(Agence Ecofin) - Les investisseurs internationaux sollicités par la Zambie pour lui accorder un moratoire sont désormais sceptiques sur les obligations internationales de plusieurs pays africains. Ils craignent notamment le risque de stress sur sa dette. L’évolution des choses est à suivre dans les prochains jours.
En prenant la décision de solliciter un moratoire sur le règlement des intérêts aux investisseurs de ses trois eurobonds (appel à l'épargne publique internationale), la Zambie a de fait durci les conditions des marchés des capitaux mondiaux pour les autres pays d'Afrique subsaharienne. Déjà boudés par les investisseurs en raison de la baisse des réserves de change de leur émetteur, les titres zambiens ont encore perdu de la valeur affichant des rendements proches de 38%.
Techniquement, le premier producteur de cuivre en Afrique continuera de payer les intérêts décidés lors de la réalisation de ses trois emprunts obligataires internationaux. Mais si le pays souhaite de nouveau mobiliser de la ressource sur le marché international, on lui exigera un taux d'intérêt supérieur à 30%, en raison du risque qu'on lui attribue aujourd'hui.
La situation est en train de s'étendre à d'autres pays africains, selon des données de marché collectées par l'Agence Ecofin. Alors que les rendements de deux obligations internationales du Kenya s'affichaient encore en dessous des taux d'intérêt au moment de leur émission, ils sont brusquement repassés au-dessus, signalant des inquiétudes de la part des investisseurs. Un phénomène analogue a été observé sur les 11 obligations internationales en cours du Nigeria.
Le gouvernement zambien tiendra le 29 septembre 2020 une rencontre avec les investisseurs de ses eurobonds pour leur proposer une stratégie de refinancement de sa dette. Mais convaincre le marché n'est pas acquis. Même s'il obtient une réponse favorable, cela ne lui fera économiser que 118 millions $ qu'il faudra par ailleurs rembourser.
Sur les trois prochaines années, le pays devra rembourser 1,8 milliard $ représentant le montant principal de deux de ses eurobonds. Il faut y ajouter l'arrivée à maturité d'autres dettes privées internationales.
Or actuellement, le cuivre qui est le principal produit d'exportation du pays connait une baisse des prix, et les contrats d'achat futurs sur cette ressource ne garantissent pas une envolée des prix sur le marché mondial. Dans ce contexte, les réserves de change de la Zambie risquent de ne pas vraiment décoller de leur niveau actuel de 1,2 milliard $ ; ce qui représente selon le ministère des Finances 2,3 mois d'importations.
Moody’s est la première agence de notation internationale à avoir réagi à cette évolution des choses concernant la Zambie. « Nous prévoyons que le fardeau de la dette de la Zambie dépassera 110% du PIB en 2020 en raison de l’important déficit budgétaire et de la dépréciation du taux de change. Placer la dette sur une trajectoire soutenable entraînera invariablement des pertes importantes pour les créanciers commerciaux, comme le montre notre notation Ca (très spéculative) ».
Lors d’une interview diffusée sur Bloomberg Television, l'ex-ministre zambienne des Finances, Margaret Mwanakatwe (photo), aujourd'hui remplacée, défendait l’impact de la dévaluation de la monnaie qui a perdu 41% depuis début 2020 sur le dollar. Selon elle, ce ne sera pas un gros problème, car la dette contractée a servi à réaliser des investissements qui vont doper les performances économiques.
L'évolution des rendements sur les obligations d'autres pays africains est à suivre. En dehors de la Zambie, des pays comme l'Angola ont aussi donné des indices tendant à faire savoir qu'une renégociation de la dette internationale n'est pas à exclure. Le Kenya a aussi fait part du risque de stress sur sa dette.
Certains investisseurs ont enfin évoqué cette éventualité, parlant du Cameroun. Entre 2023 et 2025, ce pays moteur économique de la CEMAC devra dans des conditions macroéconomiques complexes rembourser 250 millions $ chaque année, représentant le principal de son eurobond (750 millions $) émis en novembre 2015.
Idriss Linge
Johannesburg, Afrique du Sud : « Faire place au changement : façonner la prochaine ère de prospérité de l’Afrique »