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En Afrique, les avantages de la mise en place de la taxe carbone l’emportent largement sur les risques (rapport)

  • Date de création: 07 juin 2023 05:32

(Agence Ecofin) - Alors que l’Afrique du Sud est jusqu’ici le seul pays africain qui applique une taxe carbone, le rapport souligne que les autres pays du continent ont intérêt à adopter cet impôt environnemental pour générer d’importantes recettes fiscales tout en atténuant l’impact du dérèglement climatique sur leurs populations.

La mise en place de la taxe carbone dans les pays africains comporte plus d’avantages que d’inconvénients, selon un rapport publié en mai dernier par le Forum africain sur l'administration fiscale (ATAF), une organisation créée en 2009 dans le but d’améliorer les performances des administrations fiscales en Afrique.

Intitulé « La fiscalité carbone en Afrique », le rapport précise que la taxe carbone est un impôt environnemental dont le montant varie en fonction de la quantité des émissions de CO2 lors de la consommation d’un bien, d’un service ou encore d’une ressource.

Cette taxe, dont la vocation première est d’inciter les entreprises et les consommateurs à aller vers des modes de production et de consommations sobres en carbone en renchérissant le coût pour ceux qui polluent, peut être appliquée en amont ou en aval de la chaîne de valeur des combustibles fossiles.

Si la taxe carbone est appliquée en amont, c’est-à-dire au moment de l’extraction ou de l’importation (selon qu’il s’agit d’un pays extractif ou non), l’administration fiscale peut choisir un contribuable qui collectera et reversera la taxe applicable à l’ensemble de la chaîne de production (par exemple, les acteurs des industries extractives ou les importateurs). En appliquant la taxe le plus tôt possible dans la chaîne de valeur, les administrations fiscales peuvent réduire au minimum le nombre de contribuables, ce qui simplifie la gestion administrative. Le taux de la taxe carbone est exprimé en unités de volume ou de poids (telles que le litre d’essence ou la tonne de charbon) sur la base des calculs de la teneur moyenne en carbone du combustible concerné.

Une taxe carbone en amont peut avoir un impact sur les économies formelles et informelles, ce qui est particulièrement important pour les pays à revenu moyen ou faible, où le poids du secteur informel est généralement important.

Etablir une trajectoire de croissance économique durable

Une alternative à une taxe basée sur la teneur en carbone du combustible fossile est une taxe axée sur les émissions réelles. Cette taxe est appliquée en aval de la chaîne de valeur, c’est-à-dire au niveau de la transformation ou de la distribution. Elle est calculée sur la base des émissions réelles rejetées par les installations soumises à la taxe. Pour être évaluée avec précision, cette approche repose largement sur le suivi, l’examen et la vérification des émissions réelles. Le prélèvement en aval est rarement utilisé, car il nécessite une comptabilité complexe.

Le rapport souligne également que les taxes carbone ne sont pas encore très répandues en Afrique. L’Afrique du Sud est le seul pays du continent qui applique actuellement une taxe carbone sur le continent africain. Elle le fait en aval.  

Les autres pays africains ont cependant intérêt à mettre en place la taxe carbone au niveau national, étant donné que cet « impôt vert » entraîne ce que l’on appelle communément un double dividende, c’est-à-dire que la taxe génère des recettes pour le gouvernement qui l’applique et fournit également un résultat environnemental positif sous la forme d’une réduction des émissions.

En raison de l’approche rapide de l’échéance fixée aux pays pour la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 et des preuves de plus en plus nombreuses de conditions météorologiques extrêmes stimulées par le réchauffement climatique, la mise en œuvre de taxes carbone nationales est une question stratégique pour établir une trajectoire de croissance économique durable en Afrique. Des études récentes montrent que le continent est à la fois la région la moins prête à faire face aux effets du changement climatique et la plus vulnérable à ses effets. Selon la Banque mondiale, le dérèglement climatique pourrait pousser jusqu’à 86 millions d’Africains à migrer à l’intérieur de leur propre pays d’ici 2050. Certains de ces mouvements migratoires se produiront dès 2030 en raison de la pénurie d’eau, de la baisse de la productivité des cultures et des écosystèmes ou encore de l’élévation du niveau de la mer.

Mobiliser les fonds nécessaires à l’adaptation au changement climatique

La mise en place d’une fiscalité carbone efficace pourrait aussi être un instrument important pour aider les pays africains à mobiliser des fonds pour s’adapter à ce nouvel environnement climatique, tout en atténuant l’impact du dérèglement climatique sur leurs populations et l’environnement dans lequel elles vivent. Dans cette optique, le taxe carbone pourrait aider les pays à honorer leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), telles que fixées par l’Accord de Paris sur le climat. Une centaine de pays du monde, soit deux tiers des CDN soumises, envisagent d’ailleurs de recourir à la tarification du carbone pour atteindre leurs objectifs de réduction des émissions. D’après les Nations Unies, la tarification du carbone pourrait à elle seule réduire le coût de l’atténuation des effets du changement climatique de 32 % d’ici à 2030, et atteindre son plein potentiel lorsqu’elle est associée à d’autres politiques énergétiques et environnementales.

Le rapport fait remarquer par ailleurs que l’absence de politique nationale en matière de taxe carbone pourrait permettre à d’autres pays d’appliquer un prix ou une taxe au nom du pays africain, par la mise en œuvre d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), comme celui adopté récemment par l’Union européenne (UE). Le potentiel de génération de recettes qui serait normalement dû à l’Afrique serait ainsi dévié vers les pays à revenu élevé qui administrent des politiques de tarification du carbone plus ambitieuses.

Afin de préserver la compétitivité de leurs industries nationales sur les marchés internationaux et d’éviter les fuites de carbone, les pays africains qui appliqueraient la taxe carbone pourraient, à leur tour, recourir à des ajustements unilatéraux des taxes aux frontières.

Les fuites de carbone désignent une situation où les coûts de production augmentent en raison de la mise en œuvre de politiques climatiques, et entraînent la délocalisation de la production vers d’autres pays où les contraintes en matière d’émissions sont plus souples.