(Agence Ecofin) - Pour la deuxième année consécutive, la part de l’Afrique subsaharienne dans l’aide publique au développement est en recul. Ce déséquilibre renforce les arguments en faveur d’un nouveau repositionnement de l’Afrique face à ses objectifs de développement.
L'aide publique au développement (APD) accordée par les pays membres du Comité d'aide au développement (CAD) en 2022 a atteint un niveau record de 204,0 milliards $, selon des données provisoires publiées par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Elle a ainsi enregistré une augmentation de 13,6 % en termes réels par rapport à l'année précédente.
Toutefois, la part de l'Afrique dans cette aide reste un sujet de préoccupation et tranche avec les discours de solidarité en provenance des dirigeants des pays riches. En effet, bien que certains pays de la région aient bénéficié d'une aide accrue en 2022, l'APD nette consacrée à l'Afrique subsaharienne a enregistré une baisse de 7% en termes réels par rapport à 2021, passant de 36,6 milliards $ à 34 milliards $. C’est la troisième baisse consécutive depuis le pic de 2019 et c’est son niveau le plus bas depuis 2010, selon des données consultées par l’Agence Ecofin.
Certains attribuent cela en partie à la pandémie de COVID-19 qui a entraîné des pressions budgétaires dans les pays donateurs, ce qui est une hypothèse forte. Cependant, on ne peut s’empêcher d’y voir une pratique du deux poids et deux mesures, car la part d’aide reçue par l’Ukraine pour sa première année de conflit a atteint 16,1 milliards $. Elle représente près de la moitié de ce qui a été accordé à l’Afrique subsaharienne et 7,8 % de l’APD global en 2022.
Cette situation renforce l’idée d’une Afrique créancière nette sur le reste du monde, lorsqu’on rapproche ces chiffres avec les données de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) sur les flux financiers illicites. En 2021, l’institution avait estimé que l’Afrique chaque année perdait près de 90 milliards $ de ses ressources financières, au profit des juridictions qui sont identifiées pour la plupart dans des pays membres du CAD.
Le document de l’OCDE indique aussi que de nombreux pays qui se présentent comme des partenaires de l’Afrique et qui ont une histoire complexe avec le continent comme la France, le Royaume-Uni et la Belgique, n’ont pas atteint les objectifs de ressources à consacrer à l’APD, soit 0,7% de leur Revenu national brut. Seuls l’Allemagne, les pays nordiques et le Luxembourg tiennent ces engagements.
Ces chiffres donnent encore plus d’écho à ceux qui pensent que l’Afrique devra continuer de puiser dans ses propres ressources pour financer son développement. Alors qu’elle subit aujourd’hui les conséquences de situations dont elle et ses dirigeants ne sont aucunement responsables (inflation importée, changements climatiques ou encore hausse du dollar), elle reçoit un faible soutien de la communauté des pays riches.
Ces derniers ne lui facilitent pas l’accès aux marchés des capitaux, avancent lentement sur la renégociation de sa dette actuelle et continuent d’exiger de ses pays des réformes qui sont potentiellement porteuses de crises sociales, comme la suppression de subventions sur des produits de première nécessité économique.
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