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« En Afrique, le secteur bancaire ne sait pas ce que c’est que l’audiovisuel » (Alain Modot) 

  • Date de création: 12 mars 2021 17:49

(Agence Ecofin) - Nous avons discuté avec Alain Modot, patron du distributeur de contenu audiovisuel africain DIFFA. Il a accepté de commenter pour l’Agence Ecofin les changements au niveau de son entreprise, mais également la transformation du marché du contenu audiovisuel en Afrique.

Agence Ecofin : Ces derniers mois, votre entreprise a connu des bouleversements. Qu’est-ce qui a changé dans votre fonctionnement et dans votre approche du marché africain du contenu audiovisuel ?

Alain Modot : DIFFA, qui signifie en fait Distribution internationale de films et fictions, est une société qui a deux têtes, une en France et une en Afrique de l’Ouest. La tête principale est aujourd’hui à Paris comme l’avait décidé l’ancien actionnaire majoritaire Lagardère. Mais ce dernier a été vendu à un grand groupe européen.

1 AM f

Alain Modot : « Le siège social se trouvera à Abidjan avec toute l’équipe.»

J’en suis aujourd’hui le PDG et je détiens 97% du capital. Je travaille actuellement à fusionner les deux parties en un seul groupe : DIFFA Africa, dont le siège social se trouvera à Abidjan avec toute l’équipe. J’ajouterai que depuis quelques mois, DIFFA ne fait plus seulement de la distribution, mais intervient également de la coproduction.

AE : De nombreux acteurs du secteur audiovisuel s’accordent pour dire qu’on vit actuellement la meilleure période pour les créateurs de films et séries africaines. Etes-vous d’accord ?

AM : Pas vraiment en fait. Il faut savoir que le marché africain est très déséquilibré. Il y a d’un côté la production de séries financées par le nord [les pays développés, Ndlr], les grands acteurs, qui obtiennent les meilleures séries, celles que mériteraient également les chaînes du continent qui n’ont, par contre, pas autant de moyens. Et cela prive les Africains de grandes séries sur leurs chaînes. Je ne suis pas sûr que la période actuelle soit la meilleure pour les créateurs de contenus africains. Déjà parce qu’il n’y a que quelques producteurs qui captent les fonds les plus importants, grâce à un contrat avec l’un des grands acteurs comme Netflix, ou Canal +.

2 Sakho et Mangane copy

« Canal+ finance quelques grosses séries, très bonnes d’ailleurs.»

Tous les acteurs ne profitent pas de cette fameuse période de vache grasse. Concernant Netflix, il y a seulement quelques pays qui bénéficient de leurs investissements : l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya. Il n’y a plus grand-chose pour le reste du continent. Canal+ finance quelques grosses séries, très bonnes d’ailleurs, comme « Invisible », « Cacao » et « Sakho et Mangane », tout comme TV5. C’est compliqué de dire aujourd’hui que le marché africain est en plein boom et que tout le monde en profite. Oui, il y a des changements, plus de rentrées de fonds, plus de clients, même si la plupart n’ont pas l’argent et ne paient pas toujours quand ils passent des commandes. Le marché va bien pour quelques-uns. Il va mal pour beaucoup et est difficile pour le reste. J’arrive à vendre des séries de notre catalogue à Canal +, à TV5, à Orange, à quelques chaînes publiques, mais ce sont souvent de petites ventes.

« Le marché va bien pour quelques-uns. Il va mal pour beaucoup et est difficile pour le reste. J’arrive à vendre des séries de notre catalogue à Canal +, à TV5, à Orange, à quelques chaînes publiques, mais ce sont souvent de petites ventes. »

Après, il n’y a plus beaucoup de festivals, les salles de cinéma sont quasiment fermées, même celles qui sont ouvertes, les salles Canal Olympia notamment, sont destinées aux films français dans un premier temps et très peu de films africains y passent. Il faut donc vraiment faire attention lorsqu’on parle d’un boom du marché africain. Il y a des choses dont les gens ne se rendent pas compte. Netflix par exemple est un acteur plutôt déroutant. C’est un acheteur qui ne répond jamais au téléphone, qui a ses producteurs. C’est difficile de vendre à Netflix si on n’est pas Nigérian ou Kényan, si on n’a pas de relation directe avec directeur des acquisitions et des coproductions, ou, la personne à la tête du service chargé des séries originales internationales du service de streaming.

3 Heart of Africa

« J’ai de très bons films comme « Heart of Africa » du congolais Tshoper Kabambi »

Le comportement de Netflix sur le continent est incroyable. Les producteurs se disent on va vendre à Netflix mais personne n’arrive à les contacter. Contrairement à ce qu’on pense, ils sont loin d’être le principal investisseur dans la production de contenu africain. Ils collaborent avec quelques têtes et contribuent peu à la fluidité du marché. Ils sont, à la limite, méprisants envers les producteurs africains. Ils ne répondent pas au téléphone et rarement aux mails.

« Ils collaborent avec quelques têtes et contribuent peu à la fluidité du marché. Ils sont, à la limite, méprisants envers les producteurs africains. Ils ne répondent pas au téléphone et rarement aux mails. »

Et c’est choquant pour une société qui représente 150 producteurs africains et de nombreuses œuvres primées dans de grands festivals, je ne peux pas dire que le marché africain se porte nettement mieux grâce à Netflix.

AE : Quid des autres grandes plateformes présentes sur le continent ?

AM : Honnêtement, on ne les voit pas encore sur le continent. Les grandes plateformes de streaming présentes sur le marché du contenu audiovisuel sont DStv, Showmax, Iroko TV, Netflix, pour la partie anglophone, et Orange. En dehors de cela, il y a des structures comme Discovery ou AfroLandTV qui achètent en petite quantité, deux ou trois programmes, ce n’est pas un énorme débouché. Et il ne faut pas oublier qu’en dehors de quelques villes africaines où il y a la fibre, c’est difficile de télécharger des films et encore plus de suivre en streaming. Les plateformes présentes sur le continent ne le sont en fait que dans quelques grandes villes. Mais, on ne peut pas dire que rien n’a changé sur le marché africain. Il y a de l’argent qui arrive, notamment de l’Union européenne pour coproduire du contenu en Afrique. Certaines fondations financent du divertissement éducatif. Certaines chaînes comme la RTI, en Côte d’Ivoire, investissent dans la création de contenus. Canal + investit dans la production pour des chaînes comme A+. Il y a des débouchés. Ils ne sont pas assez nombreux pour tous, mais ils se développent.

« Il y a de l’argent qui arrive, notamment de l’Union européenne pour coproduire du contenu en Afrique. Certaines fondations financent du divertissement éducatif. Certaines chaînes comme la RTI, en Côte d’Ivoire, investissent dans la création de contenus. Canal + investit dans la production pour des chaînes comme A+. Il y a des débouchés. »

Il y a des salles : Canal Olympia, les salles de l’institut Goethe et de l’Institut Français. Pathé est en train de construire quelques salles. Finalement, le potentiel de la distribution de contenus en salle est aussi assez réduit pour le moment. J’ai de très bons films comme « Heart of Africa » du congolais Tshoper Kabambi, « Bakolo » de Tom Vantorre , mais on ne fait presque pas d’entrées. Le marché africain est compliqué. Il n’est pas structuré. C’est sûr qu’il manque des fonds, des opérateurs, mais il manque aussi de la régulation.

AE : Malgré tout, la question du financement reste un casse-tête. Pour quelles raisons selon vous ?

AM : Vous savez, l’Union européenne a investi 10 millions d’euros dans la coproduction en Afrique. Ces fonds sont gérés par l’OIF [Organisation internationale de la Francophonie, Ndlr], le CNC [Centre national du cinéma et de l'image animée, Ndlr] et la Berlinale en Allemagne. Ces fonds étaient un véritable bol d’air pour les producteurs. Seulement, ils ne financent que 30%, 40% ou 50% de la création. Il faut donc que le créateur trouve le reste ; ce qui est très compliqué. Il y a de vrais problèmes de financements dans la production de contenus africains.

4 Bakolo

« Bakolo » de Tom Vantorre.

Les producteurs africains sont souvent beaucoup plus courageux que ceux des autres continents. Ils se lancent dans des projets souvent sans d’énormes garanties financières.

J’ai de très beaux projets de séries qui nécessitent 100 000 euros pour le tournage d’un épisode. Mais c’est impossible à financer en Afrique.

« J’ai de très beaux projets de séries qui nécessitent 100 000 euros pour le tournage d’un épisode. Mais c’est impossible à financer en Afrique. »

Si vous avez la chance de trouver un gros acteur qui accepte d’investir ces sommes, il vous réclame les droits pendant 10 ans sur les territoires anglophones et francophones. C’est compliqué. Le secteur banquier africain ne sait pas ce que c’est que l’audiovisuel et les banques refusent de financer les projets audiovisuels. Elles ne considèrent pas la production au même titre que les autres entreprises. Vous n’obtenez pas de prêts pour un tournage, même garanti par un contrat de l’Etat ou un contrat d’une grande société. C’est aberrant ! Les producteurs ne peuvent pas s’appuyer sur un système qui les aide à faire leur travail durant la production le temps que les paiements, des échéances des contrats, arrivent.

AE : N’y-a-t-il pas un moyen de changer cela par la régulation ?

AM : On ne peut pas obliger les banques à faire leur travail si elles ne veulent pas. Il faut traiter les producteurs audiovisuels comme toutes les autres entreprises. Il faut essayer de savoir si le risque pris en les finançant est faible ou fort. Mais quand un contrat est gagé par Canal+, TV5 ou même la RTI, ou l’Union Européenne, la Banque devrait comprendre qu’elle n’investit pas à l’aveugle. La régulation, quant à elle, devrait plutôt essayer de préciser le rôle de chacun sur le marché, à savoir les responsabilités d’un diffuseur envers un producteur indépendant, ou envisager un système de quota au profit des programmes africains. Par exemple si tous les pays africains obligeaient leurs chaînes à diffuser, non seulement des programmes nationaux, mais aussi africains, on obtiendrait la base d’un grand marché continental avec une énorme demande. C’est ce qu’à fait l’Europe depuis trente ans avec les directives TV sans frontières qui se sont succédées.

« Par exemple si tous les pays africains obligeaient leurs chaînes à diffuser, non seulement des programmes nationaux, mais aussi africains, on obtiendrait la base d’un grand marché continental avec une énorme demande. C’est ce qu’à fait l’Europe depuis trente ans avec les directives TV sans frontières qui se sont succédées.»

Sur le continent africain, il faut absolument des fonds pour les financements, des partenariats mais aussi une régulation panafricaine, de la lutte contre le piratage et un peu plus de professionnalismes de tous les acteurs. J’insiste sur le fait qu’il faudrait qu’on passe de marché nationaux faibles à un marché continental ou tout au moins à des marchés régionaux plus solides.

AE : Comment la pandémie a-t-elle affecté votre travail ?

AM : Il y a beaucoup de pays dans lesquels les tournages étaient arrêtés et, avec la nouvelle vague du virus, cela risque d’arriver à nouveau. La pandémie a impacté les voyages, mais aussi les ressources publiques disponibles pour la production de contenu parce qu’il faut beaucoup d’investissements pour lutter contre la covid-19. La pandémie a affecté le marché africain comme ceux des autres continents. Mais, cela ne nous empêche pas de penser à d’autres projets à court et à moyen terme.

AE : Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?

AM : Je contacte le plus de clients possibles intéressées par le contenu africain, notamment la diaspora. Actuellement, je repense à un projet de salles de cinéma low-cost d’environ 40 à 80 places qui pourraient s’ouvrir dans les villes et les villages africains, là où il n’y a plus de cinéma.

« Actuellement, je repense à un projet de salles de cinéma low-cost d’environ 40 à 80 places qui pourraient s’ouvrir dans les villes et les villages africains, là où il n’y a plus de cinéma.»

Une fois, un ancien directeur du Fespaco [Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, Ndlr] à qui j’ai présenté ce projet l’a trouvé génial parce qu’il amènera les films là où les Africains habitent. Et enfin nous travaillons sur les coproductions en particulier entre les Africains francophones et anglophones. On espère bientôt avoir une première coproduction dans ce cadre entre le Nigeria, la Cote d’Ivoire, le Burkina et la France.

Propos recueillis par Servan Ahougnon

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