Sierra Leone : Ernest Bai Koroma, l’assureur qui n’a pas tenu ses promesses

(Ecofin Hebdo) - En Sierra Leone, le vent des élections emportera bientôt celui qui incarnait, pour le peuple, le changement. Le président Ernest Bai Koroma va céder sa place à la tête du pays au terme de deux mandats. Et à l’heure du départ de celui qui a présidé à la destinée de la Sierra Leone, une question est sur toutes les lèvres. Avec un bilan assombri par les séquelles de la guerre civile, Ebola et les accusations de corruption : quel héritage Ernest Bai Koroma laisse-t-il à sa nation ?

Le 7 mars dernier, la Sierra Léone avait rendez-vous avec l’histoire. La population avait la responsabilité de désigner le prochain président du pays. Pourtant, celui qui attire l’attention de tous n’est pas candidat. Ernest Bai Koroma, qui ne peut plus se présenter, vit ses dernières heures en tant que chef d’Etat. Alors qu’il a reçu une marque de confiance du peuple en étant réélu en 2012, l’inéluctabilité du départ d’Ernest Bai Koroma laisse un arrière-goût aigre. Où est donc le changement tant promis lors des deux précédentes élections ?

 

Imaginer la déception des habitants

Il suffit de regarder la situation de la Sierra Leone pour imaginer la déception de ses habitants. Après deux mandats du président sortant, le pays ne s'est toujours pas relevé de la décennie d'instabilités politiques et de guerre civile intervenues dans les années 90. L'économie du pays s'est effondrée.

Après la découverte de minerais de fer en 2011, le secteur extractif avait permis d’atteindre un taux de croissance inédit de 21 % en 2013.

Si Ernest Bai Koroma a l’excuse de l'épidémie d'Ebola de 2014, on peut lui imputer la responsabilité des nombreux soupçons de corruption dont ont fait l’objet ses proches. Pourtant, l’industrie extractive a suscité quelques temps de nombreux espoirs. Après la découverte de minerais de fer en 2011, le secteur extractif avait permis d’atteindre un taux de croissance inédit de 21 % en 2013. Quelques mois plus tard, après la baisse des cours du minerai de fer et l'épidémie du virus Ebola en 2014, l'économie s'est contractée de 20,6 % en 2015. Et malgré un taux de croissance de 6,3 % en 2016, puis de 5,7 % en 2017, les « perspectives pour 2018 et au-delà restent difficiles, en raison de l'incertitude des cours du minerai de fer », selon la BAD. La croissance du PIB devrait atteindre 6,1 % en 2018 et 6,5 % en 2019 selon les estimations de l’organisation. Très peu, quand on sait tout l’espoir suscité par Ernest Bai Koroma. En bon assureur, il avait su gagner la confiance d’un peuple dont il disait comprendre les souffrances.

Ernest Bai Koroma

Ernest Bai Koroma avait su allier une réputation de travailleur et de militant engagé.

Né dans la ville de Makéni le 02 octobre 1953, il a vécu la plupart des périodes compliquées de son pays. A cela, le président sortant avait su allier une réputation de travailleur et de militant engagé. En effet, Ernest Bai Koroma milite au sein de l’APC (All People Congress), le parti au pouvoir, depuis 1970, soit 6 ans avant d’obtenir son diplôme en management à l’université de Fourah Bay à Freetown. Après avoir enseigné, puis travaillé au sein de la compagnie nationale d’assurance de Sierra Leone, il a rejoint, en 1985, l’entreprise d’assurances habitation Reliance Insurance Trust Corporation (Ritcorp), qu’il dirige de 1988 à 2002. C’est d’ailleurs cette année-là qu’il est élu président de l’APC. Dans la foulée, il se présente aux élections présidentielles de 2002 où il termine deuxième derrière Ahmad Tejan Kabbah. La même année, il est élu député au parlement et devient, dès 2005, chef de la minorité.

Finalement Ernest Bai Koroma sera élu président, en 2007. Il bénéficie pour cela du soutien d’un peuple qui prend parti pour lui lorsque des anciens de l’APC se liguent contre sa candidature. Il faut savoir qu’à l’époque où le mouvement, parti unique détenteur du pouvoir, avait perdu la présidence après un coup d’État, l’actuel président du parti avait fui les combats. Cela ne l’empêchera pas d’être élu en 2007, puis réélu en 2012.

 

Une industrie extractive comme seul héritage ?

Lors de la campagne de sa première élection, Ernest Bai Koroma assurait vouloir « rendre le pays attractif pour les investisseurs ». Promesse tenue, puisque l’administration en place a réussi à attirer plusieurs investissements de poids. Néanmoins, seule, l’industrie extractive ne peut servir l’économie… que si les cours montent et restent stables.

Ernest Bai Koroma hat

Le bilan du président sortant est plutôt décevant.

Ainsi malgré ces investissements, le bilan du président sortant est plutôt décevant. On pourrait alors craindre pour celui qu’il a désigné comme son successeur, Samura Kamara, candidat de l’APC. Il est devancé au premier tour par le général Julius Maada Bio, candidat malheureux du second tour en 2012 et brièvement président après un coup d’Etat en janvier 1996.

Néanmoins, seule, l’industrie extractive ne peut servir l’économie… que si les cours montent et restent stables.

Pour lui, il est clair que Samura Kamara n’est « que la marionnette du président sortant ». Ernest Bai Koroma, lui l’assure : il est vraiment sur le départ et ne devrait pas impacter les prochaines années de la Sierra Leone. Pas plus que les précédentes…

Servan Ahougnon

servan ahougnon

 

 

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