(Agence Ecofin) - Avec la reprise économique qui se précise, les banques ont accru le niveau des crédits accordés à l’économie au sein de l’UEMOA. Ce chiffre global dissimule cependant la marginalisation de tous petits acteurs qui sont pourtant des piliers de la résilience en temps de crise.
Sur la période de 12 mois s'achevant le 31 mars 2022, le volume de crédits supplémentaires accordés à l'économie par les institutions de dépôt (banques) a atteint 6884,8 milliards FCFA (11,1 milliards $ au cours actuel), selon des données contenues dans le plus récent rapport de politique monétaire publié par la Banque centrale des pays de l'UEMOA (BCEAO).
Cet indicateur affiche une progression à, deux chiffres et d'un point de vue global, on pourrait se satisfaire de ce niveau d’engagement des banques commerciales pour l'économie de cette sous-région. Mais dans le détail, cette expansion du crédit bancaire comporte quelques limites. Sur le profil des bénéficiaires, 55,6% de ces crédits nets supplémentaires (3 833,7 milliards FCFA) ont été accordés aux administrations publiques centrales (les Etats). Le reste a été accordé à des entreprises du secteur privé.
Sur ce dernier point aussi, on note que les 400 plus grosses entreprises utilisatrices de crédits bancaires ont reçu 31,2% de nouveaux encours. Aussi, une part importante des crédits accordés a des maturités à court terme (moins de 12 mois). Enfin, les secteurs qui bénéficient de la quasi-totalité des crédits bancaires sont ceux liés à la consommation. Les industries manufacturières ont reçu 12,1%, mais on peut estimer qu'en majorité, ce sont des grandes entreprises qui en ont été majoritairement bénéficiaires.
Ainsi, la part des crédits bancaires accordés aux ménages est restée assez marginale. Or, c'est dans cette catégorie d'agents économiques qu'on retrouve l'essentiel de ceux que les administrations qualifient de secteur informel. Il regroupe les petits commerçants de biens et services, mais aussi des centaines de milliers de producteurs agricoles, des éleveurs ou des pêcheurs qui, en période de crise, se sont révélés être les piliers de la résilience économique au sein des Etats.
La problématique du financement de ces agents économiques ne semble pas faire l'objet d'une réflexion politique de fond. Début juin 2022, la BCEAO a décidé de relever ses taux directeurs. Son objectif est de ramener l'inflation à un niveau soutenable. Mais cette mesure qui présente une certaine logique, selon les théories économiques classiques, est aussi une sanction pour ces très petites entreprises qui ne peuvent plus facilement accéder aux crédits bancaires.
Aussi, la régulation bancaire dans la zone UEMOA comme dans de nombreuses régions d'Afrique reste encore très conservatrice sur la question des standards internationaux de gestion des risques. Cette option est peut-être celle qui pousse les banques à se resserrer sur des acteurs comme les Etats et les grandes entreprises dont le profil de risque est a priori plus faible, et sur des secteurs de court terme comme la consommation. Dans le même temps, ceux qui soutiennent l'économie lorsque surviennent des chocs les plus graves sont moins favorisés.
Idriss Linge
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