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Le yuan digital : une menace annoncée pour le dollar américain

  • Date de création: 16 avril 2021 05:09

(Agence Ecofin) - Les avancées de la Chine dans le développement de sa monnaie digitale alimentent des arguments en faveur d’une menace sur l’hégémonie du dollar américain. Si le risque est sérieux, la configuration de l’économie mondiale laisse penser que cela ne surviendra tout de même pas du jour au lendemain.

Depuis quelques mois, la Chine effectue des tests d'utilisation de la toute première monnaie digitale émise par une banque centrale. Le lancement de ce nouveau moyen de paiement positionnera encore une fois la Chine comme pionnière des révolutions monétaires. C'est en effet dans ce pays que fut utilisé pour la première fois du papier monnaie. L'Europe n'a suivi que 7 siècles plus tard, selon les historiens.

De nombreux analystes voient dans la monnaie digitale chinoise, le futur tombeur de l'hégémonie internationale du dollar américain. Dans une opinion publiée sur le journal britannique Financial Times, Michael Hasenstab, le conseiller économique du DG de Franklin Templeton, émet cet avis. « Les marchés ont été saisis par la fièvre de la crypto-monnaie. Mais ceux-ci peuvent être un spectacle secondaire pour une grande tendance en développement - la numérisation rapide du renminbi. Ce changement, combiné à d’autres facteurs macroéconomiques et politiques, pourrait être la clé qui accélèrera le déclin de la domination du dollar en tant que première monnaie de réserve du monde », a-t-il fait savoir dans sa tribune.

Plusieurs arguments plaident en effet pour cette éventualité. Les monnaies digitales connaissent un succès, au regard des performances de la plus connues d'entre elles, à savoir le Bitcoin. Il se négociait encore à plus de 62 000 $ ce jeudi 15 avril 2021, en fin d'après-midi signe d’une solide demande des investisseurs pour ce type de produit.

Par ailleurs, la Chine est un acteur principal de l'économie mondiale. Selon des calculs de l'Agence Ecofin, sur la base des récentes prévisions économiques du FMI, ce pays pèsera, sur la période 2021 à 2026, pour 20,5% de la croissance mondiale contre seulement 14% pour les USA.

Et parce qu'elle a connu une reprise plus rapide après la crise sanitaire, la Chine a encore renforcé sa position de leader dans le commerce mondial. Ses exportations ont atteint la somme record de 2500,4 milliards $ en 2020, selon des estimations de la plateforme International Trade Center. Même sur un point qui fait la force des USA, avec son marché des obligations ouvert en principe à tout le monde et qui pèse 29 000 milliards $, la Chine commence à rivaliser : son marché des obligations pèse déjà 15 000 milliards $ et il est également ouvert aux investisseurs étrangers qui, selon de récentes données, y ont investi l’équivalent de 545 milliards $ à la fin mars 2021.

Mais détrôner le dollar ne sera pas chose facile. La résistance de la monnaie américaine face à celle de ses partenaires européens en est une preuve. Si on peut objecter que la Chine souffre des critères défavorables, comme un contrôle politique omniprésent et le manque de transparence dans la gestion des affaires publiques, ce n’est pas le cas de l'Union Européenne, constituée de démocraties. Et pourtant, malgré sa solide progression, sa monnaie l'euro ne comptait à fin décembre 2020, que pour 21,2% des réserves de change internationales selon le FMI, contre 59% pour le dollar américain. Quant à la Chine, son Renminbi était à seulement 2,25%. En valeur absolue, les réserves de devises en dollar US (2217,6 milliards $), représentent près de 11 fois, celles qui sont en Yuan Renminbi (l'équivalent de 203,4 milliards $).

D’autre part, la Chine n'est pas la seule à mener une bataille pour le leadership monétaire. Les données du FMI indiquent que la part des réserves en euros, yens japonais, dollars canadiens et australiens dans les réserves de change mondiales, ont progressé au cours des récentes période.

Enfin, si la Chine est un grand exportateur, elle est par ailleurs un gros importateur. Ses achats sur le marché mondial sont estimés à 2055 milliards $ en 2020, et une part modeste (15%) de ces importations font l'objet de paiement en Renminbi. Sur le court terme, il lui sera difficile d'imposer sa monnaie à ses fournisseurs. On retrouve dans le top 10 de ces derniers la Corée du Sud, les USA, le Japon, l'Allemagne, ou encore l'Australie, qui ne sont pas près de se laisser séduire par le Yuan digital.

Mais la Chine peut trouver des alliés à sa cause. Dans ce registre, on citera la Russie, l'Iran, et quelques pays d'Amérique Latine. L’Afrique est également perçue comme une possibilité d’expansion plus favorable. Une banque chinoise contrôle jusqu’à 20%, le capital de la Banque commerciale la plus importante d’Afrique de par le volume de ses actifs (Standard Bank) et cette dernière compte une dizaine de filiale en Afrique. Avec plusieurs banques africaines, les institutions financières chinoises ont signé des accords de changes de devise. Et le continent noir qui lance son marché commun a grandement besoin d’un système de change de référence.

Idriss Linge

Idriss LINGE
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