L’enjeu des entreprises africaines dans la guerre mondiale du streaming et de la vidéo à la demande

(Ecofin Hebdo) - Avec l’augmentation récente de la pénétration des smartphones et d’internet, le marché potentiel du streaming et de la vidéo à la demande, en Afrique, est en pleine croissance. A tel point que Netflix et Spotify, des leaders mondiaux, respectivement dans le domaine de de la vidéo à la demande et du streaming musical, se sont installés sur le continent. Dans la foulée, les opérateurs de télévision payante et autres groupes audiovisuels présents sur le continent se sont jetés sur le marché. Ceci, naturellement à cause de son potentiel, mais aussi pour éviter de laisser un quasi-monopole aux deux leaders étrangers. Après les opérateurs de télévision payante, ce fût le tour des entreprises indépendantes du continent de se lancer sur un marché où s’annonce une véritable guerre. Les entreprises africaines sont-elles prêtes à combattre ?

 

Un marché presque vierge mais déjà très concurrentiel

En Afrique, le streaming et la vidéo à la demande (VoD) sont relativement récents. Ils sont apparus sur le continent avec la vague de services over the  top (OTT) devenus populaires durant les années 2010. Un OTT est un service offrant du contenu audio, vidéo et d'autres médias sur Internet, sans la participation d'un opérateur de réseau traditionnel comme une compagnie de câble, de téléphone ou de satellite.

L’une des principales caractéristiques du marché des OTT est la concurrence féroce qui y règne. En effet, au plan mondial, le business du streaming et de la VoD est dominé par un Big four composé de Netflix, YouTube (Google), Hulu et Amazon Vidéo. Aux États-Unis, le plus important marché des OTT, ces quatre acteurs captent 79,8 % du temps passé sur un service OTT, selon le rapport State of OTT publié par Comscore. Ces 4 acteurs ne laissent que 21,2 % du temps passé sur un OTT aux autres acteurs du secteur.

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Loin d’être une particularité américaine, la domination d’acteurs du Big four de l’OTT est également présente dans les autres régions. En Europe, Netflix, Amazon et Google dominent également le marché. En Asie, c’est au tour de Hulu d’avoir la position dominante, toujours aux côtés de Netflix et d’Amazon. Seulement, ces marchés sont proches de leur maturité. Le dernier territoire offrant un important potentiel de croissance est l’Afrique.

En Europe, Netflix, Amazon et Google dominent également le marché. En Asie, c’est au tour de Hulu d’avoir la position dominante, toujours aux côtés de Netflix et d’Amazon.

Déjà, le continent connaît d’importants progrès sur le plan économique. En plus, selon les Nations-Unies, une personne sur 4 sera africaine en 2050.

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Le dernier territoire offrant un important potentiel de croissance est l’Afrique.

 

C’est un marché potentiel de 2,4 milliards de personnes. Ce qui explique l’intérêt de Netflix, de plus en plus présent sur le continent, et d’Amazon Vidéo qui a récemment commencé à acquérir du contenu africain. Les autres acteurs principaux de l’industrie mondiale du streaming et de la VOD devraient suivre et, avec eux, a priori, le partage du marché observé dans les autres régions du monde. Une mauvaise nouvelle pour les entreprises africaines qui désirent être présentes sur ce secteur.

 

La faiblesse des plateformes prônant le tout africain

La difficulté annoncée pour les entreprises africaines dans le domaine du streaming et de la VoD se décline en plusieurs problèmes.

Il y a premièrement la question des moyens. A l’instar de l’écosystème de la production de contenu, aucune entreprise africaine ne dispose des moyens colossaux des entreprises du Big four. Et ces géants internationaux sont inévitables, la globalisation du web le rendant pratiquement indépendants de toutes les frontières.

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Les entreprises continentales qui, pour la plupart, font le choix du « tout africain », se retrouvent pénalisées par le manque de diversité de leurs catalogues.

 

L’autre problème, le principal d’ailleurs, vient du comportement du consommateur. En effet, ceux-ci se tournent toujours vers l’offre ayant le plus de diversité. Par exemple, Netflix acquiert du contenu africain, mais pas seulement. Pour les Africains, il offre à la fois la possibilité de retrouver des films et des séries de leur continent, mais aussi du contenu cosmopolite venant de plusieurs régions du monde.

Par exemple, Netflix acquiert du contenu africain, mais pas seulement. Pour les Africains, il offre à la fois la possibilité de retrouver des films et des séries de leur continent, mais aussi du contenu cosmopolite.

Face à la firme américaine, les entreprises continentales qui, pour la plupart, font le choix du « tout africain », se retrouvent pénalisées par le manque de diversité de leurs catalogues. D’ailleurs, les entreprises africaines qui tentent de diversifier leurs catalogues se heurtent souvent à l’incapacité de lutter quantitativement, voire qualitativement, contre ce que proposent les géants du secteur.

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Afrostream, le « Netflix africain » n’a pas pu résister à la concurrence.

 

Individuellement, les entreprises africaines ne semblent pas réellement disposer des moyens de lutter contre les acteurs étrangers. Et ce n’est pas la mort, en 2017, d’Afrostream, le « Netflix africain », qui viendra contredire ce constat.

Lire aussi :  18/09/2017 - Fin des activités d’Afrostream : gloire et décadence du Netflix africain

Les seuls alliés des entreprises africaines désirant s’engager sur le marché du streaming et de la VoD pourraient être les autorités africaines, qui désirent trouver un moyen de taxer les OTT. Faut-il encore qu’elles trouvent un moyen de le faire.

 

Pour le moment, aucune réponse individuelle ou collective en Afrique

De plus en plus, certains gouvernements africains ne cachent plus leurs envies de taxer les géants du web, dont Netflix et certains OTT ayant des abonnés sur leurs territoires. Les analystes panafricanistes pourraient apprécier une telle initiative qui permettrait aux gouvernements de protéger les fournisseurs locaux de streaming et de VoD contre la puissance de certains leaders mondiaux du secteur. En plus, cela permettrait aux gouvernements de capter une partie de la manne générée par un marché aussi fructueux que celui du streaming et de la VoD. Seulement, taxer les OTT n’est pas aussi facile. Les gouvernements africains ne sont pas les premiers à s’atteler à ce problème devenu un véritable casse-tête pour les régulateurs occidentaux

Seulement, taxer les OTT n’est pas aussi facile. Les gouvernements africains ne sont pas les premiers à s’atteler à ce problème devenu un véritable casse-tête pour les régulateurs occidentaux.

Partout dans le monde, les acteurs traditionnels de l’audiovisuel se plaignent des revenus colossaux des fournisseurs de streaming et de VoD et surtout du fait qu’ils s’affranchissent des charges telles que les frais de licences. Individuellement, les États occidentaux n’ont trouvé le moyen, ni de réellement réglementer l’activité des OTT, ni le moyen de les taxer. La situation a poussé l’Union Européenne à envisager une réglementation collective pour tout le Vieux Continent. C’est d’ailleurs l’une des meilleures solutions envisagées à ce jour, entre autres à cause de l’importance de la pression qui peut être mise sur les fournisseurs de streaming et de VoD. En Afrique, une solution collective impliquant tous les gouvernements du continent pourrait faire sens. Mais pour le moment, seuls des pays avancé dans les domaines liés au digital, comme Kenya, se préoccupent de la taxation des géants étrangers du streaming et de la VoD. C’est loin d’être suffisant.

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Certains gouvernements africains ne cachent plus leurs envies de taxer les géants du web, dont Netflix.

 

Il y a donc de nombreuses raisons de penser que sans une réelle préparation, et elle ne garantit rien, les entreprises africaines risquent de faire face à une profonde désillusion sur le marché continental du streaming et de la VoD. Le problème, c’est qu’on ne peut se prévaloir de la complexité d’un marché pour l’abandonner aux mains d’entreprises qui semblent mieux armées.

Les entreprises africaines risquent de faire face à une profonde désillusion sur le marché continental du streaming et de la VoD.

Sachant que les OTT pourraient constituer, dans un futur pas si éloigné, le principal moyen de suivre du contenu audiovisuel, il est indispensable pour les entreprises africaines de se donner les moyens d’exister dans le secteur, au moins à l’échelle continentale.

 

Servan Ahougnon

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Ndeye Khady Gueye

 

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