Au bout de 4 ans du régime Buhari, le Nigeria n’a pas « écrasé » Boko Haram

(Ecofin Hebdo) - Arrivé au pouvoir au Nigeria en 2015, Muhammadu Buhari incarnait l’espoir, tant par son discours que par la réputation de droiture qu’il s’était bâtie. Sa principale promesse au plan sécuritaire était simple et précise : mettre fin aux exactions sanglantes du groupe terroriste Boko Haram qui était devenu en quelques années, la principale menace à la paix et à la sécurité des populations dans le pays et dans la région. Une promesse à laquelle les Nigérians était fortement réceptifs, eu égard au contexte de la lutte contre les terroristes, notamment dans les Etats du nord du pays.

Boko Haram était pour ainsi dire, à l’apogée de sa force de nuisance. A la fin de l’année, près de 70% de l’État de Borno (au nord) était occupé par les terroristes qui en avaient assiégé les villes principales, Gworza, Bama, Baga et Gulani, multipliant les attentats et enlèvements, et provoquant la fuite de milliers de civils. Au plan politique, les atermoiements de Goodluck Jonathan dans la réponse militaire apportée à la menace terroriste avaient beaucoup coûté au Nigéria en termes de confiance et de réputation. Abubakar Shekau, chef de Boko Haram, ne cachait plus son ambition de rétablir les frontières du califat médiéval de Sokoto, en utilisant son fief du Borno comme noyau dur.

 

Premières victoires du Général Buhari : le retour de l’espoir

C’était donc au « Général » Buhari que les Nigérians semblaient avoir fait appel en 2015. Sa promesse de restructurer l’armée nigériane pour venir à bout des terroristes était crédible à au moins deux titres. D’un côté, elle s’appuyait sur son passé connu et revendiqué d’ex-officier général de l’armée qui avait brièvement dirigé le pays dans les années 80. Il y avait acquis une réputation de discipline. D’un autre côté, le haut commandement militaire attendait des politiques, une meilleure compréhension du contexte de la guerre contre Boko Haram, une compréhension que l’ethos de M. Buhari pouvait leur assurer.

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A ce titre, les premiers mois de Muhammadu Buhari à la tête du Nigeria ont donné raison aux Nigérians. Au plan militaire, la réforme de l’armée à permis de lancer une vaste opération dans les principaux sanctuaires de Boko Haram – la forêt de Sambisa, à la frontière sud de l’État de Borno, mais aussi la région de Kala Balge. Cette action a été très vite appuyée au plan politique par le leadership d’Abuja dans la mise en place de la Force conjointe multinationale (MNJTF) au cours de la deuxième moitié de 2015 qui a simultanément repris la plus grande partie du territoire du Borno aux mains des terroristes.

L’assurance retrouvée, Abuja annonçait dans un communiqué de décembre 2016 « l'écrasement final des terroristes de Boko Haram dans leur dernière enclave dans la forêt de Sambisa » et la libération de plus de 1800 civils des mains des terroristes.

L’assurance retrouvée, Abuja annonçait dans un communiqué de décembre 2016 « l'écrasement final des terroristes de Boko Haram dans leur dernière enclave dans la forêt de Sambisa » et la libération de plus de 1800 civils des mains des terroristes.

Mais la difficulté d’accéder à la région, en raison des nombreux barrages militaires et du contrôle strict de la circulation sur zone par l’armée nigérianes, empêchaient de vérifier la l’ampleur réelle de cette victoire qui se voulait « écrasante.»

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La prudence du Président Buhari lui-même dans l’évocation de la victoire de l’armée nigériane contre Boko Haram, prouvait qu’il ne se faisait pas d’illusions quant à la persistance du fléau.

 

Boko Haram vaincue… « techniquement » seulement

La libération de milliers d’otages dont une grande partie des lycéennes de Chibok enlevées en 2014, et la reprise de presque tous les bastions du groupe terroriste a bel et bien consacré une victoire « technique » de l’armée nigériane sur les positions de Boko Haram. Pour autant, la menace n’a pas disparu, loin s’en faut. En effet avec l’allégeance faite à l’État Islamique en 2015 et la création de l’ISWAP (l’état islamique en Afrique de l’ouest) conduite par Abou Mosab al-Barnaoui, Boko Haram a effectué une nouvelle mutation qui éclaire en demi-teinte à la victoire de l’armée nigériane.

Pour autant, la menace n’a pas disparu, loin s’en faut. Avec l’allégeance faite à l’État Islamique en 2015 et la création de l’Etat islamique en Afrique de l’ouest, Boko Haram a effectué une nouvelle mutation.

Si les fortes dissensions au sein du leadership de Boko Haram en 2015 ont démontré que les revers infligés par l’armée nigériane et ses alliés ont profondément affaibli le groupe terroriste, elles ont aussi favorisé l’émergence d’une nouvelle aile de Boko Haram.

Le principal changement intervenu avec la naissance de l’ISWAP est le renoncement à la stratégie d’occupation territoriale. Les terroristes ont sans doute compris qu’ils ne pouvaient plus mener une guerre de « positions » contre une armée nigériane aguerrie et qui a repris confiance.

Les terroristes ont sans doute compris qu’ils ne pouvaient plus mener une guerre de « positions » contre une armée nigériane aguerrie et qui a repris confiance.

A l’inverse, les militaires nigérians restent vulnérables aux attaques sporadiques et embuscades comme en témoigne leur déroute au cours de l’embuscade de Damaturu (État de Yobe) qui a fait 14 morts parmi les militaires le 25 décembre 2018.

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Les massacres de villageois ont pris de l’ampleur depuis la deuxième moitié de 2018.

 

De plus, les attaques spectaculaires des bases de Zari et de Malete (État du Borno) en août et novembre 2018, qui ont fait près de 200 morts au total parmi les soldats, ont confirmé la puissance de feu de l’ISWAP que l’on soupçonnait déjà d’utiliser des blindés légers polyvalents de fabrication suisse, volés au cours d’attaques précédentes de bases militaires. Ajouté à cela, les massacres de villageois qui ont pris de l’ampleur depuis la deuxième moitié de l’année 2018.

Si Muhammadu Buhari a incarné l’espoir à son élection en 2015, cet espoir a tenu ses promesses sur le plan militaire, dans la lutte contre Boko Haram. Mais le changement de stratégie du groupe terroriste qui s’est adapté aux réponses de l’État nigérian donne aux victoires du président Buhari un goût amer, soumis au flux continu d’attaques et de victimes.

Claude Biao

 

 

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