L’Afrique en passe de prendre le leadership mondial de la production de graphite, un matériau du futur

(Ecofin Hebdo) - Le secteur du graphite vit une nouvelle ère avec la croissance continue due à la demande en véhicules électriques. Ces derniers mois, on assiste à une course entre la Chine et l’Occident pour s’octroyer la production des mines africaines, qui se traduit par plusieurs accords d’achat. Alors que l’avenir de ce secteur s’annonce reluisant, «pour au moins la prochaine décennie», l’Afrique semble en position force. Saura-t-elle en profiter ?

 

De l’importance du graphite…

Le graphite est un matériau léger, flexible, malléable, compressible, inerte et non toxique. Il possède une forte conductivité thermique et électrique et d’une grande résistance à la chaleur. Qu’il soit naturel ou synthétique, il est essentiel dans plusieurs grands secteurs de l’économie mondiale, en l’occurrence la métallurgie, la sidérurgie, l’énergie ou encore l’automobile. Forme naturelle de carbone pur, on l’utilise dans la fabrication des écrans (ordinateurs, téléphones portables) pour évacuer la chaleur.

batteries

La demande de graphite a continué de croître fortement en 2018, soutenue par le boom des véhicules électriques.

 

Il est également utilisé pour fabriquer des cokes des hauts-fourneaux en sidérurgie pour son excellente résistance aux températures élevées. De par sa conductivité, le métalloïde est utilisé dans la fabrication d’électrodes, d’accumulateurs (piles alcalines et lithium-ion) pour des véhicules hybrides et électriques. Il fait notamment office de second composant dans la fabrication des batteries lithium-ion.

 

Un marché en forte croissance

Selon un rapport d’Investing News Network, la demande de graphite a continué de croître fortement en 2018, soutenue par le boom des véhicules électriques, en particulier sur le marché chinois.

Le marché s’est précipité pour répondre à cette croissance de la demande, ce qui s’est traduit par une augmentation de l’offre en provenance d’Afrique, où de nouvelles mines sont entrées en production.

«Pour la première fois depuis une génération, nous avons commencé à voir la Chine importer d'importantes quantités de graphite naturel comme matière première», a déclaré Albert Li, analyste chez la firme londonienne Benchmark Mineral Intelligence.

Alors que l’empire du Milieu, qui a toujours la mainmise sur le secteur, a fermé temporairement plusieurs usines pour des préoccupations d’ordre environnemental, les utilisateurs chinois se sont intéressés au marché africain pour satisfaire leurs besoins.

«Pour la première fois depuis une génération, nous avons commencé à voir la Chine importer d'importantes quantités de graphite naturel comme matière première», a déclaré Albert Li, analyste chez la firme londonienne Benchmark Mineral Intelligence.

Graphite Syrah

Les cours du graphite ont doublé en 10 ans.

 

Le marché a ainsi connu une accélération de la production dans quatre nouvelles mines importantes de graphite en paillettes exploitées respectivement par Syrah Resources et AMG (Graphit Kropfmuhl) au Mozambique, Bass Metals à Madagascar et Imerys Graphite and Carbon en Namibie.

Les cours ont atteint 3000$/t en 2011 (+ 500% en 7 ans), avant d’être progressivement ramenés aux alentours de 1300 – 1400 $/t en 2016, ce qui reste tout de même 190% supérieur à 10 ans plus tôt.

En ce qui concerne les prix, ils sont toujours à la baisse en raison de la «sécurité» apportée au marché par l’augmentation de l’offre africaine. Il faut noter que les cours ont atteint 3000$/t en 2011 (+ 500% en 7 ans), avant d’être progressivement ramenés aux alentours de 1300 – 1400 $/t en 2016, ce qui reste tout de même 190% supérieur à 10 ans plus tôt.

 

Quelles perspectives pour 2019 ?

Selon Suzanne Shaw, analyste senior chez Roskill, la demande des batteries ne se relâchera pas en 2019. «L'offre et la demande seront plus qu'adéquates en 2019, mais cela dépend de la quantité de graphite mise sur le marché par Syrah Resources (et sa mine Balama au Mozambique, NDLR) et d’autres compagnies», a-t-elle expliqué.

Pour Benchmark Mineral Intelligence, les perspectives de demande sur le marché du graphite sont également positives, compte tenu de la consommation croissante des marchés industriels et de l'émergence d'applications à valeur ajoutée.

«Le graphite sera la matière première de base des anodes pour batteries lithium-ion pendant au moins les cinq prochaines années, mais de nouvelles technologies commenceront à gagner du terrain», a déclaré la firme londonienne.

«Le graphite sera la matière première de base des anodes pour batteries lithium-ion pendant au moins les cinq prochaines années, mais de nouvelles technologies commenceront à gagner du terrain», a déclaré la firme londonienne.

Pour répondre à cette demande croissante, elle estime que de nouvelles capacités de production de graphite naturel et synthétique sont nécessaires. «Un grand nombre de gisements de graphite en paillettes sont en cours de développement, dont plusieurs ont fait l'objet d'une étude de faisabilité définitive ou sont dotés d'usines pilotes - il s'agit maintenant d'une course au financement», indique Mme Shaw.

Parallèlement, les prix continueront de baisser en 2019 à mesure que l'offre continuera d'augmenter, si l’on en croit la firme Roskill. Elle précise toutefois qu'ils seront à nouveau en hausse dans les années à venir, car les prévisions de croissance des batteries sont si rapides que la demande croissante mettra bientôt le marché sous pression.

 

Ces pays africains producteurs de graphite…

 

Le Mozambique, future superpuissance du graphite

Le sous-sol mozambicain héberge d’énormes ressources de graphite. Les découvertes réalisées depuis 2013 multiplient par 3 les ressources mondiales alors que les réserves prouvées équivalent à environ 52% des réserves mondiales. Le pays abriterait à lui seul des ressources allant jusqu’à 2,7 milliards de tonnes, dont 124 millions de tonnes de réserves prouvées (données datant de 2016). Sur cette richesse se ruent plusieurs compagnies minières, notamment australiennes.

Il est prévu que la production mozambicaine de graphite atteigne 540 000 tonnes/an d’ici 2020, talonne la Chine et devance des pays comme l’Inde, le Brésil, la Corée du Nord ou la Turquie.

Ainsi, Syrah Resources exploite déjà la mine Balama, qui pourrait représenter à elle seule le tiers de la production mondiale, une fois la capacité maximale atteinte. La société cotée à la bourse ASX a conclu en 2018 plusieurs accords de vente avec des groupes chinois, notamment sur le marché des anodes pour batteries.

Outre Syrah, sont également présents en Mozambique des compagnies minières comme Triton Minerals sur la mine Ancuabe, Graphit Kropfmuhl (GK) sur un autre gisement à Ancuabe, Battery Minerals sur les projets Montepuez et Balama Central, ou encore Balama Resources sur le projet Caula. En dehors de GK, qui exploite déjà sa mine, les autres sociétés ne produisent pas encore, mais sont à des stades assez avancés.

 Syrah developments January 2017 2

Syrah Resources pourrait représenter à elle seule le tiers de la production mondiale, une fois la capacité maximale atteinte.

 

Il est prévu que la production mozambicaine de graphite atteigne 540 000 tonnes/an d’ici 2020, ce qui équivaudrait à 45% de la production mondiale de 2016 (1,2 million de tonnes/an). Cela pourrait permettre au pays de talonner la Chine et de devancer des pays comme l’Inde, le Brésil, la Corée du Nord ou la Turquie.

 

Zimbabwe

Le Zimbabwe a produit 7000 tonnes de graphite en 2015. Le pays était classé le premier producteur de graphite du continent africain et le 10e sur le plan mondial. La plus grande mine de graphite du pays demeure la mine de Lynx, opérée par la société allemande Graphit Kropfmuhl (GK).

 

Madagascar

Le pays a longtemps fait partie des plus grands producteurs de graphite d’Afrique. Il exporte en moyenne 10 000 tonnes de graphite par an, principalement vers la Chine, les États-Unis et l’Inde. Le plus grand gisement de l’île se trouve dans la province de Toamasina et quatre sociétés y exploitent du graphite, en l’occurrence Gallois, Bass Metals, Power Stand Development et Rostin. D’autres sociétés, BlackEarth Minerals par exemple, mènent des activités d’exploration.

 

Tanzanie

Plusieurs gisements de graphite ont été découverts cette décennie en Tanzanie. Le plus important est le projet Bunyu, piloté par la compagnie minière Volt Resources, avec une capacité de traitement de 400 000 tonnes par an. En plus du projet Bunyu, Volt Resources développe le projet Namangale. Magnis Energy Technologies, quant à elle, développe le projet Nachu, d'une capacité de 240 000 t/a et d'une durée de vie de 15 ans, tandis que Kibaran Resources développe le projet Epanko, capable de produire annuellement 60 000 t/a de graphite.

 Arusha

La Tanzanie se positionne parmi les trois premiers producteurs mondiaux de graphite.

 

Citons également Armadale Capital qui travaille sur le projet Liandu, Black Rock Mining sur le projet Mahenge, ou encore Graphex Mining et son projet Chilalo. Une fois pleinement opérationnels, les projets devraient positionner la Tanzanie parmi les trois premiers producteurs mondiaux de graphite.

 

Et les autres…

D’autres pays africains possèdent des ressources de graphite. Citons notamment la Guinée, où la société canadienne SRG Graphite gère le projet Lola, ou encore le Malawi, où Sovereign Metals pilote le projet Malingunde.

« Les pays disposant d'installations de transformation en aval seront ceux qui profiteront le plus »

 Sovereign Metals

Julian Stephens, DG de Sovereign Metals, compagnie active sur le graphite au Malawi.

 

AE : En novembre 2018, vous avez publié l'étude de préfaisabilité du projet Malingunde. Comment avance le projet ?

JS : Nous venons tout juste de commencer l'étude de faisabilité définitive qui devrait durer de 6 à 8 mois. Parallèlement, nous commencerons le processus d'obtention de permis, une fois notre étude d'impact environnemental terminée dans environ un mois. En supposant que tous les permis soient délivrés et que le financement soit obtenu, nous pourrions commencer la construction au début de 2020 et la production début 2021.

AE : Vous travaillez au Malawi, une nation qui n’est pas forcément reconnue pour ses richesses minérales. Comment trouvez-vous l’environnement minier du pays ?

JS : Le secteur minier au Malawi n'est pas très développé. Cependant, le sous-sol héberge potentiellement de grandes richesses minières, notamment les sables minéraux, les terres rares, le graphite, l'uranium, le niobium et le charbon. Le gouvernement est en train d'adopter une nouvelle loi minière, qui facilitera l’avancée de l'industrie minière. Le Malawi est un pays amical et où il est facile de travailler.

 

AE : On assiste depuis plusieurs années à un regain d’intérêt des investisseurs pour le secteur du graphite. A quoi serait-ce dû ?

JS : Le principal moteur de cet intérêt est le secteur émergent des batteries lithium-ion et en particulier la thématique des véhicules électriques. Cela dit, les marchés traditionnels tels que les réfractaires représentent encore environ 80 % de la consommation de graphite.

 

AE : Selon vous, quel potentiel économique présente l’industrie du graphite pour les pays producteurs ?

JS : L’industrie du graphite présente un fort potentiel économique compte tenu de l'émergence de l'industrie des batteries au lithium-ion. Les pays disposant d'installations de transformation en aval seront ceux qui profiteront le plus.

 

Louis-Nino Kansoun

 Louis Nino Kansoun

 

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