(Agence Ecofin) - Dans son rapport «Mining in Africa Country Investment Guide» (MACIG 2020), consacré à la RDC, la firme Global Business Reports s’est entretenue avec Mark Bristow, PDG de Barrick, compagnie active sur la mine Kibali. Ce dernier est revenu sur plusieurs questions, y compris l’état actuel de l’environnement minier en RDC, où les premières décisions du nouveau président pour le secteur minier sont attendues. Une interview traduite de l’anglais par l’Agence Ecofin.
Suite à la récente fusion entre Randgold et Barrick Gold Corporation, quelle est la stratégie de la nouvelle entité, particulièrement en ce qui concerne l'Afrique ?
Nous avons fait de Randgold un des leaders du marché dans tous les domaines, des découvertes aux réserves par action et aux rendements pour les actionnaires. Pendant ce temps, notre industrie courait le risque de perdre sa pertinence. Il y avait trop d'actifs et trop d'équipes de gestion qui n'étaient pas performantes. L'industrie avait besoin de se consolider. Nous nous sommes concentrés sur les actifs de premier niveau et, incontestablement, Barrick est toujours apparue comme l'entreprise qui en avait le plus grand nombre dans l'industrie. La nouvelle stratégie est basée sur celle de Randgold. Nous voulons être l'entreprise aurifère la plus valorisée de l'industrie, en mettant l'accent sur la découverte, le développement et l'exploitation d'actifs de niveau 1 ou de niveau 2 pour le bénéfice non seulement de nos actionnaires, mais de toutes nos parties prenantes. Cette stratégie repose sur trois piliers : disposer des meilleurs actifs, des meilleures équipes de gestion et des meilleurs rendements.
Notre stratégie est axée sur la collaboration avec notre principale partie prenante - le pays où nous exerçons nos activités - afin d'attirer des investisseurs supplémentaires ou de nouveaux investisseurs pour poursuivre notre contribution à l'économie de ce pays par le biais du développement du secteur minier. L'Afrique est au cœur de cette stratégie et nous avons maintenant une entreprise beaucoup plus grande avec le même engagement envers tous les pays dans lesquels nous sommes présents sur le continent.
Randgold confiait l’exploitation de certaines de ses mines à des entrepreneurs, sera-t-il toujours le cas après cette fusion avec Barrick ?
Les mines souterraines de Randgold sont passées à un modèle d’ « exploitation par le détenteur » (différent du modèle où le détenteur confie l’exploitation à un entrepreneur, NDLR), bien que nous continuons à travailler avec des entrepreneurs sur les mines à ciel ouvert. En fait, Kibali (mine détenue par le groupe en RDC, NDLR) est l'une des principales exploitations minières automatisées du portefeuille - la partie inférieure de la mine et l'ensemble du système de manutention du minerai, y compris le levage, sont entièrement automatisés. Nous sommes en train de faire la transition pour avoir un seul opérateur qui exploite plusieurs niveaux dans la mine. On rencontre un succès incroyable et cela ouvre notre main-d'œuvre aux femmes en tant qu'opératrices. Nous avons prouvé qu'il n'est pas nécessaire d'être dans un pays très développé pour introduire ces technologies.
Alors que les entreprises cherchent à accroître leur efficacité opérationnelle, pensez-vous que les acquisitions d'entreprises technologiques prendront de l'importance dans le secteur minier ?
La nécessité de tout posséder est une faiblesse majeure des sociétés minières. Les technologies numériques, l'intelligence artificielle et l'automatisation offrent de grandes possibilités d'améliorer l'efficacité. Cependant, comme l'innovation technologique évolue à un rythme aussi rapide, il est préférable d'acheter des solutions d'innovation soutenues par de multiples utilisateurs. Nous reconstruisons nos plateformes pour permettre à nos gestionnaires de gérer en temps réel. Sur le plan numérique et technologique, les équipementiers commencent maintenant à l’adopter ; mais nous sommes toujours en retard en ce qui concerne l'innovation réelle et le déploiement de technologies qui soutiendraient les points de données recueillies par les machines modernes.
Le nouveau code minier de la RDC a reçu une réponse négative des sociétés minières opérant dans le pays. Avec l'élection du nouveau gouvernement en décembre 2018, vous attendez-vous à une certaine souplesse ou à la possibilité d'accords bilatéraux ?
Un nouveau gouvernement apporte généralement de nouvelles règles, et le nouveau président a récemment parlé à Washington d'attirer les investissements. Son équipe consultative de soutien est très pro-entreprise. La RDC a encore un long chemin à parcourir et il est entendu que certaines modifications au code minier ont été préjudiciables. L'industrie minière de la RDC a été constamment paralysée par les modifications de la législation fiscale - il est vrai que le pays est bien doté en minerais, mais si le pays n’attire pas l'investissement pour découvrir et développer ces gisements ainsi que déployer et améliorer les infrastructures nécessaires, la véritable valeur des ressources naturelles et des secteurs associés ne sera jamais libérée au profit de la population congolaise.
Avez-vous un message final à adresser aux investisseurs actuels et aux nouveaux entrants potentiels intéressés par la RDC ?
Nous ne sommes pas venus en RDC uniquement pour développer Kibali, bien que cela ait été un succès remarquable à tous points de vue. Il nous a fallu neuf ans d'investissement pour arriver à un stade où nous pouvons commencer à rembourser le capital. Nous continuons à investir dans de nouvelles opportunités en RDC. Pour que la RDC prenne une place de leader dans l'industrie minière africaine, elle devra attirer d'importants investissements. C'est l'endroit idéal pour des majors comme Barrick, et l’arrivée d’autres multinationales sera une étape importante. C'est certainement une chose sur laquelle le nouveau président a les yeux rivés.
Interview réalisée par Global Business Reports et traduite de l’anglais par Louis-Nino Kansoun
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