Agence Ecofin TikTok Agence Ecofin Youtube Agence WhatsApp
Agence Ecofin
Yaoundé - Cotonou - Lomé - Dakar - Abidjan - Libreville - Genève

Soja brésilien : « 10 années en arrière, le pays ne pouvait pas rivaliser avec les USA sur le plan des rendements » (entretien)

  • Date de création: 04 juin 2021 16:44

(Agence Ecofin) - Depuis quelques décennies, le soja a émergé en tant que deuxième plus grande culture oléagineuse en termes de superficie de plantation, derrière le colza et devant l’huile de palme. Sous l’impulsion du Brésil, le marché mondial n’a cessé de progresser, aussi bien en termes d’offre que de volumes échangés. Alors que le pays sud-américain est déjà en première ligne pour la satisfaction des besoins grandissants du premier consommateur mondial, à savoir la Chine, il sera sans doute encore plus sollicité dans le futur. Une tâche qui fait naître différents défis aussi bien localement que de manière plus globale. Regards croisés sur la situation de la filière soja brésilienne et ses perspectives avec Marcela Marini, Analyste principale de recherche auprès de la filiale brésilienne du groupe néerlandais Rabobank, et de Peter Meyer, responsable de la division céréales et oléagineuses de la firme S&P Global Platts.

Agence Ecofin : Comment peut-on apprécier l’évolution de l’industrie du soja au Brésil sur les dernières décennies ?

Marcela Marini : La production de soja a énormément progressé ces 20 dernières années. Elle est passée de 37 millions de tonnes en 2000/2001 à 137 millions de tonnes en 2020/2021. La filière s’est principalement développée dans la région du Sud puis au Centre-Ouest avant d'atteindre, il y a quelques années, une nouvelle frontière dans les Etats du Nord et du Nord-Est. Le pays exporte environ 60 à 65 % de la récolte et représente le 3e plus gros triturateur derrière la Chine et les USA.

Peter Meyer : Le Brésil vient de loin. S’il y a quelque 10 années en arrière, le pays ne pouvait pas rivaliser sur le plan des rendements avec les USA, l’utilisation de la technologie dans les semences leur a permis d’atteindre les Etats-Unis et même de les dépasser.

« Le Brésil vient de loin. S’il y a quelque 10 années en arrière, le pays ne pouvait pas rivaliser sur le plan des rendements avec les USA, l’utilisation de la technologie dans les semences leur a permis d’atteindre les Etats-Unis et même de les dépasser. »

Je dois souligner ici que la principale tendance est la hausse de l’aire cultivée avec la conversion d’énormes superficies de terres occupées par les pâturages à la culture de soja. Dans la région de savane tropicale au Brésil (Cerrado), l’expansion des terres pour l’agriculture se fait de manière continue. Sur les dernières années, la superficie a augmenté au rythme de 1 à 1,5 million d’hectares par an. Nous anticipons que les superficies augmentent encore de 10 millions d’hectares supplémentaires dans les 5 prochaines années.

AE : Quels sont les principaux facteurs à l’origine de l’essor de la production brésilienne ?

Marcela Marini : Il y a un faisceau de facteurs qui ont favorisé le dynamisme de la production de soja au Brésil. Mais je dirai que les principaux sont notamment la forte disponibilité de terres de pâturages non exploités, le système de double culture qui permet aux producteurs de récolter le soja durant l’été et le maïs pendant l’hiver.

1 Soybean AdobeStock 6437597 E

« La locomotive principale a été la Chine »

En plus, la faiblesse de la monnaie locale par rapport au dollar a amélioré les prix perçus par les exploitants et a renforcé la compétitivité du soja sur le marché international.

« Sur les dernières années, la superficie a augmenté au rythme de 1 à 1,5 million d’hectares par an. Nous anticipons que les superficies augmentent encore de 10 millions d’hectares supplémentaires dans les 5 prochaines années. »

D’un autre côté, nous avons des investissements massifs dans la logistique portuaire sur les 10 dernières années et dans la technologie pour une meilleure efficacité de la production, ainsi que dans la gestion des risques agricoles.

Peter Meyer : Les bons prix perçus par les producteurs favorisés par la fermeté du dollar pendant plusieurs années ont certainement encouragé les producteurs locaux.

Mais j’ajouterai pour ma part que la locomotive principale a été la Chine. Le pays a accru ses achats de soja brésilien pendant la période de guerre commerciale avec les USA et avec l’épidémie de la peste porcine africaine (PPA) ; ses importations ont atteint des sommets. Il faut dire qu’il y a très peu de pays comme la Chine qui comprennent toute l’étendue de la notion de sécurité alimentaire et sont prêts à vraiment dépenser pour cela. Les autorités chinoises sont dans cette optique et ont massivement acheté le maïs et le soja brésilien, ce qui tire la dynamique au niveau du pays sud-américain.

AE : Le Brésil enchaîne record sur record depuis plusieurs années exception faite des perturbations météorologiques. Jusqu’où ira la récolte brésilienne dans les prochaines années ?

Marcela Marini : Au Brésil, la terre disponible pour les pâturages est plus vaste que la superficie de terres pour la production.

2Soybean ship

« Des investissements massifs dans la logistique portuaire.»

Cela étant, le Brésil a encore le potentiel pour enregistrer un autre cycle de croissance sur la prochaine décennie. En supposant qu’il y ait une plus grande efficience dans la production animale et que le nombre de têtes par hectare augmente, limitant ainsi la demande pour de nouveaux pâturages, les aires de pâturages pourraient être converties au soja dans les prochaines années. Le Brésil a près de 160 millions d’hectares de pâturages et une partie de cette superficie peut être convertie au soja. La récolte de soja pourrait atteindre 160 millions de tonnes d’ici 2030 en tablant sur une hausse des superficies et des rendements avec la technologie. En se basant sur ces facteurs clés, on peut dire que le Brésil est bien parti pour rester à coup sûr le principal producteur de soja pendant longtemps encore.

Peter Meyer : La question est intéressante parce qu’habituellement, les prévisions sont faites en oubliant parfois que la production dépend d’abord de la météorologie et qu’il est justement difficile de prévoir les conditions sur plus de 5 ans ou en tout cas en toute fiabilité. Déjà l’année prochaine, on prévoit que le Brésil enregistre 140 millions de tonnes, voire plus, autour 143 millions de tonnes, en fonction de la météorologie. Pour ce qui est des 5 prochaines années, je n’ai pas de chiffres, mais je peux dire que la tendance sera durable étant donné la demande galopante en soja et les précédents sur les dernières années.

AE : La production de soja au Brésil est associée à la déforestation de l’Amazonie. Quel est réellement de l’impact de la culture de l’oléagineux sur cette région ?

Marcela Marini : Il faut d’abord rappeler que le Brésil met en œuvre depuis 2006, le « Moratoire sur le soja » de l’Amazonie qui prohibe l’achat par les exportateurs du soja provenant de la zone.

3soja foret

« C’est vrai que certaines parties de la forêt peuvent être endommagées.»

L’objectif principal est de garantir la croissance durable de l’industrie du soja. Après, il est important de mentionner que la nouvelle frontière pour le secteur du soja se trouve principalement dans le Cerrado et nous prévoyons que l’essentiel des nouvelles zones de culture proviendra de la conversion de pâturages dégradés. La majeure partie d’entre elles devrait d’ailleurs se situer autour des ports dans les régions du Nord et du Nord-Est qui ont amélioré leur capacité et ont investi dans les chaînes logistiques terrestres comme les autoroutes et les barges.

Peter Meyer : Il n’est pas rare d’entendre çà et là que la production de soja au Brésil met en danger la forêt amazonienne. Mais la réalité est que la majorité de l’expansion ne s’effectue pas dans la zone forestière.

« Il n’est pas rare d’entendre çà et là que la production de soja au Brésil met en danger la forêt amazonienne. Mais la réalité est que la majorité de l’expansion ne s’effectue pas dans la zone forestière.»

C’est vrai que certaines parties de la forêt peuvent être endommagées, mais la grosse partie de l’expansion des superficies ne se déroule pas dans l’Amazonie, mais plutôt dans les prairies. Il y a certainement un impact environnemental lié à la culture du soja, mais cela n’a pas d’effets considérables sur les forêts tropicales.

AE : La Chine est le principal acheteur de soja du Brésil et son importance n’a cessé de croître. Quels sont les derniers développements du côté de l’empire du Milieu ?

Marcela Marini : Les prix du soja connaissent une hausse significative depuis le second semestre 2020. Les stocks historiquement bas du côté des producteurs américains et brésiliens et de la demande croissante de la part des principaux consommateurs, dont la Chine, ont poussé les prix internationaux à des niveaux élevés depuis des années. Après le déclenchement de la peste porcine africaine, la Chine a vu une baisse de 40 % de ses effectifs de porcs. Avant cette épidémie, la Chine produisait près de la moitié de la viande de porc mondial. La baisse des effectifs a donc impacté l’offre chinoise en protéines animales et par conséquent, le pays a augmenté ses importations de viande. Le gouvernement compte baisser les achats en incitant les producteurs à relancer la production chinoise de porc. En se basant sur cela, la demande chinoise en soja pourrait augmenter sur les prochaines années dans la mesure où la demande en alimentation animale sera élevée.

Peter Meyer : La Chine est le principal importateur de soja brésilien et devrait en acheter 60 millions de tonnes sur un total de 100 millions de tonnes en 2020/2021. Les USA et le Brésil exporteront probablement 150 millions de tonnes sur ladite campagne. La Chine est le principal catalyseur du marché. Avec la PPA, les prix avaient baissé en deçà de 8 $ par boisseau avant de remonter actuellement autour de 40 $ avec la vigueur de la demande chinoise. S’il y a une perturbation de la Chine, cela a immédiatement un effet sur les cours du soja. On a l’habitude de dire que si la Chine éternue, le marché du soja attrapera la grippe !

AE : Que peut-on dire sur les perspectives sur la demande chinoise en soja sur les prochaines années ?

Marcela Marini : Comme la Chine est le principal importateur de soja, la perspective de hausse de la population et de la croissance du PIB par tête pourrait conduire à une hausse de la demande en protéine animale. Et cela suppose une hausse de la consommation d’aliments pour animaux et les principaux ingrédients sont le soja et le maïs. Les tendances de long terme indiquent que la demande chinoise en soja continuera à augmenter dans les prochaines années même si les prix élevés d’approvisionnement érodent les marges de l’industrie animale. Cette évolution devrait profiter au Brésil.

Peter Meyer : Nous anticipons une demande en hausse pour la Chine. L’année prochaine déjà, le plus grand consommateur de viande pourrait acheter 140 à 150 millions de tonnes de soja. L’expansion du Brésil peut tenir la cadence.

4News BR Soya de brasil

« Les superficies cultivables ne sont pas illimitées. »

Mais la demande est probablement plus stable que l’offre parce que le climat peut changer. On peut perdre 2 à 3 millions de tonnes par exemple au Brésil comme cela était le cas aux USA il y a quelques années. Dans tous les cas, c’est la Chine qui donne le ton et le futur de la récolte brésilienne est directement lié à la demande chinoise.

AE : Quels sont les facteurs les plus critiques qui peuvent conditionner l’essor de la filière brésilienne ?

Marcela Marini : Je pense que la disponibilité des terres et la technologie seront déterminantes pour la croissance de la production brésilienne. En raison de la forte disponibilité de pâturages dégradés, on peut s’attendre à ce que les hausses de la production se fassent dans les zones de pâturages non exploités. Même s’il y a « une histoire de déforestation » dans les régions du Brésil, le suivi et la législation seront des éléments clés pour une expansion durable à long terme.

Peter Meyer : Le facteur limitant le plus évident est la terre comme cela est le cas de manière classique, les superficies cultivables ne sont pas illimitées. Au-delà, je pense que le principal facteur limitant sur le court terme est le changement du point de vue du gouvernement sur l’expansion des superficies.

« Il est vrai qu’actuellement le gouvernement est en faveur de cela, mais l’évolution de la situation peut faire que la prochaine administration ne soutienne plus cette politique.»

Il est vrai qu’actuellement le gouvernement est en faveur de cela, mais l’évolution de la situation peut faire que la prochaine administration ne soutienne plus cette politique. Il y a aussi le climat. Sur le long terme, le temps doit être favorable pour que la production brésilienne suive le rythme de la demande chinoise. S’il fait trop sec ou trop humide, il y a des soucis. La météorologie est le principal facteur auquel il faut faire face au Brésil comme dans les autres pays producteurs comme les USA. Tout dépend du temps et il est difficile de prévoir cela.

Propos recueillis par Espoir Olodo

Espoir Olodo


Espoir OLODO
 
GESTION PUBLIQUE

Côte d’Ivoire : le gouvernement approuve l’adhésion à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement

Sénégal : Bassirou Diomaye Faye prend ses marques avec de premières visites en Mauritanie et en Gambie

Choléra : l’OMS préqualifie un nouveau vaccin oral plus facile à fabriquer dans un contexte de pénurie

« Le Contrat de Partage de Production, une opportunité pour les pays africains » (Gacyen Mouely)

 
FINANCE

La BAD et le GIABA lancent un nouveau projet de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en Afrique

18 700 millionnaires africains ont quitté le continent au cours de la dernière décennie (rapport)

Acre Impact Capital lève 100 millions $ pour financer des infrastructures adaptées au changement climatique en Afrique

Afrique de l’Ouest : Goodwell investit un montant non dévoilé dans la plateforme de commerce de détail OmniRetail

 
MINES

Une société des Émirats arabes unis s’intéresse au portefeuille de cuivre de Vedanta en Zambie

La tendance haussière actuelle devrait continuer jusqu’à la fin de l’année pour l’or qui vient de dépasser 2 400 $

Nigeria : la seule mine industrielle d’or a livré plus de 500 kg d’or au premier trimestre 2024

Niger : le gouvernement envisage de retirer un permis d’exploitation d’uranium détenu par le canadien GoviEx

 
TELECOM

Malgré une couverture géographique de 38 %, le Niger revendique une couverture mobile de 78 % de sa population (rapport)

La Guinée succède au Gabon à la tête du Conseil africain des régulateurs de télécommunications

Maroc : le régulateur télécoms réduit à un jour le délai de portabilité des numéros de téléphone

Tanzanie : Tigo se lance sur le segment de la fibre optique

 
TRANSPORT

L’Ouganda négocie chez Standard Chartered Bank un prêt de 117,26 millions $ pour construire la route Kitgum-Kidepo

L'aéroport Blaise Diagne de Dakar a enregistré 741 160 passagers au premier trimestre 2024

Nigeria : l’autorité portuaire obtient un prêt de 700 millions $ de UKEF pour moderniser Apapa et Tin-Can

Le Sénégal va réceptionner pour sa marine un nouveau patrouilleur fabriqué en France

 
ENTREPRENDRE

Avec Caytu Robotics, le Sénégalais Sidy Ndao permet de contrôler des robots multi-tâches à distance

La start-up malienne Kénèya Koura digitalise des processus de prise en charge sanitaire

Ouverture des candidatures pour le 14e Prix Orange de l’Entreprenariat Social en Côte d’Ivoire (POESCI)

AFAWA Finance Togo: BAD et AGF dynamisent l'accès au financement pour femmes entrepreneures

 
ECHO

CEMAC : les pays acceptant le plus de passeports africains sans visa

Cameroun : importations de véhicules en 2022

Le caoutchouc naturel en Côte d’Ivoire

Sénégal : chiffres de la fonction publique en 2023

 
FORMATION

Burkina Faso : le projet de formation professionnelle dès le cycle primaire se précise

Projet Better Education for Africa's Rise : la troisième phase cible l’Afrique de l’Ouest

Le Japon ouvre les candidatures 2025 de son programme de bourses aux étudiants étrangers

Au Bénin, un programme pour former les jeunes filles à la cybersécurité

 
COMM

Togo : le régulateur relève des « manquements graves » de RFI et France 24 dans la couverture de l’actualité locale

Elections : le régulateur togolais des médias suspend la délivrance des accréditations à la presse étrangère

Y’Africa, le magazine TV des talents africains : Orange annonce une troisième saison consacrée aux sportifs du continent

Canal + passe à 40,8 % de parts de MultiChoice et réduit ainsi le prix à payer pour racheter le sud-africain