Les investissement mondiaux dans le pétrole devraient baisser de 30 milliards $ à cause du coronavirus (Rystad Energy)

(Ecofin Hebdo) - Depuis l’apparition de la pandémie du coronavirus, le secteur pétrolier connaît des heures difficiles. La demande a notamment baissé en Chine, principal importateur du monde, et le baril du pétrole est tombé sous la barre des 35 dollars. Ceci, face à l’échec des négociations visant à adopter une nouvelle réduction de l’offre et à la décision de l’Arabie Saoudite d’augmenter sa production et casser les prix. Mais pour l’analyste du secteur, Rystad Energy, les conséquences à très court terme pourraient être plus désastreuses, car contrairement à la crise de 2014, c’est la première fois depuis 2009 que la demande mondiale de pétrole va se contracter. La société estime, entre autres, que le coronavirus pourrait entraîner une baisse de près de 30 milliards de dollars des investissements mondiaux dans le secteur avant la fin de l’année. Décryptage.

 

Pire que la crise de 2014-2017 

Selon l’étude du cabinet Rystad Energy, publiée le 28 février dernier, la baisse de la consommation et la faiblesse du dynamisme du pétrole sur les marchés entraîneront de faibles recettes pour les compagnies du secteur, cette année. Par conséquent, elles n’auront pas suffisamment de marges pour réinvestir. Une situation qui devrait abattre les niveaux d’investissements de 30 milliards de dollars, sur le reste de l’année. Une grande partie de la croissance de la demande mondiale de pétrole, prévue cette année, sera donc perdue.

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… et le baril du pétrole est tombé sous la barre des 35 dollars.

 

« Ceci constitue un coup dur pour les efforts de reprise de l’industrie […] Toutefois, certains de ces investissements devraient revenir probablement en 2021 », a commenté Audun Martinsen, responsable de la recherche sur les champs pétrolifères chez Rystad.

La demande mondiale de pétrole s’élèvera à 99,9 millions de barils par jour en 2020, soit une baisse d’environ 90 000 barils par jour par rapport à 2019.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) renchérit dans ce sens, en indiquant que la demande globale de pétrole devrait diminuer en 2020, en raison de l’impact du coronavirus sur l’activité économique mondiale.

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 Audun Martinsen (Rystad) : « Un coup dur pour les efforts de reprise de l’industrie. »

 

Selon ses chiffres, la demande mondiale de pétrole s’élèvera à 99,9 millions de barils par jour en 2020, soit une baisse d’environ 90 000 barils par jour par rapport à 2019. Or, jusqu’en février dernier, l’AIE prévoyait encore une augmentation de la demande mondiale de pétrole de 825 000 barils par jour en 2020.

Contrairement à d’autres pays producteurs dans le monde, certains pays africains subissent déjà fortement les répercussions de la pandémie sur les cours de l’huile. La situation fait littéralement penser au ralentissement économique dans les pays producteurs africains à partir de 2016, date à laquelle les prix du baril ont atteint les niveaux les plus bas depuis plusieurs décennies.

Au Nigeria, la ministre des Finances Zainab Ahmed a annoncé que le pays ajustera son budget 2020 qui est de 29 milliards de dollars, étant donné que le gouvernement s’attend à une forte baisse des recettes pétrolières. Le premier producteur africain de brut comptait en effet sur un prix de référence moyen de 57 dollars par baril, bien loin du prix moyen actuel qui est de moins de 35 dollars.

Le premier producteur africain de brut comptait en effet sur un prix de référence moyen de 57 dollars par baril, bien loin du prix moyen actuel qui est de moins de 35 dollars.

Actuellement, les négociants ont du mal à trouver des acheteurs pour 55 cargaisons de pétrole brut nigérian, car la propagation du coronavirus a freiné la demande des raffineurs chinois et européens. La majeure partie du programme d'exportation de pétrole brut du Nigeria pour avril n'a pas été vendue, tandis que la moitié des cargaisons prévues pour la même période en Angola n'ont pas encore trouvé d'acheteurs, selon deux négociants spécialisés dans les qualités du golfe de Guinée qui se sont confiés à Bloomberg.

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Au Nigeria, la ministre des Finances Zainab Ahmed ajustera le budget 2020.

 

D’après le média américain, environ 70% des cargaisons chargées pour avril, en provenance de l'Angola et du Nigeria n'ont pas encore trouvé d'acheteur, ce qui représente un net recul par rapport au rythme normal des ventes.

Environ 70% des cargaisons chargées pour avril, en provenance de l'Angola et du Nigeria n'ont pas encore trouvé d'acheteur, ce qui représente un net recul par rapport au rythme normal des ventes.

En Angola, la ministre des Finances, Vera Daves, a déclaré le 5 mars que la volatilité des prix du pétrole affecte sensiblement l'économie angolaise. Elle a annoncé l’adoption de mesures d'assainissement budgétaire visant à contenir le taux d'endettement, sans mettre de côté les investissements essentiels à la production intérieure de biens et de services. Elle tempère cependant en indiquant qu’il est encore prématuré d'évoquer un quelconque scénario de révision budgétaire.

En Chine, outre la chute de la demande, un autre segment de l’industrie va fortement peser dans le déséquilibre du marché. Il s’agit de la production des unités flottantes de liquéfaction, de stockage et de déchargement (FPSO), dont la Chine est l’un des acteurs les plus importants.

 

L’industrie du FPSO affectée

En Chine, la faiblesse de la demande pétrolière a entraîné une baisse de l’activité industrielle. En ce moment, il y a 28 FPSO en cours de construction dans le monde. 15 sont en cours de développement en Chine, sept en Corée du Sud ainsi qu'à Singapour, tandis que le reste est partagé entre d'autres régions du monde. Rystad Energy s'attend à ce que l'épidémie provoque d'importantes pénuries de personnel et d'approvisionnement sur ces chantiers. Cela retardera les livraisons de projets d'au moins trois à six mois, ajoute-t-elle.

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Pour produire un FPSO, il faut en moyenne 36 mois.

 

En effet, de nombreux travailleurs chinois ont bénéficié d'une prolongation de leurs vacances au début du mois de février après le Nouvel An chinois, afin de limiter la propagation de la maladie. Cependant, même si les travailleurs retournent sur les chantiers, le consultant estime que les projets pourraient encore devoir faire face à une réduction de 30 à 50 % des heures de travail. Si aucun traitement n’est rapidement trouvé, les délais de livraison pour le début de la production sur plusieurs projets mondiaux pourraient passer à neuf, voire douze mois. Sachant que pour produire un FPSO, il faut en moyenne 36 mois, l’apparition du coronavirus pourrait étendre l’achèvement d’un projet de construction à 48 mois, soit quatre ans.

Sachant que pour produire un FPSO, il faut en moyenne 36 mois, l’apparition du coronavirus pourrait étendre l’achèvement d’un projet de construction à 48 mois, soit quatre ans.

Plusieurs projets pétroliers prévus pour 2020 risquent même de ne pas démarrer, selon les délais initiaux. Conformément au scénario de Rystad, les compagnies ne pourront pas exécuter certains de leurs projets et pourraient faire face à de graves manques à gagner.

« Bien que les opérateurs et les entrepreneurs cherchent des moyens de rattraper une partie du temps perdu en accélérant d'autres étapes de développement, nous prévoyons que les premiers projets pétroliers ou gaziers seront confrontés à des retards importants », a affirmé Audun Martinsen.

En cas d’élimination de cet obstacle, les progrès de la construction pourraient également être ralentis par des retards d'approvisionnement, car la livraison de matériaux en vrac, de modules et d'équipements est entravée par des restrictions de transport à l'intérieur et à l'extérieur de la Chine continentale.

En outre, la gestion des projets sera confrontée à de graves problèmes, car les interdictions de voyager restreignent l'accès des entrepreneurs, des sociétés d'ingénierie, des sociétés de certification et des responsables de l'E&P (Exploration & Production) aux chantiers navals.

Pour l’instant, les experts ne savent pas quand s'atténueront les effets de l'épidémie, mais une chose reste claire : la situation va s'aggraver en mars et l'impact du virus ne se limite pas aux chantiers de fabrication chinois - il touche l'ensemble de l'industrie mondiale des services pétroliers, révèle Rystad Energy.

La situation va s'aggraver en mars et l'impact du virus ne se limite pas aux chantiers de fabrication chinois - il touche l'ensemble de l'industrie mondiale des services pétroliers.

Pour les pays producteurs de pétrole, les choses s’annoncent plutôt mal. L’accord OPEP+ qui dure depuis 2016 est rompu. Les responsables du secteur russe du pétrole sont lassés d’accompagner l’OPEP dans sa stratégie de stabilisation du marché et l’Arabie Saoudite est de nouveau prête à inonder le marché comme en 2014.

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On voit ainsi transparaitre une stratégie visant à affecter le schiste américain.

 

On voit ainsi transparaitre une stratégie visant à affecter le schiste américain, car un prix du baril d’huile conventionnel trop bas n’est pas intéressant pour la compétitivité du schiste.

La course aux parts de marché est donc lancée et la baisse des prix du pétrole entraînera une réduction des budgets d'investissement des compagnies pétrolières et gazières. L’année 2021 risque déjà d’être difficile pour les investissements dans l’amont.

Olivier de Souza

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