Le méthane de houille va devenir l’une des composantes du mix énergétique africain

(Ecofin Hebdo) - Le méthane de houille ou gaz de houille (CBM) est ce combustible qu’on retrouve en surface des mines de charbon, avant le début de l’exploitation minière. Chargé jusqu’à 90% de méthane, il entrainait autrefois des explosions dans les mines de charbon. Plus tard, vers la seconde moitié du XXe siècle, la technique de dégazage des mines a permis de réduire considérablement les risques liés à ces accidents.

Et depuis près de 40 ans, le combustible est utilisé dans la production d’électricité. Etant donné que l’Afrique fournit 4% de la production mondiale de charbon, le combustible offre une chance à plusieurs pays du continent de réduire leurs difficultés d’approvisionnement électrique, de diversifier le bouquet énergétique et d’éliminer un gaz terriblement nocif pour le climat.

 

Etat des lieux

Le gaz de houille constitue, pour plusieurs régions du monde, une ressource susceptible de renforcer la sécurité d’approvisionnement gazier / électrique et la compétitivité industrielle. Actuellement, c’est une énergie, qui pèse moins de 1% dans le mix énergétique mondial. C’est aussi une alternative nouvelle qui, jusqu’ici, a fait l’objet de très peu de recherches par rapport à ses concurrentes. « Bien que la part du méthane de houille dans le mix énergétique total soit encore modeste, il possède un énorme potentiel pour l'avenir », fait remarquer la société parapétrolière américaine Halliburton.

« Bien que la part du méthane de houille dans le mix énergétique total soit encore modeste, il possède un énorme potentiel pour l'avenir », fait remarquer la société parapétrolière américaine Halliburton.

Pour le célèbre ingénieur en géophysique américain Joe Awny, « le CBM pourrait un jour se développer pour devenir, non plus un simple complément au gaz naturel conventionnel, mais une source principale de gaz. Il aura probablement une importance majeure pour les Etats-Unis, la Chine, le Canada, la Russie, l’Inde la Pologne, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, ainsi que pour d’autres pays, en tant que principale source d’approvisionnement en gaz ». Les trois premiers pays cités plus haut contrôlent à eux seuls 80% des réserves mondiales de CBM et en sont les principaux producteurs.

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« Un énorme potentiel pour l'avenir. »

 

La première production d’électricité avec le gaz de houille a été faite aux Etats-Unis, dans les bassins de San Juan et Black Warrior. Il importe de souligner que le CBM est considéré, au même titre que le schiste, les sables bitumineux ou encore les hydrates de méthane, comme étant une énergie non conventionnelle. Vu que sa composition en gaz est normalement stable, le CBM peut toutefois, être directement injecté dans des centrales électriques à gaz ou dans des réseaux de distribution de gaz.

 

Des avantages non négligeables

L’exploitation du méthane de houille est une façon plus saine d’éliminer le méthane sans polluer l’environnement, tout en l’employant simultanément comme une source d’énergie. Il faut savoir que les rejets de méthane dans l’atmosphère ont un potentiel de réchauffement 23 fois plus élevé que celui du CO2. 

Il faut savoir que les rejets de méthane dans l’atmosphère ont un potentiel de réchauffement 23 fois plus élevé que celui du CO2. 

Le forage dirigé, qui est la technique employée dans ce cas, permet à la plateforme de creusage de se recourber en suivant la veine de charbon sur plusieurs centaines de mètres au sein de la mine. Cela entraîne, par conséquent, une augmentation de 10 à 20 fois de la productivité par rapport à un forage vertical sollicité dans le pétrole par exemple. Le nombre de puits en surface est ainsi réduit de même que les coûts de production.

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Autrefois appelé le grisou, le méthane de houille a tué de nombreux mineurs partout dans le monde.

 

Selon les experts, comparativement aux autres énergies conventionnelles, le méthane de houille offre une profitabilité de 43,4% pour ce qui est de la production d’électricité. Cela devrait interpeller les pouvoirs publics africains qui présentent la faiblesse des moyens financiers comme l’une des principales causes du déficit de l’offre électrique sur le continent.

Comparativement aux autres énergies conventionnelles, le méthane de houille offre une profitabilité de 43,4% pour ce qui est de la production d’électricité. Cela devrait interpeller les pouvoirs publics africains.

Il importe de noter que l’utilisation du gaz de mine dans des moteurs à gaz de référence Jenbacher (fabriqués par General Electric) peut réduire l'émission de méthane dans l'atmosphère d'environ 85% par rapport à l'aération du gaz, ce qui correspond à des économies de CO2 de 30 à 40 000 tonnes / an. Ce constat a été publié par Clarke Energy, leader mondial de la production d’électricité via CBM.

L’utilisation du gaz de mine dans des moteurs à gaz de référence Jenbacher peut réduire l'émission de méthane dans l'atmosphère d'environ 85% par rapport à l'aération du gaz.

En Australie, Clarke Energy produit plus de 1,5 million de MWh d'électricité par an avec du CBM, ce qui est suffisant pour alimenter en énergie environ 430 000 foyers. La production de cette quantité d'électricité avec du gaz de mine permet d'économiser environ 367 millions de mètres cubes de gaz naturel par an, ajoute la société.

 

L’Afrique, un marché vierge, mais en ébullition

Si l’Afrique est le seul continent au monde à ne pas compter de centrales électriques fonctionnant au CBM, l’exploration en amont, quoiqu’embryonnaire, connait beaucoup de progrès et présente d’alléchantes perspectives pour l’avenir.

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D’ici 2025, environ 700 millions de dollars seront injectés dans le secteur.

 

Selon un rapport de Global Data, en Afrique, au sud du Sahara, la production de gaz enregistrera une hausse de 18%, d’ici les trois prochaines années, pour atteindre 9,1 milliards de pieds cubes par jour. Selon la répartition, plus de 6,4 milliards de pieds cubes proviendront de projets conventionnels ; 2,6 milliards de pieds cubes représenteront la production des champs non conventionnels et de gaz associés et 8,5 millions de pieds cubes viendront de projets de méthane de houille, notamment en Afrique australe (Botswana, plus précisément).

Par ailleurs, Peter Heath, analyste du marché du pétrole et du gaz pour la région Afrique chez Global Data, a fait savoir que, d’ici 2025, environ 700 millions de dollars seront injectés dans le secteur.

Les recherches qui se sont accentuées au cours des dix dernières années, sont majoritairement concentrées en Afrique australe et couvrent l’Afrique du Sud, le Botswana, le Malawi et le Zimbabwe.

Les recherches qui se sont accentuées au cours des dix dernières années, sont majoritairement concentrées en Afrique australe et couvrent l’Afrique du Sud, le Botswana, le Malawi et le Zimbabwe.

En Afrique du Sud, le secteur de l’exploration de CBM est resté assez dynamique entre 2012 et 2015. Pendant cette période, le gouvernement a octroyé plusieurs licences d’exploration et des études ont été réalisées dans la région de Springbok Flats, dans le bassin du Limpopo. La zone accueille plusieurs autres projets miniers.

Mais depuis le début de la chute des prix du pétrole, l’activité exploratoire tourne au ralenti. Cependant, les analystes tablent sur une reprise prochaine des activités grâce à l’amélioration progressive des prix de l’or noir et surtout grâce à la volonté du gouvernement de diversifier les sources de production d’électricité. L’Afrique du Sud qui est le principal producteur de charbon en Afrique compte profiter de cette opportunité pour doper sa production électrique.

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Le potentiel africain du CMB se concentre beaucoup sur l’Afrique du Sud, le Botswana, le Malawi et le Zimbabwe.

 

Au Botswana, depuis le début des années 2010, le gouvernement a octroyé une dizaine de licences d’exploration de CBM. La compagnie australienne Tlou Energy, qui est la plus active du pays, détient 100% de parts dans dix blocs d’exploration. Elle a signalé, en février 2018, un potentiel de 40,8 milliards de pieds cubes de CBM sur ses principaux projets Lesedi et Mamba. On estime qu’après une cartographie complète des sites, cette estimation serait probablement revue à la hausse.

La compagnie australienne Tlou Energy, qui est la plus active du pays, détient 100% de parts dans dix blocs d’exploration. Elle a signalé, en février 2018, un potentiel de 40,8 milliards de pieds cubes de CBM sur ses principaux projets Lesedi et Mamba.

En juin 2017, l’entreprise a réussi à produire pour la première fois de l’électricité à partir du méthane de houille. Près de deux ans plus tard, en mai 2019, elle a obtenu une autorisation du gouvernement pour installer une centrale de 100 MW. Ce projet est prévu débuter par une capacité initiale de 10 MW. Il faut rappeler que plus tôt, en 2015, Tlou a démarré des négociations avec les autorités botswanaises et les différentes parties prenantes pour fournir du gaz à deux centrales électriques. Il s’agit de la centrale électrique Orapa de 90 MW et d’une centrale de 300 MW que développeront General Electric et la compagnie australienne IK Holdings.

Au Malawi, le secteur est depuis 2009 à la phase des relevés sismiques sur ses périmètres d’exploration. Néanmoins, deux compagnies restent très actives. Il s’agit d’une part de NuEnergy Gas qui contrôle des actifs en Indonésie et en Afrique, avec une licence exclusive de prospection dans le district de Chikhwawa, dans le sud du pays. D’autre part, il y a Aranos Gas Limited, une joint-venture entre deux firmes namibienne et sud-africaine. Selon des campagnes géologiques, le pays détiendrait des réserves de plusieurs millions de tonnes de charbon dans le bassin d’Aranos, un potentiel jusqu’ici ignoré par les compagnies minières. Une occasion que compte saisir la JV pour produire du CBM pour l’électricité.

Quant au Zimbabwe, la société publique des mines, la Zimbabwe Mining Development Corporation (ZMDC) a lancé, fin 2017 - pour la première fois dans l’histoire du pays - des appels d'offres pour l'exploration et le développement du méthane de houille dans une région prometteuse du nord-ouest du pays, qui devrait abriter plus d'un milliard de mètres cubes de CBM, soit l’une des plus grosses estimations d’Afrique australe. En juillet 2019, la société américaine General Electric a annoncé qu’elle envisage d'explorer des gisements de gaz naturel et de méthane de houille dans les régions de Hwange-Binga-Lupane, et de Chiredzi. Plus tôt en février, la société sud-africaine Tumagole Consortium a dévoilé un plan de 4 milliards de dollars visant à développer des ressources de CBM dans l’ouest du Zimbabwe, précisément dans la région de Lupane.

 

Olivier de Souza

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Ndeye Khady Gueye

 

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