Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemedti, l’homme qui terrorise les Soudanais

(Ecofin Hebdo) - Milicien au Darfour, général à Khartoum, le général « Hemedti », dont la fortune s’est construite, entre autres, grâce à la guerre, s’impose de plus en plus contre la figure dominante de la transition politique soudanaise. Mais, une transition vers quoi ? Malheureusement les seuls éléments indiquant une réponse à cette question sont les dizaines de morts laissés sur le sol de Khartoum par ses hommes au lendemain de la violente opération de répression survenue le 3 juin dernier.

Khartoum, aube du 3 juin 2019 : des contestataires pacifiques soudanais sacrifient à un rituel, devenu pratiquement quotidien ces derniers mois : le sit-in aux abords du quartier général de l’armée. Ils sont des dizaines de manifestants à camper devant les murs du complexe militaire lorsqu’une procession austère vient troubler leur relative quiétude. Au pas de charge, des hommes armés portant l’uniforme des forces de soutien rapide (RSF), la milice de Mohamed Hamdan Daglo, le numéro 2 du conseil militaire de transition, les encerclent. Les minutes qui suivront, des Soudanais, uniquement armés de leur engagement envers une vraie alternance à la tête du pays, seront criblés de balles, victimes d’un évènement dont le dénouement onirique relève presque du cauchemar.

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« Juste une opération de nettoyage qui a mal tourné ».

 

Des heures plus tard, à la télévision, le général Mohamed Hamdan Daglo, qui dirige les hommes des RSF, expliquera qu’il s’agissait juste « d’une opération de nettoyage ayant mal tourné ».

Les minutes qui suivront, des Soudanais, uniquement armés de leur engagement envers une vraie alternance à la tête du pays, seront criblés de balles, victimes d’un évènement dont le dénouement onirique relève presque du cauchemar.

Dans des conditions similaires, quelques jours plus tôt, il avait retourné la situation, expliquant avoir arrêté les criminels responsables du massacre, déguisés avec les uniformes du mouvement. Chez la population, la pilule est amère. Les balles ont fait pire que juste tuer des contestataires : l’esprit même de la révolte est plombé. Beaucoup sont encore trop effrayés pour réagir, d’autres préfèrent se résigner. La méthode du chef des RSF, éprouvée aux frontières du pays, a déjà marché sur de nombreux théâtres de guerre. Notamment au Darfour, où le leader Soudanais a fait ses armes.

 

Une révolution tuée dans l’oeuf

Au Soudan, la population ne sait plus à quel saint se vouer. D’après les médecins, la dispersion du sit-in devant le quartier général de l’armée a fait 108 morts et 500 blessés. Le conseil militaire de transition, lui, n’a compté que 46 morts. On est loin de l’ébauche de libération qui avait semblé se dessiner quelques semaines plus tôt, lorsqu’au mois d’avril dernier, l’armée avait destitué le président Omar El Béchir.

Le président était devenu plus que jamais contesté après que le prix du pain ait triplé en fin d’année 2018. Seulement, le sursaut de compassion de l’armée pour la population n’a pas duré longtemps. L’ex-président déposé, un conseil militaire de transition a été établi, pour deux ans, provoquant un important mouvement de contestation de la population. Celle-ci a alors décidé d’organiser un sit-in devant le quartier général de l’armée. A ses risques et périls.

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La chute de l’ancien président a également provoqué l’ascension de son épouvantail.

 

En effet, la chute de l’ancien président a également provoqué l’ascension de son épouvantail ; de son chef de guerre, qui terrorisait déjà la population grâce au RSF, sa milice. L’épouvantail s’appelle Mohamed Hamdan Daglo et il est le numéro 2 du conseil militaire de transition. On l’appelle Hemedti (ou Hemetti, Hemeti, Hemeiti…).

 

Meneur de bêtes, meneur de miliciens

Mohamed Hamdan Daglo est né en 1975 au sein de l’ethnie arabe Rizeigat Mahariya à la frontière entre le Tchad et le Soudan. Issu d’une famille de riches marchands de moutons et de chameaux, ses premières années le verront mener ces bêtes vers des pays comme la Libye et le Tchad. Victime d’une importante razzia dans le Darfour, à l’Ouest du Soudan, il est financé par le gouvernement pour créer une milice armée composée d’hommes de son ethnie. En théorie, son but était de protéger Nyala, la capitale du Darfour du Sud. Mais en pratique, cette mission se résume à terroriser les Fours, principale ethnie des rebelles de la région, en les traquant et en rasant leurs villages, entre autres exactions. Dès ses premières attaques, Mohamed Hamdan Daglo se montre efficace pour la guerre. Ses prédispositions lui permettent de s’élever rapidement dans la hiérarchie de Janjawids, les milices arabes à la solde d’Omar El Béchir.

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Né en 1975 au sein de l’ethnie arabe Rizeigat Mahariya à la frontière entre le Tchad et le Soudan.

 

Alors qu’il semble parti pour finir à la tête de ce groupement, l'accord d'Abuja conclu en 2006 permet au gouvernement de faire la paix avec un des principaux mouvements rebelles.

Dès ses premières attaques, Mohamed Hamdan Daglo se montre efficace pour la guerre. Ses prédispositions lui permettent de s’élever rapidement dans la hiérarchie de Janjawids, les milices arabes à la solde d’Omar El Béchir.

Certains Janjawids se sentent trahis et se retournent contre le président. Grâce à une compensation financière, Omar El Béchir arrive à apaiser les tensions. Pour s’assurer une collaboration durable de Mohamed Hamdan Daglo, il lui confie, en 2013, la direction des forces de soutien rapide (RSF), un nouveau mouvement armé composé d’anciens Janjawids. La milice fonctionne comme une garde prétorienne, tuant et violant selon le bon vouloir du président. En 2015, le RSF participe à la guerre du Yemen au sein de la coalition arabe conduite par l’Arabie Saoudite contre les chiites yéménites. Parallèlement, Mohamed Hamdan Daglo prend la tête d’une compagnie exploitant une mine d’or dans le nord du Darfour. Cette activité lui permet d’accroitre sa fortune et son influence.

Parallèlement, Mohamed Hamdan Daglo prend la tête d’une compagnie exploitant une mine d’or dans le nord du Darfour. Cette activité lui permet d’accroitre sa fortune et son influence.

Il devient alors lors l’une des pièces les plus importants de l’échiquier sécuritaire du pays et de la protection personnelle d’Omar El Béchir. A tel point qu’en 2017, à la faveur d’une loi fortement décriée, le RSF devient une force semi-autonome reliée à l’armée régulière. A partir de là, le mouvement commence à montrer les crocs, se substituant même parfois à la police pour assurer ses tâches à l’intérieur du pays. En quelques années, Mohammed Hamdan Daglo devient un général selon les grades de l’armée régulière : le général Hemetti.

 

La chute d’Omar El Béchir et l’étonnante ascension de l’ancien Janjawid

Au début du durcissement de la contestation contre Omar El Béchir, Mohamed Hamdan Daglo va prendre une décision particulière. Avec certains membres de l’armée, il convainc Omar El Béchir de quitter le fauteuil présidentiel et participe à la création du conseil militaire de transition, une institution censée assurer l’intérim gouvernemental, dont il se retrouve vice-président.

4Mohamed Hamdan Dagolo commander of the Rapid Support Forces militia enters an Iftar meal in his honor on May 18 2019 in Khartoum Sudan

« Ma patience avec la politique a des limites »

 

Plus proche du trône présidentiel qu’il ne l’a jamais été, le chef des RSF décide d’effectuer une mue, une transition, vers un statut d’homme d’Etat. Le processus passera par des discussions avec la communauté internationale. Sur le terrain, au Soudan, ses hommes sont dans la rue, intimidant les révolutionnaires qui refusent de laisser les militaires au pouvoir. Alors que le discours de leur chef se lisse pour éviter toute aspérité susceptible de l’éloigner des ambitions présidentielles qu’il arrive de moins en moins à camoufler, les hommes de « Hemedti» se lancent dans une répression de plus en plus violente des contestations.

Alors que le discours de leur chef se lisse pour éviter toute aspérité susceptible de l’éloigner des ambitions présidentielles qu’il arrive de moins en moins à camoufler, les hommes de « Hemedti» se lancent dans une répression de plus en plus violente.

« Ma patience avec la politique a des limites », préviendra-t-il avant que les drames qui constituent depuis quelques semaines le quotidien des Soudanais, ne surviennent. La contestation est matée dans le sang par le numéro 2 du régime intérimaire qui semble plus enclin à faire une transition vers l’époque sombre du Darfour, que vers une sortie de crise. Et ça, aucun accord international, aucune libération de prisonniers politiques ne semble pouvoir rassurer les Soudanais qui restent terrorisés par l’ancien épouvantail d’Omar El Béchir.

Servan Ahougnon

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