Isaias Afwerki : le geôlier d’Asmara

(Ecofin Hebdo) - A Asmara, nombreux sont ceux qui rêvent de voir partir leur président. Mais ça, ce n’est pas pour demain. Les portes du pénitencier qu’est devenu l’Érythrée, semblent vouloir rester fermées. Et c’est à sa tête que l’ancien héros devenu tyran, le président Isaias Afwerki, semble vouloir finir sa vie, comme d’autres gars l’ont finie...

Le 17 juillet prochain, un vol d’Ethiopian Airlines fera la jonction entre Addis-Abeba à Asmara, la capitale érythréenne. Pour la première fois, après 20 années de conflit, des dirigeants éthiopiens et érythréens se sont rencontrés. Abiy Ahmed, le premier ministre éthiopien, et Isaias Afwerki, le président érythréen, ont mis fin, le 8 juillet, à 18 années de guerre froide, où leurs pays se sont regardés en chiens de faïence. Ironie du sort, la paix est signée par deux hommes que tout oppose. Abiy Ahmed, devenu à 42 ans premier ministre éthiopien, est en train de s’imposer comme le réformateur de son pays. Isaias Afwerki a 72 ans, est le seul président qu’à connu l’Érythrée depuis son indépendance en 1993.

 

Héros de l’indépendance

A une époque, le nom d’Isaias Afwerki était destiné à passer à la postérité en tant que héros national de l’Érythrée. Il faut dire que son histoire fait un peu penser aux épopées guerrières d’un autre temps. Né le 2 février 1946 dans une banlieue ouvrière d'Asmara, Isaias Afwerki, entre en contact avec des membres de groupes politiques nationalistes secrets, pendant ses études secondaires. Malgré tout, il ne se signale pas au sein de ces groupes et part, en 1965, étudier l'ingénierie à Addis-Abeba, en Éthiopie. Malheureusement, les études du jeune homme ne se passent pas comme il l’espère.

 IsaiasAfewerki jeune 70

Il échoue à ses examens

En juin 1966, il échoue à ses examens et se retrouve sans argent. Il décide alors de partir pour rejoindre le Front de libération de l'Érythrée (ELF) qui se bat contre l'Éthiopie. Il se rend à l'est du Soudan, d'où le groupe lançait des attaques en Érythrée.

En juin 1966, il échoue à ses examens et se retrouve sans argent. Il décide alors de partir pour rejoindre le Front de libération de l'Érythrée (ELF) qui se bat contre l'Éthiopie.

Il y sera rejoint par deux amis qui compteront : Mussie Tesfamikael et Haile Woldetensae, qui deviendra plus tard son ministre des affaires étrangères. L'ELF, majoritairement musulmane, ne comptait pas énormément de musulmans comme Isaias Afwerki et Haile Woldetensae dans ses rangs. Déçus par l’organisation qu’ils trouvent peu ambitieuse, les trois amis créent une cellule clandestine au sein de l’ELF. Ils se gravent, au couteau, un E sur leur bras droit, symbolisant leur détermination « à vivre et mourir pour l'Érythrée ».

Les trois amis créent une cellule clandestine au sein de l’ELF. Ils se gravent, au couteau, un E sur leur bras droit, symbolisant leur détermination « à vivre et mourir pour l'Érythrée ».

Peu de temps après ce pacte de sang, Isaias Afwerki se distingue par une action d’éclat qui lui vaut le respect de toute la rébellion. Il entre mitraillette au poing dans un bar d’Asmara et tue deux officiers éthiopiens. Peu de temps après, il est choisi avec 4 autres membres de l’ELF pour aller en Chine suivre des études politiques et militaires.

Il entre mitraillette au poing dans un bar d’Asmara et tue deux officiers éthiopiens.

En pleine effervescence, au début de sa révolution culturelle, l’empire du milieu séduit Isaias Afwerki. Il développe notamment une admiration pour Mao Zedong « qui a sauvé le pays de l'anarchie et utilisé l'armée pour rétablir l'ordre ».

 isaias afwerki rebel

Isaias Afwerki, considéré comme le héros de l’indépendance.

Le régime autoritaire de Mao devient un modèle pour le jeune Erythréen. Il retourne au Soudan en 1968 où il retrouve un ELF encore plus tourmenté qu’avant son départ. Le mouvement le désigne pour être commissaire politique de sa région d'origine, principalement chrétienne, qui entoure Asmara. Mais, profondément opposé à la ségrégation religieuse de l'ELF, Isaias Afwerki rejoint un mouvement de réforme, le Front Populaire de Libération de l’Érythrée (FPLE), composé de militants plus jeunes et plus instruits, principalement formés à l'étranger. Le groupe entre dans une alliance avec d'autres factions séparatistes. Ensemble, ils vaincront les soldats éthiopiens en 1991, grâce au Front de libération du peuple Tigré, mouvement allié du FPLE, guidé par Isaias Afwerki.

L’Éthiopie reconnait alors à l’Érythrée le droit d’organiser un référendum qui aboutit à son indépendance. Cette dernière est officiellement proclamée le 27 avril 1993. Le 24 mai suivant, Isaias Afwerki, considéré comme le héros de l’indépendance, est désigné président de l’assemblée nationale puis président de la république. Cette fonction, il l’occupe jusqu’à ce jour.

 

Un Mao aux tendances nord-coréennes

Lorsqu’on évoque la dérive autocratique d’Isaias Afwerki, certains chiffres très évocateurs permettent de se rendre compte de la métamorphose du héros de l’indépendance.

Isaias Afwerki video

800 prisons pour 600 écoles.

Selon Mediapart, le pays compte 800 prisons pour 600 écoles. Entre 300 000 et 2 millions d’Erythréens ont été enrôlés de force dans l’armée ou ils effectuent un service obligatoire. Des milliers de personnes, 5000 par mois selon l’ONU, fuient le pays pour échapper au régime de son président qui n’a pas mis longtemps à montrer son véritable visage. Celui d’un despote, un tyran ayant fait de l’Érythrée un pénitencier qu’il tient d’une main de fer.

Des milliers de personnes, 5000 par mois selon l’ONU, fuient le pays pour échapper au régime de son président qui n’a pas mis longtemps à montrer son véritable visage.

Pourtant, même la communauté internationale le considérait comme un véritable espoir. Elle a dû déchanter, 8 ans après son accession au pouvoir, le 18 septembre 2001, lorsqu’Isaias Afwerki fait arrêter des détracteurs du régime, dont Haile Woldetensae, le ministre des affaires étrangères, son ancien compagnon de lutte, qui ne comprend pas l’autoritarisme du président.

Le monde, trop occupé par les évènements du 11 septembre ne pourra rien pour les sauver. Des rumeurs disent qu’ils sont morts au bagne d’Eiraeiro, le goulag du président, situé dans les montagnes.

Le 18 septembre 2001, Isaias Afwerki fait arrêter des détracteurs du régime, dont Haile Woldetensae, le ministre des affaires étrangères, son ancien compagnon de lutte, qui ne comprend pas l’autoritarisme du président.

En Érythrée, la presse privée est interdite et les médias nationaux censurés. La communauté internationale a beau menacer. Rien ne semble ébranler l’unique président jamais connu par l’Érythrée.

 Isaias Afwerki with his daughter at Sawa

Isaias Afwerki avec sa fille Sawa.

Son excuse, une paranoïa hystérique, où fourmillent espions internationaux, mais surtout « des velléités guerrières du voisin Ethiopien ». La paix obtenue avec Abiy Ahmed adoucira-t-elle la main de fer d’Isaias Afwerki ? Ce pari, personne n’oserait le prendre.

Servan Ahougnon

 servan ahougnon

 

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