(Agence Ecofin) - En cette fin de premier semestre 2020, les obligations internationales des Etats d’Afrique subsaharienne sont de nouveau sollicitées par les investisseurs. Cela s’explique entre autres, par la volatilité qui prévaut sur les marchés développés faisant de l’Afrique une destination refuge.
Les obligations émises par des pays d'Afrique subsaharienne sur les marchés internationaux des capitaux ont terminé le premier semestre 2020 sur une note positive. Elles affichent même une performance meilleure que celle des produits financiers de même nature qui sont émis par les pays d’autres marchés émergents ou frontières. Au bureau londonien du groupe financier néerlandais Rabobank, on attribue ce sentiment des investisseurs au trop-plein de liquidités qui circulent dans le monde actuellement.
« Il y a tellement de liquidités actuellement qu'il faut bien les investir quelque part et les actifs des marchés émergents en bénéficient clairement », a déclaré Piotr Matys, stratège chez Rabobank à Londres, selon des propos rapportés par Bloomberg. « Rien ne semble influencer négativement les marchés pendant plus d'un jour ou deux », a ajouté cet expert.
Les chiffres collectés sur les marchés confirment ce sentiment positif des investisseurs pour les obligations internationales contractées par des pays émetteurs africains. Les trois derniers mois, on note par exemple que les indices Standard & Poor’s qui sont liés à la performance des obligations africaines sont tous en hausse. C’est le signe de l'intérêt que leur accordent les investisseurs.
Sur des exemples plus spécifiques, on a observé au cours de la semaine s'achevant le 19 juin 2020 que les rendements sur les eurobonds du Kenya sont redescendus au niveau qu’ils étaient lors de leurs émissions. Au Nigeria, une évolution similaire a été observée sur les 4 obligations internationales qui arriveront à maturité d'ici 2025, tandis que les écarts sur les 7 autres obligations ont sensiblement baissé. Cela veut dire que les investisseurs sont largement demandeurs des titres des deux pays, et sont prêts à mettre un prix élevé ; ce qui fait baisser leurs rendements. Dans le cas contraire, les rendements auraient continué d'augmenter.
Des facteurs favorables expliquent le sentiment positif des investisseurs
Jusqu'ici, le continent noir s'en sort plutôt bien face aux conséquences économiques de la covid-19. Le Fonds monétaire international prévoit une récession record dans l'ensemble des régions du monde au cours de l’année 2020, mais celle de l’Afrique sera bien plus faible (-1,1%). Dans le même sillage, le continent abrite 18 des 30 économies mondiales qui maintiendront un niveau de croissance positive de leurs produits intérieurs bruts.
Le deuxième élément c'est que les programmes de relance économique amorcés dans les pays développés ont des effets limités sur les structures macroéconomiques. Les gains pour les investisseurs boursiers se chiffrent en milliers de milliards $, mais des pertes équivalentes sont tout aussi possibles. Par ailleurs, certains pays émergents ou frontières sont devenus un souci pour les investisseurs internationaux. L'Argentine par exemple est sur un cinquième défaut sur ses obligations internationales.
Dans un webinaire sur la réponse à la covid-19 où il était participant aux côtés d'autres ministres africains, Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin a rappelé que la vision d'une Afrique surendettée était exagérée. Il a pris l’exemple des pays comme le Japon, la France ou encore les Etats-Unis, où le niveau de la dette sur le PIB dépasse les 100% (contre une moyenne de 55% en Afrique), pour rappeler qu'un des vrais défis de l'Afrique est qu'elle est sous-financée ; ce qui ne lui permet pas de réaliser son plein potentiel.
Le continent bien que résilient, continue de travailler pour mobiliser des financements. En effet dans le cadre des différentes réponses de ses pays à la covid, de nombreux engagements budgétaires tardent à trouver des financements adéquats. Le durcissement des conditions d’accès aux marchés internationaux des capitaux a fait craindre que ce soit une tâche difficile. Le contexte actuel ouvre de nouvelles opportunités, y compris celles de pouvoir restructurer des obligations internationales existantes et obtenir lorsque le moment sera venu, des taux plus avantageux.
Idriss Linge
Lomé, Togo - Organisé par la BIDC.