique de 11 000 m² en Côte d’Ivoire le 28 mai. Quel était l’objectif de cet investissement ?
Rachid El Harchi : La logistique est l’une des composantes les plus critiques du commerce de détail et si vous ne maîtrisez pas complètement votre chaîne d’approvisionnement, cela peut nuire à votre rentabilité et altérer les conditions dans lesquelles le produit est livré à vos magasins et finalement au client.
« La plateforme logistique de CDCI, située dans le quartier Agility et qui est la plus grande du pays, nous a permis de contrôler le flux de marchandises, de livrer les magasins dans les délais et d’offrir à nos fournisseurs un lieu de dépôt fiable et centralisé.»
La plateforme logistique de CDCI, située dans le quartier Agility et qui est la plus grande du pays, nous a permis de contrôler le flux de marchandises, de livrer les magasins dans les délais et d’offrir à nos fournisseurs un lieu de dépôt fiable et centralisé.
CDCI s’est associé à des opérateurs de logistique et de transport renommés tels que Seafrigo et Distrans pour assurer un excellent niveau de service à ses magasins.
AE : Pourquoi avez-vous choisi la Côte d’Ivoire ?
Rachid El Harchi : Nous avons choisi la Côte d’Ivoire parce que nos deux pays ont toujours entretenu d’excellentes relations politiques et culturelles.
« Nous avons choisi la Côte d’Ivoire parce que nos deux pays ont toujours entretenu d’excellentes relations politiques et culturelles.»
En 2013, le Maroc et la Côte d’Ivoire ont exprimé une forte volonté de tisser des liens économiques et nous avons décidé d’adhérer à cette stratégie et de chercher l’opportunité de développer nos activités en dehors du Maroc. La CDCI est apparue comme une perspective de croissance intéressante pour nous, dans laquelle nous pourrions apporter toute l’expertise que nous avons acquise au Maroc en tant qu’opérateur de la distribution depuis plus de 30 ans.
AE : Quelles sont vos ambitions sur le marché ivoirien ?
Rachid El Harchi : Notre objectif est maintenant de réaliser notre plan d’action structurel, qui comprend trois éléments clés : numériser tous les flux d’informations entre les magasins et le siège pour gérer la performance en temps réel, réorganiser tous nos magasins pour améliorer l’expérience client et transformer notre système logistique pour une meilleure efficacité de livraison, ce qui a déjà été réalisé. Une fois ces étapes franchies, nous accélérerons le rythme des ouvertures de magasins pour consolider notre implantation dans le pays. Notre stratégie consiste à développer les segments du semi-gros et du détail tout en consolidant le format du gros.
AE : En Afrique de l’Ouest, la distribution alimentaire moderne est encore dominée par les canaux traditionnels, mais le taux de croissance soutenu du revenu par habitant ouvre de bonnes perspectives. Quels sont vos objectifs à court et à long terme dans la région ?
Rachid El Harchi : Nous avons toujours considéré la Côte d’Ivoire comme un pays central et stratégique en Afrique occidentale, qui pourrait à terme servir de base d’expansion dans la région.
« La plateforme logistique de CDCI est la plus grande du pays.»
De nombreux clients des pays voisins connaissent déjà la marque et font leurs achats dans les magasins CDCI avec la même monnaie (Fcfa). En ce qui concerne le commerce traditionnel versus moderne, nous avons connu cette dynamique au Maroc lorsque le taux de pénétration du commerce moderne était à un niveau similaire à celui de la Côte d’Ivoire (environ 2 %).
« A partir de 2022, nous souhaitons réaliser 20 à 30 ouvertures par an pour atteindre 100 magasins supplémentaires d’ici 2026.»
Nous savons qu’inévitablement, les clients se tourneront de plus en plus vers le commerce moderne, car au fur et à mesure que leur pouvoir d’achat augmentera, ils accorderont une plus grande importance à leur expérience d’achat et cela inclut des produits de meilleure qualité, la transparence des prix, l’hygiène et le service.
AE : Quels sont vos objectifs en termes de nombre de magasins ouverts par an à court terme ?
Rachid El Harchi : A partir de 2022, nous souhaitons réaliser 20 à 30 ouvertures par an pour atteindre 100 magasins supplémentaires d’ici 2026.
AE : Comment comptez-vous vous démarquer de vos concurrents sur ce marché ?
Rachid El Harchi : Nous possédons actuellement plusieurs facteurs de différenciation qui nous aident à ancrer notre position sur le marché.
« Retail Holding a réalisé un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de dollars en 2020 »
Nous avons pu négocier des droits de distribution exclusifs avec des marques internationales clés dans différents segments de produits. Notre nouvelle capacité logistique nous permettra d’assurer la disponibilité des stocks dans tous nos magasins et d’introduire de nouveaux produits exclusifs provenant du Maroc et d’ailleurs. CDCI possède la plus grande capillarité de magasins dans la distribution alimentaire en Côte d’Ivoire et nous prévoyons d’étendre cet avantage dans les années à venir en ouvrant d’autres magasins. Enfin, nous travaillons constamment à l’optimisation de notre structure de coûts et à l’efficacité de notre approvisionnement afin de nous assurer que nous sommes toujours compétitifs en termes de prix.
AE : Ces dernières années, le Nigeria a connu une vague de retraits de détaillants en raison de difficultés opérationnelles. Le géant ouest-africain figure-t-il sur votre liste de pays à conquérir dans la région à court ou à long terme ?
Rachid El Harchi : Pour l’instant, nous nous concentrons sur la Côte d’Ivoire et examinons les opportunités dans la région en tant qu’observateurs actifs. Le Nigeria est un pays à fort potentiel, mais la pénétration du marché doit se faire en temps voulu et de la bonne manière.
« Le Nigeria est un pays à fort potentiel, mais la pénétration du marché doit se faire en temps voulu et de la bonne manière.»
Notre stratégie type consisterait à identifier un partenaire potentiel ayant fait ses preuves dans le pays et disposant d’une situation financière saine, afin de conclure un accord de coentreprise ou d’acquérir une participation minoritaire dans son capital, puis d’accroître éventuellement notre participation lorsque nous serons confiants dans les perspectives économiques du pays.
Propos recueillis par Espoir Olodo
Bruxelles, Belgique - Paying More for a Sustainable Cocoa.