Mohamed Salah : le pharaon de Liverpool

(Ecofin Hebdo) - Sa barbe et sa chevelure folle sont presque divinisés sur les bords de la Mersey, en Angleterre. Dans le même temps, en Égypte, son pays, il est la personnalité la plus appréciée du moment. D’après la légende, la première mission du pharaon était d’assurer l’harmonie entre les hommes et les dieux. Il n’y a qu’à entendre les fans de Liverpool s’écrier « Oh My God » devant les buts de l’Egyptien pour comprendre que le port altier, le pied gauche presque mystique et l’aura apaisante de Mohamed Salah sont ses attributs royaux. Les supporters de Liverpool et ceux de l’équipe nationale d’Égypte peuvent avoir le cœur tranquille. Ils ont Mohamed Salah. A Salah Alaykoum.

En Égypte, au dépouillement des bulletins des dernières élections, le personnel chargé de comptabiliser les voix a fait une découverte assez surprenante. En effet, plus d’un million d’Egyptiens ont voté Mohamed Salah, qui n’était même pas candidat. Le footballeur a récolté plus de voix que le deuxième candidat aux élections, Moussa Mostafa Moussa. Pendant ce temps, en Angleterre, le joueur de Liverpool égalait le record de buts marqués par un joueur africain en Premier League, le championnat anglais de première division. L’Egyptien a rattrapé les 29 buts de l’Ivoirien Didier Drogba, à six journées de la fin du championnat. Encore en lice avec Liverpool pour la Ligue des Champions et qualifié avec l’Égypte au mondial 2018, Mohamed Salah est aujourd’hui l’un des meilleurs footballeurs de la planète. Le plus étonnant, alors qu’il marche sur les eaux de la Mersey, c’est que le pharaon ne semble pas assailli par le doute.

 

Ce geste, il le travaille depuis plusieurs années, depuis son enfance à Nagrib, un petit village du gouvernorat de Gharbeya où il est né le 15 juin 1992.

Il faut dire que Mohamed Salah sait d’où il est parti. De son petit village, aux pelouses les plus prestigieuses d’Europe, Mohamed Salah a travaillé dur pour devenir le joueur qu’il est aujourd’hui.

 

Un pharaon ayant grandi dans les bas quartiers

1er février 2017. Alors que l’Égypte est menée 1 à 0 par le Burkina Faso, en pleine Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le public aura l’honneur de voir une scène devenue un véritable gimmick lors des résumés de la Premier League. Mohamed Salah reçoit le ballon aux abords de la surface. D’une merveille de frappe enroulée, l’attaquant égalise sous les yeux émerveillés du public. Alors qu’une clameur vient saluer ce geste de génie qui participera à la qualification de l’Égypte, l’attaquant, bien qu’heureux, n’est pas surpris par la trajectoire parfaite de sa frappe. Ce geste, il le travaille depuis plusieurs années, depuis son enfance à Nagrib, un petit village du gouvernorat de Gharbeya où il est né le 15 juin 1992. Très tôt, il se passionne pour le football. « Je suis tombé amoureux du football quand j’étais gamin, vers sept ou huit ans. Je me souviens avoir regardé la Ligue des Champions tout le temps et ensuite essayé d’être comme Ronaldo, le brésilien, Zidane et Totti, quand je jouais dans la rue avec mes amis. J’ai aimé ces types de joueurs qui semblaient avoir de la magie », révèle l’attaquant de Liverpool dans une interview en décembre dernier. Alors qu’il n’a que huit ans, l’Egyptien émerveille les passants et ses camarades dans les rues.

 

Le coup de poker de la famille Salah

Mohamed Salah est né dans une famille assez modeste. Son père est alors employé administratif dans un hôpital et sa mère ménagère. La famille a des difficultés à joindre les deux bouts. Pendant ce temps, le talent du petit Mohamed continue d’éblouir tous ceux qui le voient taper dans un ballon. Alors quand le jeune garçon assure à ses parents vouloir devenir footballeur professionnel, ces derniers ne s’y opposent pas. Il débute proche de chez lui.

« Au départ, je jouais pour un club qui se trouvait à une demi-heure de mon village de Basyoun. Puis j’ai signé pour un club à Tanta, qui était à une heure et demie de route. De là, je suis allé à Moqaouloun El Arab au Caire », explique Mohamed Salah. C’est dans ce club que sera forgé la ténacité de l’Egyptien.

A 14 ans, il va vivre une des périodes les plus difficiles de sa vie. En fait, le club situé au Caire, se trouve à 102 km, quatre heures et demies de route, de Gharbeya. Les entrainements étaient pour 15h30, les cinq premiers jours de la semaine. « Je devais quitter l’école tôt pour aller à l’entraînement. J’y étais de 7 à 9 heures du matin. J’avais un document officiel de mon club pour quitter l’école tôt. Je partais à 9h. Je devais enchaîner entre 3 et 5 minibus parfois, pour arriver au centre d’entraînement à 14h ou 14h30. Je finissais de m’entraîner à 18 heures, puis je rentrais à la maison vers 22 heures ou 22 heures 30. Je devais manger, dormir et ensuite le lendemain recommencer », se rappelle Mohamed Salah. Cela durera un peu plus de 3 ans. A la fin, les efforts de l’Egyptien seront payés. Lors de la saison 2008-2009, à 17 ans, Mohamed Salah débute au poste d’ailier droit avec le Moqaouloun El Arab et devient le plus jeune joueur à disputer un match dans le championnat égyptien. Le jeune homme et sa famille exultent. Le rêve peu débuter. Il se poursuivra en Suisse. « J’étais jeune et je voulais devenir footballeur. Je voulais être un grand nom. Je voulais être quelque chose de spécial. Je venais de nulle part, un gamin avec un rêve. Je ne savais pas que ça arriverait, je voulais juste très fort que ça arrive », se souvient Mohamed Salah.

 

Le FC Bâle puis la notoriété au niveau européen

Les prestations de Mohamed Salah sur les terrains égyptiens attirent l’attention des dénicheurs de talents du FC Bâle. Le club suisse finira par recruter le joueur en 2012. Comme un symbole, Mohamed Salah marque dès son premier match. Il fera des stades suisses ses salles de spectacles, éblouissant le public de courses folles et de gestes magiques de son pied gauche qui en feront un des meilleurs joueurs du championnat national. Bientôt la Suisse n’arrive plus à garder ce talent pour elle. En 2013, lors d’une double confrontation contre le club anglais de Chelsea, en Ligue des Champions, l’Egyptien malmène ses adversaires, notamment lors d’un match remporté 2 buts à 1 par les Suisses, lors duquel l’Egyptien marque le but de la victoire. Au match aller, il avait déjà égalisé pour empêcher la défaite de ses coéquipiers.

Mohamed Salah FC BALE

Avec le FC Bâle, en Suisse.

De plus en plus de clubs s’activent alors pour recruter le jeune talent, élu meilleur joueur du championnat suisse. Liverpool croit tenir le bon bout pour un accord, mais pas encore... Mohamed Salah chez les « Reds », ce n’est pas encore le moment. Alors que le joueur confie vouloir jouer pour Dortmund et son entraineur, Jurgen Klopp, dont il apprécie le style de jeu, c’est finalement le maillot de Chelsea, dont il a été le bourreau, qu’il finira par revêtir.

En rejoignant le club londonien en janvier 2014, le joueur gravit un échelon. Le 22 mars, il inscrit son premier but en championnat contre Arsenal. Le 5 avril, lors de sa première titularisation face à Stoke City, il marque un but, délivre une passe décisive et provoque un penalty. José Mourinho, l’entraineur de Chelsea le titularise alors pour les cinq derniers matchs de la saison. Pourtant, le joueur va bientôt quitter le club londonien. Le 2 février 2015, il est prêté jusqu'à la fin de la saison au club italien de la Fiorentina, dans le cadre du transfert de Juan Cuadrado, qui joue pour le club italien, à Chelsea. Il est buteur lors de sa première titularisation le 12 février 2015 face à Sassuolo. Il récidive la journée suivante, puis marque, quatre jours plus tard, en Europa League contre Tottenham. Un mois après son arrivée, l’Egyptien a marqué 6 buts en 7 matchs. Il va pourtant devoir changer une nouvelle fois de club.

Mohamed Salah Chelsea

Avec Chelsea.

En août 2015, Chelsea le prête, avec option d’achat, à l'AS Rome. Il brille tellement que le club romain veut de lever l’option d’achat. A la fin de la saison, l’Egyptien qui a, comme à son habitude, empilé les buts est élu meilleur joueur de l'AS Rome pour la saison 2015–2016. Il est l’un des meilleurs joueurs du club avec 15 buts marqués et un total de 9 passes décisives toutes compétitions confondues. Le 3 aout 2016, l’AS Rome lève l’option d’achat de Mohamed Salah.

A la fin de la saison 2016-2017, Mohamed Salah a marqué 15 buts et délivré 11 passes décisives en 31 matchs de championnat. Jürgen Klopp, l’ancien entraineur de Dortmund, désormais celui de Liverpool, décide de recruter le joueur.
C’est chose faite en juin 2017, pour 42 millions d’euros. Ni le joueur, ni son nouvel entraineur ne se doutent qu’à ce moment, c’est une des plus belles pages de l’histoire du club qui est en train d’être écrite.

 

Le totem égyptien de Liverpool

Dans la ville des Beattles, où le football et le club de Liverpool sont aussi sacrés que la musique, les chansons les plus chantées ne viennent ni des stars de la musique britannique, ni des célèbres clubs de rock de la ville. Pour comprendre, il faut prêter attention aux supporters de Liverpool un soir de match. « Mo Salah, Mo Salah, déboulant sur l’aile, Salah la la la la la la la, roi d’Égypte ». Roi d’Egypte, Egyptian King en version originale, n’est que l’une des nombreuses chansons composées par les fans du club pour leur nouvelle idole.

Mohamed Salah 1

« Salah la la la la la la la, roi d’Égypte ».

Pourtant l’aventure liverpool

dienne de l’Egyptien avait suscité tant d’interrogations. Beaucoup doutaient de sa capacité à briller en Angleterre. Il marque dès son premier match à Watford. Puis le match suivant. Finalement, rien ne semble l’arrêter. Aux côtés du Sénégalais Sadio Mané et du brésilien Roberto Firmino, il forme l’un des trios d’attaquants les plus dangereux d’Europe. Il est même élu ballon d’or africain pour le compte de l’année 2017. Meilleur buteur du championnat anglais, il en est à 42 buts toutes compétitions confondues. Pour beaucoup, il est aujourd’hui le meilleur joueur du monde derrière les monstres Cristiano Ronaldo et Lionel Messi.

Le secret de cette réussite se trouve peut-être dans son repositionnement. « On me demande de jouer plus près du but qu’avec les autres entraineurs », explique le joueur. Malgré cela, le nouveau statut de Mohamed Salah n’est pas seulement dû à ses buts. Sa capacité à éliminer ses adversaires en dribblant et la justesse de son jeu sont autant de qualités qui ont rendu le joueur si spécial. Aussi, il y a sa vitesse. Selon une étude réalisée par beIN Sports en juin, l’ailier court le 100 mètre en 10 secondes.

Le secret de cette réussite se trouve peut-être dans son repositionnement. « On me demande de jouer plus près du but qu’avec les autres entraineurs », explique le joueur.

S’il ne brillait pas en sélection, les mauvaises langues auraient pu imputer sa réussite actuelle à son entourage, à Liverpool. Que nenni. Lors d’un match amical contre le Portugal de Cristiano Ronaldo, en mars dernier, l’Égypte avait tenu la dragée haute aux champions d’Europe, qui n’avaient finalement remporté la rencontre que dans les derniers instants. Héctor Cúper, le sélectionneur égyptien s’était montré dithyrambique sur son attaquant, buteur lors de la rencontre. Pour le sélectionneur Mohamed Salah est définitivement « l’un des meilleurs joueurs du monde ».

 

La combativité récompensée

Il faut dire que le joueur est devenu le principal pilier de la sélection égyptienne, qu’il a qualifiée pour la coupe du monde 2018, dans la douleur. En effet, en octobre, alors que l’Égypte, qui doit absolument gagner pour se qualifier, mène 1 à 0, le Congo égalise, à quelques minutes de la fin du match. Mohamed Salah s’effondre et reste au sol, accablé par le sort qui s’acharne contre lui lors de grands rendez-vous avec sa nation. Le joueur de Liverpool avait en effet échoué en finale de la coupe d’Afrique des nations, quelques mois plus tôt. Personne ne sait à quoi il a pensé durant les longues secondes passées au sol après le but congolais… peut-être à toutes ses heures en minibus, sur le chemin de l’entrainement dans sa jeunesse. Quoi qu’il en soit, dès qu’il se relève, Mohamed Salah motive ses coéquipiers et se donne corps et âme. Sa combativité sera récompensée, par un penalty qu’il transforme dans les dernières secondes du match. Les pharaons sont qualifiés pour le mondial russe et Mohamed Salah ne manquera pas la fête. Le 3 avril, en quarts de finale de la Ligue des Champions, il va confirmer, encore plus, tout le bien qu’on dit de lui en marquant un but et en délivrant une passe lors de la victoire 3-0 de Liverpool face à la terrible équipe de Manchester City. En championnat, son pied gauche continue de faire des victimes. Il est d’ailleurs, avec 23 buts, le meilleur buteur du pied gauche de l’histoire du championnat anglais.

 

Une personnalité attachante hors des terrains

L’excellence sur les terrains de l’attaquant de Liverpool n’a d’égal que sa vie bien rangée hors des pelouses. « S’il est assez bien pour toi, il est assez bien pour moi. S’il en marque encore quelques-uns, je serai aussi musulman. S’il est assez bien pour toi, il est assez bien pour moi. S’il est assis dans une mosquée, c’est là où je veux être. Mo-Salah ! ». Cette chanson surréaliste était entonnée par les supporters de Liverpool lors du match remporté contre le FC Porto en huitièmes de finales aller de la ligue des champions. Malgré une époque où le terrorisme a fait de l’Islam une religion rejetée par certains européens, Mohamed Salah a réussi à faire chanter une chanson en l’honneur de sa religion dans les travées d’Anfield, le stade de Liverpool, où le public est réputé conservateur.

« S’il est assez bien pour toi, il est assez bien pour moi. S’il en marque encore quelques-uns, je serai aussi musulman. S’il est assez bien pour toi, il est assez bien pour moi. S’il est assis dans une mosquée, c’est là où je veux être. Mo-Salah ! ».

Il faut dire que l’Egyptien est loin de cliver comme la plupart des grandes stars. En Europe, il fait l’unanimité pour son comportement irréprochable sur le terrain. Pareil en Egypte, où il fait preuve d’une grande générosité. Depuis toujours, l’attaquant multiplies les dons, notamment en faveur de la jeunesse de son pays.

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Avec l’aide de ses sponsors, il a financé le terrain de foot synthétique de son ancienne école qui porte aujourd’hui son nom. Il a également participé à l’installation d’une unité de soins intensifs à l’hôpital de Basyoun et à la création d’une association caritative à Nagrig. Il a financé la construction d’un institut religieux dans son village natal et s’est investi, auprès de l’ONU, afin d’apporter son soutien à une campagne contre les violences et les inégalités envers les femmes en Égypte.

N’ayant joué ni au Zamalek, ni à El Ahly, les deux grands clubs rivaux égyptiens, tout le pays s’identifie à sa formidable réussite. Pas rancunier pour un sou, il a même invité le président de Zamalek, qui l’avait empêché de rejoindre le club, à suivre un de ses matchs à Liverpool. Lors de son mariage en 2013, il aura invité tout son village. Père aimant qui ne pourrait pas, selon les rumeurs, passer trop de temps sans sa femme et sa fille, Mohamed Salah est une véritable oie blanche de 25 ans, dans un univers où les millions ont déjà détruit bien de jeunes vies.

 

« Comment devenir professionnel » 

Il l’a toujours dit, ce qu’il voulait, c’était jouer au football. « Si je n’étais pas devenu footballeur, je ne sais pas ce que je serais devenu. Depuis que j’ai commencé à jouer à 14 ans, tout ce que j’avais à l’esprit c’était comment devenir professionnel », explique-t-il. Encore en lice pour la Ligue des Champions et qualifié avec son pays pour le mondial 2018, Mohamed Salah peut encore rêver, secrètement, d’un podium lors de la prochaine cérémonie du Ballon d’or France Football. Le gagner… et pourquoi pas ?

Servan Ahougnon

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