Mouna Kadiri : « La ZLECA est porteuse de choses extraordinaires pour le continent africain et ses habitants »

(Ecofin Hebdo) - Mouna Kadiri, est Directrice du Club Afrique Développement, émanation du groupe bancaire marocain Attijariwafa Bank. A Douala, elle a co-présidé, avec le ministre en charge du commerce, la troisième rencontre du Club au Cameroun et a accepté de partager avec l’Agence Ecofin, les dynamiques de son organisation, notamment dans la perspective d’un marché unique continental.

 

Agence Ecofin : Vous êtes au Cameroun dans le cadre du Club Afrique Développement et vous avez placé le commerce au cœur des échanges. Pourquoi avoir choisi de focaliser sur le commerce, ici, justement, à Douala ?

Mouna Kadiri: Cette mission multisectorielle sur le thème du commerce comme levier de croissance de l’entreprise a été élaborée de concert avec SCB Cameroun et le Club Afrique Développement Cameroun qui sont les plus à même d’identifier les sujets les plus importants pour les entreprises, qu’elles soient camerounaises où internationales, susceptibles d’intéresser l’acte d’investissement et de création de valeur. Vu les évolutions, notamment sur la réglementation des changes et un certain nombre de réformes structurantes menées par le Cameroun, et la volonté, qu’elle soit politique ou privée, de donner de la visibilité sur ces évolutions, le comité, qui a travaillé sur mission multisectorielle, estimait bon de se focaliser sur le Trade et donc sur les possibilités énormes de créer de la valeur par des deals, des joint-ventures ou des investissements.

1 Mouna Kadiri directrice du Club Afrique Développement

« Ce partage d’expérience doit contribuer à créer cette conscience collective intra africaine.»

 

Le cœur de cette mission multisectorielle, ce sont les rendez-vous d’affaires, après avoir donné une information fiabilisée, directement émanant des sources les plus sures, des autorités les plus importantes du pays, notamment le ministre du Commerce qui a parrainé cette mission, l’adjoint au directeur national de la BEAC ou le témoignage élégant de la présidente de Telcar Cacoa, Mme Fotso.  

« Le cœur de cette mission multisectorielle, ce sont les rendez-vous d’affaires après avoir donné une information fiabilisée, directement émanant des sources les plus sures, des autorités les plus importantes du pays.» 

Ainsi, les participants, après avoir eu accès à ces informations de première main ont eu la possibilité de participer à des rendez-vous d’affaires en fonction de l’intérêt direct et concret de leur secteur pour la mise en œuvre des projets d’investissement, de deals et de joint-ventures.

C’était aussi l’opportunité de découvrir sur le terrain de quoi on parle, notamment à travers la visite emblématique du port autonome de Kribi qui est un projet immense, localisé dans un pays stratégique. Les participants ont eu l’occasion de voir l’immensité des surfaces, la modernité du projet. En allant sur le terrain rencontrer les gens cela suscite de l’appétit pour les entreprises à travers des mises en confiance. Voilà pourquoi on a choisi ce thème.

 

Agence Ecofin : Le Club se veut un outil qui contribue à bâtir l’Afrique commerciale de demain. Et quand on parle de demain, on voit la ZLECA qui devrait entrer en activité d’ici juin 2020. Pour être concret, comment envisagez-vous de soutenir les entreprises qui font partie de votre Club afin de tirer avantage de cette ZLECA ?

Mouna Kadiri: Bien avant cette ZLECA, il faut relever que nous avons à notre actif un bilan de 10 ans sans zone de libre-échange, avec tous les obstacles que vous connaissez déjà liés aux infrastructures, aux procédures administratives, au transport, à la logistique. On avait constaté sur le terrain un appétit immense des entreprises africaines de pouvoir se développer à l’échelle du continent. On a pu faire se rencontrer plus de 10 000 entreprises en 6 éditions du Forum international Afrique Développement avec des rendez-vous d’affaires structurés. Ces rendez-vous d’affaires ont généré des deals concrets, des investissements, des usines, des deals dans la distribution et j’en passe... Ça c’est juste le bilan directement déclaré qui se chiffre en millions et en millions de dollars.

« On avait constaté sur le terrain un appétit immense des entreprises africaines de pouvoir se développer à l’échelle du continent.»

Le premier constat, c’est de dire qu’il suffit d’apporter un cadre fiabilisé à l’entreprise pour quelle construise une relation de confiance avec son partenaire, pour qu’il ait un axe de création de valeur. Ça c’est en l’état, sans zone de libre-échange.

Notre rôle, c’est de raconter cette histoire, d’être un peu le porte-voix du secteur privé africain qui dit : « Oui !! c’est possible, c’est nous qui créons de l’emploi, et cette zone de libre-échange n’est pas qu’un acte politique fort, mais aussi un acte de création de valeur économique très fort parce que sans elle, nous arrivons à travailler ensemble, mais avec elle, c’est le début de quelque chose. Et on peut pousser vers d’autres records historiques ».

« Cette zone de libre-échange n’est pas qu’un acte politique fort, mais aussi un acte de création de valeur économique très fort parce que sans elle, nous arrivons à travailler ensemble, mais avec elle, c’est le début de quelque chose. Et on peut pousser vers d’autres records historiques ».

Notre rôle, donc, depuis la dernière édition du Forum Afrique Développement dont le thème était : « Quand l’Est rencontre l’Ouest »,  c’est de vulgariser d’abord, faire savoir et faire connecter, dans la réalité et la vie quotidienne de l’entreprise, cette actualité que tout le monde voit à travers les journaux, à travers les grands titres. Et de lui faire prendre conscience que dans ce plan stratégique sur 2020-2025, la ZLECA est une donnée fondamentale pour l’augmentation des opportunités de business.

Nous avons aussi voulu commencer à transgresser le schéma historique dans lequel les pays africains sont habitués à travailler depuis les indépendances. On est habitués à travailler nord-sud, sud-sud et autres franco-centrés ou anglo-centrés. Et bien nous avons voulu casser cette affaire-là et faire connecter des grandes régions, des grandes cultures, des grands ensembles culturels pour acter ces premiers pas sur le terrain, pour qu’on puisse travailler ensemble.

« Nous avons aussi voulu commencer à transgresser le schéma historique dans lequel les pays africains sont habitués à travailler depuis les indépendances. On est habitués à travailler nord-sud, sud-sud et autres franco-centrés ou anglo-centrés. Et bien nous avons voulu casser cette affaire-là. »

C’est pour cela que nous avons invité des représentants, notamment du Kenya, du Rwanda, et la Sierra Léone, comme invité d’honneur. On a aussi eu quelques représentants du Nigéria et de la Chine, tout cela pour un peu secouer les schémas dans lesquels nous sommes habitués à travailler et commencer à acter sur le terrain ce brassage, même dans la manière de travailler.

« Il faut être très jaloux de cette dynamique. Il faut la protéger par ce que c’est un cheminement qui va prendre du temps mais qui est porteur de choses extraordinaires pour ce continent et ses habitants.»

Ce partage d’expérience doit contribuer à créer cette conscience collective intra africaine qui finalement n’est que récente. Il faut être très jaloux de cette dynamique. Il faut la protéger par ce que c’est un cheminement qui va prendre du temps, mais qui est porteur de choses extraordinaires pour ce continent et ses habitants.

 

Agence Ecofin : On ne parle presque plus de trade sans parler de finance, et quand on voit le Club Afrique Développement, on voit l’institution qui est Attijariwafa Bank et ses grands partenaires, comme Banco Santander, basé en Espagne. Et puis, on a aussi, à côté du fonds panafricain Al Mada, de gros fonds d’investissement qui sont actifs en Afrique.  Dites-nous comment tout cet ensemble va se déployer pour financer le commerce intra-africain.

Mouna Kadiri: C’est l’opportunité pour moi d’exposer le fonctionnement et le schéma adopté par notre Club. Le club a décidé, dans son organisation, de mettre en réseau et de fédérer les forces des banques du groupe Attijariwafa Bank et des communautés avec lesquelles elles travaillent, que ce soit les forces publiques ou les forces privées.

2 Mouna Kadiri directeur du Club Afrique Développement 1

« Nous sommes des gens pragmatiques et le terrain, c’est d’abord l’entreprise africaine».

 

Ensuite, nous avons l’impulsion majeure d’un des acteurs en fonds d’investissement panafricain qui est le fonds Al Mada, actionnaire de référence du groupe Attijariwafa Bank. Et également nous avons été membre fondateur d’une alliance qui s’appelle le Trade Club Alliance qui fédère 14 banques à l’échelle mondiale. Il faut d’ailleurs savoir que le groupe Attijariwafa Bank est seule, avec une banque sud-africaine, à faire partie de cette alliance qui couvre 65% des corridors du Trade international aujourd’hui.

La création de cette alliance date de début octobre et elle est l’interface des plateformes telles que celles du Club Afrique Développement en terme d’accompagnement et de mise en relation, d’accès à l’information fiabilisée, de soutien de financement, éventuellement de ces 14 banques, tout cela avec l’implication de Banco Santander.

Cette alliance fédère aujourd’hui plus de 16 000 entreprises. Il faut savoir, et nous en sommes fiers, que le Club Afrique Développement a été référencé par des banque d’envergure mondiale, comme une expérience inédite à l’échelle du continent. C’est pour vous dire le crédit qui est accordé à l’activité de l’entreprise africaine dont nous sommes l’un des porte-voix.

 

Agence Ecofin : Il existe aussi beaucoup d’initiatives internationales, comme celles mises en place par la Chine, le Japon, l’Inde, ou encore la Russie qui s’est récemment illustrée. Au niveau du Club Afrique Développement, ces synergies qui se développent hors de l’Afrique pour venir conquérir le continent, vous les voyez comme des opportunités de partenariat, des concurrents qu’il faut combattre durement ou un peu des deux selon les cas ?

Mouna Kadiri: Notre vision des choses est d’être au service du développement de l’Afrique mais elle n’est pas afro-centrée. C’est-à-dire qu’une entreprise, peu importe son origine, peu importe son identité, une fois qu’elle vous démontre qu’elle est capable de contribuer au développement d’une communauté, de créer des jobs et de payer les taxes pour améliorer la vie d’une société ou d’une ville ou d’un pays, elle est la bienvenue dans le Club Afrique Développement.

« C’est-à-dire qu’une entreprise, peu importe son origine, peu importe son identité, une fois qu’elle vous démontre qu’elle est capable de contribuer au développement d’une communauté, de créer des jobs et de payer les taxes, elle est la bienvenue dans le Club Afrique Développement.»

Nous sommes des gens pragmatiques et le terrain, c’est d’abord l’entreprise africaine. Nous voulons décloisonner toutes ces barrières psychologiques, mentales et immatérielles qui existent aujourd’hui entre nous, les Africains de divers horizons, de diverses cultures et de divers pays. Ce chemin est tout nouveau. Depuis les indépendances, nous ne nous connaissons pas assez, nous avons dans le meilleur des cas des clichés et dans le pire des cas, on l’a vu malheureusement dans les dernières actualités dans certains pays, des choses assez atroces à l’échelle humaine.

« Depuis les indépendances, nous ne nous connaissons pas assez, nous avons dans le meilleur des cas des clichés et dans le pire des cas, on l’a vu malheureusement dans les dernières actualités dans certains pays, des choses assez atroces à l’échelle humaine.»

Partant de ce diagnostic nous nous sommes concentrés sur le décloisonnement. Nous donnons de l’information fiabilisée, nous connectons, nous accompagnons, nous encourageons, nous répondons à l’appétit qui est exprimé par l’entreprise africaine.

Il faut aussi savoir que l’Afrique n’est pas uniquement consommatrice de choses que décident les partenaires étrangers. Je pense à de récentes prises de parole assez éloquentes, en l’occurrence. Il est grand temps que nous soyons acteurs et que nous prenions nos responsabilités.

Nous avons vu, entre 2010 et 2016, naître des stratégies de développements nationaux fiabilisés, segmentés, avec des banques, des projet d’investissement qui font appel à l’investissement international. Et qui dit international dit forcement étranger ou des groupes qui sont des multinationales.

Aujourd’hui qu’est-ce qu’une nationalité quand vous faites des remontées d’actionnariat, on ne sait plus qui est qui. Donc nous sommes concentrés sur la création des valeurs sur le continent.

 

Propos recueillis par Idriss Linge

Idriss Linge 

Ndeye Khady Gueye

 

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