Yanick Folly : sur les ailes d’une photo

(Ecofin Hebdo) - Ce nom, si vous ne le connaissiez pas déjà, retenez-le. Yanick Folly, photojournaliste à l’AFP, photographe humanitaire, artiste et rêveur à temps plein, veut marcher sur les pas des légendes de son art. Et il ne faut pas s’y tromper. Le Béninois, potentiellement un des meilleurs photographes africains, voire du monde, trace sa voie vers les sommets, en capturant des morceaux de temps et d’espace à l’aide de son appareil.

Yanick Folly

Il est presque 12 heures, quand Yanick Folly débarque dans les locaux de l’Agence Ecofin, à Cotonou, alors que notre rendez-vous était pris pour 10 heures. « J’ai eu un contretemps », s’excuse-t-il, presque comme par habitude. « Je ne pourrai pas rester longtemps », poursuit-il. De toute façon, j’étais préparé à ne pas l’avoir longtemps sous la main. Chargé comme il est arrivé, appareils et drone entassés dans un sac, il était clair que Yanick partait de nouveau pour un de ses nombreux voyages à l’intérieur du pays, à la recherche de paysages et de visages à photographier. Depuis 2 ans que je le connais, il m’a toujours semblé sur le départ, laissant l’impression que la seule façon de saisir un peu de Yanick Folly, de manière durable, c’était de garder ses photos. Une aubaine, vu la valeur qu’elles prennent avec l’incroyable parcours ascensionnel de cet autodidacte.

 

Capturer un morceau d’histoire

« C’est incroyable. Nous racontons avec des mots, mais lui, il arrive à écrire et à raconter des histoires avec des images », s’émerveillait, en 2017, notre confrère Aaron Akinocho, devant une photo de Yanick Folly. « Sa magie réside dans le regard qu’il pose sur le monde », explique Mylene Flicka, blogueuse et fondatrice d’Irawo, un média, l’un des tout premiers à avoir remarqué le travail de Yanick Folly.

 jeunes foot

« Il arrive à écrire et à raconter des histoires avec des images »

Effectivement, le travail de Yanick Folly a quelque chose de captivant, quelque chose de métaphysique. Ses photos sont bien plus que des images, elles racontent une histoire, elles content le temps. L’intéressé en est conscient. « Je fais des photos pour raconter des histoires, souvent celles du temps qui passe. D’ailleurs l’un de mes principaux objectifs est de capturer, non seulement des lieux ou des visages, mais également des éléments vivant quelque chose, à un moment donné ».

Le temps semble important pour Yanick Folly. Il me confie qu’il conserve toutes ses photos pour que les générations futures puissent voir à quoi ressemblait tel lieu ou tel visage, à une certaine époque. Une fenêtre dans le temps, en somme. Concernant le rapport au temps lorsqu’il fait des photos, il me raconte l’un des épisodes les plus touchants de sa vie.
Il y a quelques années, il s’est rendu à Pobè, une ville du sud-ouest du Bénin, plusieurs mois après y avoir photographié des enfants avec le téléphone portable d’un ami. « En montrant les photos prises à ce moment aux personnes que j’étais allé voir, l’une d’entre elles a déclenché des pleurs chez une femme ».

« Je les avais photographiés quelques semaines avant. Ils souriaient. Ils sont peut-être morts, mais sur cette photo, ils vivaient », raconte celui qui aurait pu ne jamais devenir photographe.

Elle avait retrouvé une photo de ses enfants, décédés quelques mois avant le retour de Yanick Folly. « Je les avais photographiés quelques semaines avant. Ils souriaient. Ils sont peut-être morts, mais sur cette photo, ils vivaient », raconte celui qui aurait pu ne jamais devenir photographe.

 

Genèse d’un photographe autodidacte de génie

« J’ai rencontré Yanick Folly, il y a quelques années, dans une maison quasi délabrée. Ce qui était frappant, au-delà de sa passion pour la photographie, c’est sa détermination, même quand la vie ne lui fait pas de cadeau », raconte Mylene Flicka.

Yanick Folly portrait

« J’étais fasciné par les plans et les prises. »

Comme l’explique l’intéressé lui-même, il aurait pu ne jamais savoir utiliser un appareil photo. Yanick Folly est né le 26 août 1988 au Bénin. Au moment de commencer ses études, il vit seul avec sa mère. « Quand tu es l’enfant unique, tes parents n’ont pas d’autres chances, en dehors de toi, d’être fiers de leur progéniture. Ma mère avait donc une idée assez claire du parcours qu’elle voulait que j’emprunte », se souvient le photojournaliste. En fait, cette dernière l’imagine bien en col blanc. Pour ça, il fallait faire des études impeccables. « Le problème, c’est que je n’étais pas doué à l’école », se remémore, en étouffant un fou rire, l'artiste.

Par contre, enfant, Yanick Folly était un fanatique de films, particulièrement de films d’action, comme beaucoup d’enfants avant lui. A la différence que lui ne s’imagine pas, comme les enfants de son âge, en rôle-titre, comme les héros de cinéma, mais plutôt derrière la caméra. « J’étais fasciné par les plans et les prises. Je voulais savoir comment on pouvait les reproduire ». Un jour, alors qu’il est en classe de seconde, il va rencontrer fortuitement un réalisateur de clips vidéo et ne plus le lâcher. Le jeune homme le suit et l’observe pendant qu’il travaille. Le réalisateur finit par laisser le petit passionné l’assister dans ses tournages. Il n’en dit rien à sa mère « qui ne voulait pas en entendre parler avant le baccalauréat ».

Malgré tout, une fois le diplôme obtenu, un nouvel obstacle se dresse devant Yanick. Sa mère n’a pas les moyens de l’envoyer dans une école d’audiovisuel pour qu’il puisse étudier le métier qui le passionne. Loin de se résigner, il décide d’apprendre tout seul. « J’avais une clé USB d’à peine 2 Gb, que je remplissais de tutoriels obtenus sur YouTube, avant de les effacer, une fois suivis, pour en télécharger d’autres », raconte le photojournaliste de l’AFP.

« Je voulais être à la fois réalisateur, cameraman, etc., mais cet épisode m’a montré combien la photo était puissante. Elle permet de remonter le temps. C’était décidé. A partir de là, je ne voulais être que photographe ».

Il continue d’apprendre sur les plans, la photographie et de nombreux domaines de l’audiovisuel. « A une certaine époque de ma vie, je ne dormais pas », me confie Yanick Folly. C’est après l’épisode de la photo, à Pobè, qu’il décide de se spécialiser dans la photographie. « Je voulais être à la fois réalisateur, cameraman, etc., mais cet épisode m’a montré combien la photo était puissante. Elle permet de remonter le temps. C’était décidé. A partir de là, je ne voulais être que photographe ».

 

Photographe pour enfant

Le problème, c’est que le nouvel aspirant photographe n’a pas de matériel et encore moins les moyens de s’en procurer. Un ami qui dirige une agence de communication remarque une de ses photos sur les réseaux sociaux et lui propose de travailler avec lui. « Il me propose de travailler pour lui et, en échange, je pouvais utiliser ses appareils ».

Yanick Folly kid

« Je n’ai pas vraiment eu d’enfance.»

A cette époque, armé du Nikon D90 laissé à ses soins par son ami et employeur, il se met à photographier un peu tout ce qui lui plait, principalement des enfants. « Je n’ai pas vraiment eu d’enfance. J’ai étudié en internat et je restais dans les locaux de l’établissement scolaire même pendant les vacances. Quand je vois le sourire d’un enfant qui s’amuse, que je le photographie, ça remplit un peu le vide de toutes ces années où je n’ai pas pu être un enfant », philosophe Yanick Folly.

Quand je vois le sourire d’un enfant qui s’amuse, que je le photographie, ça remplit un peu le vide de toutes ces années où je n’ai pas pu être un enfant », philosophe Yanick Folly.

Ses photos, postées sur les réseaux sociaux, lui donnent une petite notoriété locale. On y voit déjà le souci de la composition, ses jeux avec la lumière et sa recherche de l’originalité. Yanick Folly prend confiance et décide de participer à des concours. ustement, en 2015, à l’Institut français au Bénin, Yann Arthus Bertrand, la star de la photographie, organise le concours « 60 solutions contre le changement climatique ». Yanick Folly remporte le concours. Il reçoit même des compliments de la part de la légende qui l’encourage à persévérer. Quelques jours plus tard, il rencontre Nicolas Hulot, célèbre pour ses combats écologiques mais également photojournaliste. « Il m’a montré une de ses photos qui lui faisait beaucoup penser à celle qui m’a permis de gagner le concours de Yann Arthus Bertrand. Ça m’a beaucoup aidé de savoir qu’un photographe de ce calibre pouvait s’identifier à mon travail », se rappelle le jeune Béninois. Suivra une série de victoires qui confirmeront le talent de Yanick Folly. Il remporte le prix Alexis Kolan Martinez, en hommage à l’illustre journaliste burkinabé Norbert Zongo, au Burkina Faso, et la première place du concours « Sous les flashs de l’Afrique », organisé à Niamey. En 2016, il arrive deuxième au concours de photographie de la Banque africaine de développement. « La récompense était plutôt conséquente et m’a permis de m’acheter mon premier appareil, un Canon 60 D ».

 yanick folly expo

« Depuis, je travaille à m’améliorer »

Peu de temps après, Yanick Folly est contacté par l’Agence France Presse (AFP) qui en fait un de ses photojournalistes. En 2017, il participe au Masterclass West Africa, un concours satellite de World Press Photo, une organisation disposant d’une notoriété mondiale et ayant pour objectif de promouvoir le photojournalisme dans le monde. Yanick Folly est choisi parmi les 12 photographes sélectionnés par le jury. Ces derniers reçoivent les conseils de spécialistes, mondialement reconnus, du photojournalisme. « Cela m’a permis d’apprendre, de renforcer mes fondamentaux et de changer mon point de vue sur certaines choses. J’ai découvert de nouvelles façons de jouer avec la lumière. Depuis, je travaille à m’améliorer », explique le Béninois, dont les œuvres ont été exposées à la biennale de Dakar, « une ville qui respire l’art », en mai et juin derniers.

 

L’œil du Bénin profond

Dans son pays, Yanick Folly a acquis une véritable célébrité locale en publiant des photos de paysages inconnus du grand public, dans les zones rurales du pays. « Le Bénin est un véritable paradis et regorge de paysages magnifiques », explique Yanick Folly. Il explique avoir traversé toutes les localités du Bénin et découvert des paysages qui attireraient les touristes du monde entier. « J’aime traquer des paysages, des images et des paysages inédits dans mon pays. C’est un peu une façon pour moi de le promouvoir », explique le photographe.

« J’aime revenir quelques mois plus tard dans les localités où j’ai pris des photos pour les exposer aux habitants des villages. Avant cela, j’organise des collectes de vivres et de vêtements que j’apporte aux villageois.»

D’ailleurs, cette partie de son travail le conduit souvent à des œuvres humanitaires. « J’aime revenir quelques mois plus tard dans les localités où j’ai pris des photos pour les exposer aux habitants des villages. Avant cela, j’organise des collectes de vivres et de vêtements que j’apporte aux villageois », raconte Yanick Folly. La poursuite de ses rêves ne lui a pas fait oublier les plus démunis.

 

Objectif Magnum

Lorsqu’on lui demande quel est son rêve ultime, sa réponse est automatique : intégrer Magnum Photos, la coopérative photographique, fondée en 1947 par des légendes comme Robert Capa, Henri Cartier-Bresson et David Seymour. « Je sais qu’il faut que je m’améliore pour y parvenir, acquérir du meilleur matériel aussi. L’appareil dont je rêve actuellement pour compléter ma panoplie est un Leica. Il n’est pas donné, donc je travaille très dur pour l’acquérir », explique le photographe béninois.

On a envie de croire en lui. Encore plus quand on l’interroge sur le temps qu’il lui faudra pour rejoindre Magnum Photos, qui regroupe certains des plus grands photographes et photojournalistes du monde : « Du temps ? Je dirai plutôt beaucoup de travail et d’application ».

Quand on sait qu’il est passé tout seul de novice au niveau de vendre des photos aux médias internationaux, on se rend bien compte que ces mots sont loin d’être des paroles en l’air.

Servan Ahougnon

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