(Agence Ecofin) - Menacé par un défaut de paiement d’EDM, l’Etat malien doit voler au secours de sa compagnie d’énergie. Un vaste plan de restructuration et de réorganisation appuyé par la Banque Mondiale est en cours pour permettre à l’entreprise publique de retrouver une stabilité financière viable d’ici 2021, apprend-on d’une correspondance adressée au Fonds monétaire international (FMI) par les autorités maliennes.
Le plan « s’articulera principalement autour de la modification du mix énergétique (passer des combustibles aux importations d’électricité), de l’amélioration des opérations d’EDM-SA et du renforcement de son bilan », a souligné Boubou Cissé, le Premier Ministre malien, en sa qualité de Ministre de l’Economie et des Finances, dans sa correspondance.
Soutien de la Banque mondiale
Depuis juillet 2019, la Banque mondiale déploie effectivement un programme d’investissement quinquennal de 150 millions $ pour raccorder 25 000 nouveaux ménages à l’électricité et améliorer la qualité du service pour 400 000 autres clients d’EDM. Ce programme d’investissement, indique-t-on, veut surtout réduire les coûts de production et d’approvisionnement d’EDM-SA en préférant le photovoltaïque et les importations d’électricité à l’utilisation coûteuses d’hydrocarbures pour la production d’électricité.
En moyenne, il est établi que la compagnie perd 41 FCFA sur le kilowatt vendu, en raison de sa structure de prix et de ses coûts non maîtrisés. Ce déficit est comblé par les subventions de l’Etat (40%) et de nouvelles dettes (60%) qui se sont entassées.
Selon l’institution de Bretton Woods, ce sont des coûts de production élevés et des tarifs inadaptés, combinés à des inefficiences et une mauvaise gestion, qui ont forcé EDM SA à « beaucoup emprunter » auprès des banques commerciales et des fournisseurs de carburants, propulsant l’entreprise dans un malaise financier.
A fin juin 2019, EDM devait 76 milliards de FCFA à ses fournisseurs. Les arriérés (51 milliards de FCFA) dus à ses gros fournisseurs ont été réglés en mai et juin 2019 grâce à deux emprunts bancaires à un an, garantis par l’Etat. Ses créances à court terme dues aux banques commerciales locales, ont alors augmenté très rapidement dans la foulée, pour atteindre 99 milliards de FCFA, soit la moitié de ses recettes annuelles. Si l’Etat malien prévoit de contribuer à la réduction des arriérés dus à EDM SA par des transferts supplémentaires et un réaménagement de la dette, son apport est déjà estimé à 30 milliards FCFA cette année. Si la compagnie compte sur cet argent et le règlement anticipé des factures d’électricité des institutions publiques pour rembourser ses prêts, on est encore loin du compte, tanse le Fonds monétaire international.
Pour le FMI, « cette situation financière délicate de la compagnie publique d’électricité, met en jeu sa survie et pourrait menacer l’activité économique du pays. »
Un contrat de performance avec Bamako pour se tirer d’affaire
Les relations entre l’Etat malien et sa plus grande compagnie, dont le passif financier affiche un endettement de près de 320 milliards FCFA, vont prendre un nouveau tournant. Si Bamako compte accompagner son « Too big to fail » dans l’accès à des prêts aux termes plus avantageux que ceux disponibles sur le marché local, ce ne sera pas sans condition. Cet accompagnement, précise-t-on, sera soumis à un contrat de performance. La finalisation du document contractuel est prévue pour cette fin novembre.
« Le contrat de performance présentera les termes, conditions, et engagements réciproques pour l’accompagnement de l’État dans le redressement financier de EDM-SA, notamment le rachat et la renégociation de la dette bancaire, ainsi que la réduction progressive de la subvention implicite sur les produits pétroliers, le plan de trésorerie de EDM-SA et les investissements prioritaires », détaille l’exécutif.
Une stratégie conduite sous l’onction du FMI qui recommande d’y associer les banques commerciales créancières d’EDM : « La stratégie de réforme des autorités pour la compagnie d’électricité publique (EDM-SA) est appréciée, étant donné l’importance stratégique de cette entreprise pour l’économie malienne. Les autorités sont encouragées à chercher à obtenir la participation des banques commerciales à la restructuration financière de la compagnie »
Les ménages au détriment des entreprises
Afin de faire revenir l’entreprise publique sur les sentiers de la rentabilité, Bamako est livré à un arbitrage difficile. Dans ce qui convient d’appeler « un grand bouleversement » dans la structure des prix pratiqués jusque-là par EDM, c’est le secteur privé qui devrait en payer le prix fort, bien que cette augmentation devrait arriver progressivement, promettent les autorités.
Ainsi, le gouvernement maintiendra « un tarif social pour préserver les couches les plus vulnérables de la population ». Il ajustera ensuite « progressivement les tarifs au coût réel du service pour les consommateurs de moyenne tension ».
Les prémices de cette option sociale n’ont pas attendu. En Conseil des ministres le mercredi 06 novembre 2019, l’exécutif a approuvé un avenant portant sur la suppression de la subvention sur les frais de branchement pour la clientèle qui utilise la moyenne tension. Cet avenant, soutient Bamako, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de l’étude sur la restructuration de la Société EDM-SA relative aux mesures nécessaires pour l’atteinte de son équilibre financier.
Fiacre A. Kakpo